Légitime défense

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Memphis, Tennessee

Vendredi 3 octobre 1980, 10h00


Ce vendredi est mon dernier jour de travail chez Wendy. Elle regrette mon départ, mais respecte mon choix. Elle me dit que je pourrai toujours revenir travailler chez elle en cas de besoin. Depuis notre arrivée à Memphis, j’ai fait quelques emplettes et je décide de commencer à ranger mes affaires. Je sors mon sac de voyage de sous mon lit. Je le trouve un peu trop léger. Lorsque je l’ouvre, je constate que le revolver a disparu. Il ne peut y avoir qu’une explication. Je frappe à la porte de la chambre de Becky. Je l’ai entendue rentrer dans la nuit, je n’ai pas fait attention à l’heure. Elle dort profondément. Je tire les rideaux pour la réveiller. Elle émerge assez vite.

« C’est pas aujourd’hui qu’on part ! Pourquoi tu me réveilles si tôt ?

— Où est mon flingue ? demandé-je sèchement.

— Dans mon sac, me répond ingénument la jeune femme. Pourquoi ?

— D’abord, tu aurais pu me demander avant de le prendre et ensuite, si tu t’étais fait arrêter avec cette arme dans ton sac, tu étais bonne pour la prison !

— Tu le transportais bien, toi !

— Oui, mais moi, je ne me prostitue pas dans les bars !

— Justement, c’était pour me sentir en sécurité, se défend Becky. »

J’attrape son sac sur la table et je l’ouvre pour reprendre le revolver. Je l’examine attentivement, méfiante. Il y a maintenant deux chambres vides dans le barillet.

« Tu l’as utilisé ? m’écrié-je.

— C’est pour ça que je le trimbalais, pas pour faire joli !

— Quand ? Où ?

— Cette nuit, dans une ruelle derrière un bar. J’étais sortie avec un type et il a commencé à être agressif. Il m’a dit qu’il fallait que je travaille pour lui maintenant.

— Je t’avais prévenue !

— Oui, je sais, pas la peine de la ramener ! Comme il me faisait mal, je me suis débattue et j’ai sorti le flingue. Il a dit que je ne savais pas m’en servir, que je n’oserais pas. Cet idiot ne savait pas que j’avais appris. Alors quand il est revenu vers moi, j’ai tiré.

— Tu l’as touché ?

— Qu’est-ce que tu crois, bien sûr ! Je ne pouvais pas le rater. C’était de la légitime défense, non ?

— Qu’est-ce que tu as fait après ?

— Tu crois pas que j’allais lui faire du bouche à bouche ! Je me suis tirée et je suis rentrée ici.

— Quelqu’un t’a vue ?

— Non, je crois pas, en tout cas personne n’a appelé au secours. Il n’y avait aucune fenêtre allumée.

— Quand tu es partie, ce type était vivant ?

— Je t’ai dit que j’ai pas vérifié ! Je m’en fous si je l’ai tué, c’était un salaud.

— Et dans le bar, il y quelqu’un qui te connait ?

— J’ai discuté avec le barman, plusieurs fois, et avec le patron aussi. Ils me laissaient faire mes petites affaires tant que ça se passait dehors. Ils ne connaissent que mon prénom.

— Un prénom et un signalement, c’est déjà beaucoup. À l’heure qu’il est, ils ont déjà dû commencer à interroger les voisins du bar. Fais ta valise, on se barre tout de suite. »

Sans attendre de réponse, je retourne dans ma chambre avec le Smith et Wesson. Je devrais peut-être m’en débarrasser, mais il nous a déjà sauvé la mise deux fois. Je le fourre au fond de mon sac et je jette tous mes vêtements en vrac par-dessus.

« Retrouve-moi à la voiture au plus vite, je vais voir Moïse pour régler la chambre. »

L’hôtelier est derrière son comptoir, comme à son habitude, j’ai l’impression qu’il fait ses comptes. Je lui explique qu’il nous faut partir un peu plus tôt que prévu.

« Ne vous inquiétez pas, je pensais bien que ça finirait comme ça. Je l’ai compris tout de suite, je sais bien que ce n’est pas votre sœur, et je sais bien aussi ce qu’elle fait la nuit. Surveillez-la bien, si vous pouvez, avant qu’il ne lui arrive de gros ennuis. Ne me dites pas où vous allez, comme ça je n’aurai pas à mentir si la police m’interroge.

— Je ne vous remercierai jamais assez, Moïse, vous avez vraiment été très gentil pour nous.

— Vous savez, je vis seul aujourd’hui, mais j’ai aussi eu une fille, qui aurait à peu près l’âge de Becky aujourd’hui. Si je m’en étais mieux occupé, elle serait sans doute toujours là aujourd’hui. »

Je vois une larme couler derrière le verre de ses lunettes. Je ne sais quoi dire. Becky arrive à ce moment.

« Alors, on y va ? Salut Moïse ! »

Elle fait un geste de la main et sort dans la rue, je la suis sans rien ajouter. Avant de monter en voiture, je prends le journal local dans une boîte sur le trottoir. Becky me fera la lecture dans la voiture. Nous passons le pont sur le Mississipi, de l’autre côté c’est l’Arkansas. Un peu de temps de gagné.


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