EMILY

Nous sommes vendredi soir, je suis en route pour aller chez Lydia. Je suis perdue dans mes pensées et bercée par Whatever it takes de Imagine Dragons qui sort des hauts parleurs de la voiture.

Pour une fois depuis des lustres Lydia m’invite à dîner chez elle. Et j’ai cru comprendre qu’elle avait également invité Jay et Adam à se joindre à nous. Ça fera bizarre d’avoir des mecs avec nous lors de notre soirée fille spéciale du vendredi. Mais, c’est toujours bien de bousculer les habitudes. Et puis, ce n’est pas comme si je ne m’entendais pas avec eux, ils sont tout les deux vraiment sympa. Peut-être parce qu’ils font partie de la même famille?

J’arrive rapidement chez ma meilleure amie, me gare devant son immeuble, verrouille ma voiture et cours rapidement vers l’entrée du bâtiment pour ne pas être trop trempée. Temps de merde!

J’entre dans l’ascenseur une fois qu’il a ouvert ses portes et appuie sur le boutons du troisième étage. S’il y a bien une chose qui manque dans mon immeuble, ce sont les ascenseurs. Bon, je ne vais pas me plaindre parce que j’habite au deuxième étage, mais pour les autres habitants, ça doit vraiment être emmerdant.

Quand j’arrive à l’étage où habite Lydia, je longe le couloir où se trouvent deux autres appartements et frappe à la porte de l’appartement de ma meilleure amie. Cette dernière vient m’ouvrir avec un grand sourire que je lui rends. Elle s’efface afin de me laisser entrer, je retire ma veste qui est complètement trempée à cause de l’averse qu’il y a dehors et lui tends pour qu’elle la range au porte manteau sur ma droite.

Apparemment, elle était aux fourneaux parce qu’elle porte un tablier rose sur lequel sont indiqués les mots «Je suis la plus chou des cuisinières». Une odeur de sauce tomate envahis l’appartement, ce qui me mets immédiatement l’eau à la bouche. J’ai hâte de manger, Lydia a toujours été un vrai cordon bleu.

– Salut ma belle, tu es la première arrivée, me dit-elle souriante.

Je le savais que je serais la première. Il ne faut jamais compter sur Adam pour être à l’heure, il le spécialiste du retard et Jay aime aussi se faire attendre, mais un peu moins que son frère.

– Je ne suis même pas étonnée, dis-je en la suivant dans la cuisine.

Je m’installe au comptoir de la cuisine, alors que Lydia me sert un verre de vin rouge. Elle me le tend, et je ne tarde pas à en boire une gorgée.

– Ça sens trop bon ici!, dis-je en souriant.

– Escalopina alla bolognese, me répond t-elle avec un clin d’œil.

Je lui souris. J’adore ce plat, ça fait longtemps que je n’en ai plus manger et Lydia est une pro en ce qui concerne la cuisine italienne.

Ma meilleure amie et moi discutons quelques minutes pendant qu’elle est aux fourneaux. Elle a l’air soucieuse, ce qui n’est pas vraiment dans ses habitudes. C’est plutôt mon style à moi ça.

– Lyd’!

Elle se tourne vers moi avec un air interrogateur sur le visage.

– Crache le morceau, continué-je.

Elle me regarde d’un air hésitant, avant de mordre la lèvre, comme si elle se retenait de me dire quelque chose.

– Il est sorti de l’hôpital, dit-elle après un moment de silence.

Je perds immédiatement le sourire qui arborait mon visage depuis mon arrivée. Qu’est-ce que ça peut me faire qu’il soit sorti? Je vais recommencer à le croiser tous les jours, ou peut-être pas en fait. Comme il a une jambe dans le plâtre, il ne pourra sortir pendant un petit temps… J’ai encore au moins une semaine sans le croiser.

Lydia me fixe, sondant ma réaction. Elle tient dans ses mains deux gants de cuisine violet et me fixe avec attention.

– Et alors?, finis-je par dire.

Elle écarquille légèrement les yeux, voyant que je réagis plutôt calmement. Après tout, ça fait 1 mois qu’à chaque fois qu’elle aborde le sujet Riley, je me crispe ou m’énerve.

– Oh… Euh… Rien.

Elle ne tarde pas à se tourner à nouveau pour s’occuper de sa sauce bolognèse. Je hausse les épaules en reprenant une gorgée de vin. Je reste plongée dans mes pensées un petit moment, quand quelque chose me vient à l’esprit. Elle a pas fait ça quand-même?

– Me dis pas qu’il sera là ce soir…, dis-je sur un ton calme.

Quand elle se tourne à nouveau vers moi, elle a un petit sourire crispé affiché sur le visage. Oui, elle a fait ça. C’est vrai qu’elle est chez elle, et qu’elle a le droit d’inviter qui elle veut. Mais, elle aurait pu au moins me prévenir.

– Si je te l’avais dit, tu ne serais pas venue, dit-elle comme si elle venait de lire dans mes pensées.

– Évidemment que si… Je serais venue, mens-je.

Elle relève les sourcils pour bien me faire comprendre qu’elle n’est pas dupe.

– Oui… Bon, c’est vrai, avouai-je finalement en tournant la tête.

Après tout, ce n’est pas si terrible. S’il a perdu la mémoire, il y a peu de chance que ça finisse en dispute ce soir. Ce sera une nouvelle rencontre, et un nouveau départ entre nous.

– Ce n’est pas la mer à boire après tout… Je ferai un effort, dis-je en lui souriant.

Lydia écarquille les yeux et hausse tellement les sourcils qu’on croirait presque qu’ils touchent la racines de ses cheveux. Elle affiche ensuite un énorme sourire en exprimant sa joie dans un petit cri.

– Oh! Merci Emy’, je suis vraiment contente!, dit-elle en me prenant dans ses bras.

Je lui rends son étreinte, quand nous nous séparons, elle retourne devant la cuisinière.

– Je suis sûre que ça va bien se passer, dit-elle toujours penchée sur la casserole de pâtes.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Si ça se trouve tout ce passera à merveille, mais autant ne pas crier victoire trop vite. Il va peut-être redevenir le con qu’il a toujours été avec moi et ça va tout de suite finir en dispute, ce que je n’espère pas. J’aimerais passer une soirée tranquille, pour une fois pouvoir rester dans la même pièce que lui sans vouloir l’étriper.

– Si ça se trouve, ça va tellement bien se passer, que vous serez amis…, rajoute Lydia en relevant la tête vers moi.

Amis? Je ne peux me retenir de rire en entendant sa remarque. Comment pourrais-je être amis avec lui? En tout cas, avec l’ancien Riley ça n’aurait pas été possible. Peut-être qu’il a perdu la mémoire, mais ce n’est pas pour autant qu’il changera. Tout ce qui peut arriver, c’est que notre re-rencontre se passe un peu mieux que la première.

– Je ne crois pas, dis-je en ricanant.

– Qu’est-ce que tu en sais?, me répond t-elle en relevant un sourcil.

– Pour la simple et bonne raison que tout les deux, nous avons des caractères complètement différents et que ce n’est pas possible que l’on soit amis. On pourrait se supporter à la limite, mais c’est tout.

Elle s’apprête à me répondre, mais est interrompue par quelqu’un qui tape à la porte. Lydia s’essuie les mains sur son tablier et sort de la cuisine pour aller ouvrir. Je prends une nouvelle gorgée de vin avant de la rejoindre dans l’entrée pour aller saluer les garçons.

Quand je les rejoint dans l’entrée, mon regard se pose directement sur lui. Il porte un t-shirt gris, un jean noir et ses cheveux bruns sont cachés sous une casquette de baseball. Son œil au beurre noir a dégonflé depuis que je suis venue le voir à l’hôpital, et a pris une teinte beaucoup moins bleue. Son bras est toujours soutenu par une écharpe pour garder son épaule en place, mais le plâtre qu’il avait à sa jambe n’est plus là.

Je me dirige vers Jay et Riley pour les saluer. Quand j’arrive près d’eux, Jay m’embrasse la joue en me souriant. Riley me fixe de ses yeux verts, s’attendant peut-être à ce que je me présente. Il me scrute avec un air interrogateur, ce qui me montre qu’il ne voit pas qui je suis.

Je prend une grande inspiration et lui tends la main.

– Emily, dis-je d’une petite voix.

Il regarde ma main quelques instants avant de la prendre.

– Riley, dit-il en souriant.

– Je sais, dis-je en lui rendant son sourire.

Nos regards se fixent dans les yeux l’un de l’autre. Ses yeux verts me transpercent, son regard est tellement intense que je n’arrives pas à m’en décrocher. J’avais oublié a quel point il était beau, cet homme a un tel sex-appeal. S’il n’avait été un tel connard avec moi, j’aurais peut-être pu succomber à son charme. Je raconte vraiment n’importe quoi là…

Un raclement de gorge nous fait tourner la tête, nous sortant tout les deux de notre transe.

– Et si on allait au salon, en attendant Adam, propose Lydia.

* * *

Nous parlons depuis une bonne demi heure maintenant, Adam n’est toujours pas là, ce qui n’étonne personne. C’est son truc le retard. Lydia nous a laissé pour aller surveiller sa cuisson, et Jay est parti faire je ne sais quoi. Je me retrouve donc seule en compagnie de Riley qui me regarde avec insistance, ce qui a le don de me mettre mal à l’aise.

– Ça va?, me demande t-il après un moment de silence.

Je relève la tête vers lui, en lui faisant un léger sourire.

– Oui, bien.

Il me sourit en prenant une gorgée d’eau. Ce qui m’avait surprise quand il avait demandé de l’eau, jusqu’à ce qu’il explique que c’était à cause des médicaments qu’il prend contre la douleur.

– Est-ce que… Est-ce que tu pourrais me dire comment on se connaît?, me demande t-il gêné. Parce que… Je…

– Parce que tu ne te souviens pas de moi, ne t’inquiète pas, je sais…, dis-je en souriant. En fait, je suis ta voisine, et tous les deux, on ne s’entend pas vraiment en général.

Il écarquille légèrement les yeux, avant de me sourire de toutes ses dents.

– Ah je vois… C’est toi la fameuse Emy’.

– On t’a parlé de moi?, demandé-je.

– Pas beaucoup… Ils m’ont juste dit qu’on ne s’aimait pas trop, dit-il en souriant. Ils ne m’ont pas précisé que tu étais ma voisine et que tu étais… Aussi jolie.

Mes joues s’empourprent, et je lui fais un léger sourire. Riley le dragueur est de retour. Mais, au moins il ne dit pas «T’es bonne», comme à notre première rencontre. Ce qui est déjà pas mal.

– Regardez qui a enfin décidé de se pointer, dit Lydia en entrant dans le salon.

Elle est suivie par Adam qui nous fait un grand sourire. Que la soirée commence alors, parce que je meurs de faim.