Chapitre deuxième

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Henry Chiparlart a grandi sous la férule d’une éducation rigoureuse. En pension dès l’âge de huit ans à la Confrérie de la très sainte Trinité des Péni­tents rouges de Besse et Sainte-Anastaise, il s’illustre dans les travaux manuels en entreprenant de coudre par leur lobe toute une colonie de fourmis rouges. Henry Chipalart à cette époque a peu d’amis. Fuyant les jeux bruyants et brutaux des garçons de son âge, adeptes du jeu de soule, rugby sans règle organisé par les frères pour réchauffer leurs garnisons de garnements, il se prend d’affection pour une naine, employée aux cuisines, de trois ans son aînée et affectée d’une récurrente maladie de peau. Le jeune Henry établit avec soin la progression des éruptions cutanées répandues sur le corps de la pauvre fille, découvrant les replis les plus intimes de l’anatomie féminine en même temps que le furoncle.

Adolescent, Henry Chiparlart se destinait à l’école vétérinaire, ou bien, dans la plus op­timiste des hypothèses, aux études de mé­decine. Comme son taxidermiste de père, il s’est intéressé à la structure, à la topogra­phie et aux rapports entre eux des organes internes. Il s’est d’abord essayé sur de petits animaux, disséquant les viscères des petits rongeurs jusqu’au chat du vicaire d’une paroisse voisine de Besse et Sainte-Anas­taise qu’il ouvrit par le milieu pour tacher de comprendre les mystérieuses sympa­thies qu’entretiennent entre elles les voies aériennes et les voies digestives. Il montrait aussi de fortes dispositions pour le dessin, des dispositions fortement entretenues par sa mère. Celle-ci appréciait la peinture, particulièrement le nu artistique dans la perfection du corps africain sublimé selon elle par Youssef, le fils des voisins, qu’elle installait en été dans sa chambre pour de longues séances de pose. Elle inventait pour lui des scènes d’inspiration grecque instantanément reproduites, grâce à son fils, sur la planche à dessin. Henry Chiparlart a toujours été discret quant à ces séances. Sa mère, autoritaire, n’admettait pas que l’on contrevienne à ses caprices et l’on peut imaginer quelles pénibles heures il passa dans cette chambre, l’été, le crayon à la main, pénétré jusqu’à la nausée de l’odeur des corps moites. Rude école mais pourtant formatrice. Les nus commes les croquis des animaux disséqués ont remarquablement contribués à la maturité artistique d’Henry Chiparlart qui, lorsqu’il se présenta aux concours des Beaux-Arts, fut reçu avec les félicitations du jury

On sait peu de choses sur la vie d’étudiant d’Henry Chiparlart, si ce n’est qu’elle fut très dissolue. Il se lie d’amitié avec un autre étu­diant de l’école du Louvre, Martial Le Gore, avec lequel il assiste aux premières confé­rences de Guy Debord puis aux réunions de l’Internationale Situationniste. Il ren­contre à cette époque Annabelle Leboiteux avec laquelle il ouvrira son premier atelier rue Prends-y-garde, non loin de la gare de l’Est. L’effervescence artistique des années 60 et 70 bat son plein et l’on peut imaginer, sans en avoir la preuve formelle, qu’Henry Chiparlart fut, durant les événements de mai, de toutes les nuits du Quartier Latin. Je crois savoir, mais Henry Chiparlart ne fut jamais trop disert à ce sujet, que sa pre­mière cure de désintoxication assortie de troubles digestifs graves date aussi de cette époque. La seule date dont je sois certain est celle à laquelle il signe sa première oeuvre majeure « Coloscopie », qui sera très vite remarquée dans les circuits de l’art contem­porain. Cette gloire précoce n’est pourtant pas la bienvenue. Henry Chiparlart a tou­jours considéré que la non-reconnaissance artistique est la caractéristique première d’une oeuvre aboutie. L’artiste, selon lui, ne trouve son salut que dans l’oeuvre obscure, loin, très loin de son public. Lorsque le très parisien Jean Legoître, critique d’art de la revue Les Imputrescibles, s’est présenté chez lui, Henry a voulu qu’il interroge plu­tôt son petit chien, IKB, faisant valoir que le bichon maltais est en toute circonstance le meilleur ami du critique d’art. L’anecdote aujourd’hui fait sourire, elle fit scandale à l’époque. Legoître, une sommité de l’art contemporain, n’a pas apprécié la plaisan­terie et j’ai de bonnes raisons de croire qu’il fut à l’origine de la cabale dirigée contre Henry Chiparlart dans les milieux intellec­tuels et artistiques de la capitale...

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