Flagrant délit
Nous revoilà à table, comme si rien ne s’était passé, le plateau de crêpes circule parmi les convives. Chacun se régale avec les préparations salées et sucrées que les deux mamies ont préparées. Contrairement aux autres, le coup de fusil m’a plutôt coupé l’appétit. Elle est carrément barge la grand-mère ! Je ne peux pas m'empêcher de regarder le trou qu’elle a fait au plafond, et réalise que c’est la chambre où nous dormirons. Devrais-je plutôt arrêter de me prendre la tête et en rire comme le font en ce moment Pierrette et Mimie ? Et ce Pierre, c’est vraiment un gros connard. Moi qui pensais que j’avais mon lot de disputes dans ma famille, ce n’est vraiment rien comparé à ce qu’il vient de se passer.
J’aurais préféré aller retrouver Zach qui est parti je ne sais où, mais Camille m’a mis le grappin dessus, impossible de m’en défaire. Elle n’arrête pas de me poser des questions. Zach lui a manifestement parlé de moi, je n’ai qu’à confirmer ce qu’elle sait déjà. Lorsqu’elle me demande si j’ai un mec, je lui fais une tête de chien battu, genre “Dossier sensible, next”. Elle me sonde du regard pour savoir si elle peut insister, mais se ravise, tant mieux. Il m’est inutile d’en vouloir à Zach de m’avoir caché qu’il était sorti avec elle, car cette fille est à l’image du portrait qu’il m’en a fait : intelligente, sympa et enjouée. Je ne peux donc pas la ranger dans la catégorie des Géraldines. Et puis, vu comment elle me parle de son Tony, elle a l’air d’avoir trouver la perle rare, je n’ai rien à craindre qu’elle se remette avec Zach, n’en déplaise à Mimie. Celle-ci, à ma grande surprise, décide de me sourire sincèrement, à croire que tous ces événements successifs m’on rendu parano. Elle me demande ce que j’envisage pour l’année prochaine. A peine ai-je prononcé le mot Irlande qu’elle ne peut s’empêcher d’évoquer le souvenir de l’un de ses amants de jeunesse, une brute épaisse et sauvage, au doux nom de Connor MacLeod, alias Highlander comme dans le film des années 80 du même nom. Sa vigueur sexuelle n’égalait que la dureté et la grandeur de son épée. Sa petite fille tente de la faire taire, mais nous avons droit au récit de ses ébats avec le bel étalon dans les ruines d’un château. Comme Camille, j’ai trop envie de me marrer, mais je me retiens. J’évite surtout de la rectifier en lui précisant que les Highlands se situent en Ecosse.
Etienne vient de rentrer et me précise que Zach est parti faire un tour du côté de la rivière. Vu comment il a dégagé son cousin, je ne suis pas étonné qu’il ait besoin de se retrouver seul. J’aurais bien fait comme lui, car depuis que nous sommes arrivés, tout s’est enchaîné. J’ai l’impression d’avoir déjà vécu trois journées en une demi. Trop de nouvelles têtes, je n’arrive plus à participer à la conversation, je me rabats sur ma bolée de cidre que je sirote en souriant poliment.
Le repas improvisé touche à sa fin, Etienne et Camille sont en pleine conversation sur la manifestation prévue le weekend suivant. C’est le bon moment pour moi de m’éclipser. J’informe Pierrette que je vais me reposer un peu à l’étage. Elle n’en prend pas ombrage et me rassure de faire comme chez moi.
Lorsque j’arrive dans la chambre qui sera finalement celle d’Etienne, je souris en voyant mes affaires bien rangées dans mon sac de voyage, et celles de Zach en bordel. Pour moi, elles sont à l’image de nos personnalités, elles se complètent. Tellement envie qu’elles déteignent l’une sur l’autre. Je sais que Zach a toujours été envieux de mon sérieux. Combien de fois m’a-t-il dit qu’avec mes facilités, je n’avais que l’embarras du choix pour mes études supérieures ? Il me voyait déjà en classe prépa à Paris, le tout payé par papa et maman. Au départ, il n’a pas compris mon projet de passer un an en Irlande, Lorsque je lui ai avoué que je préférais gagner mon propre argent pour être indépendant, il m’en a presque voulu. Lui qui a bûché comme un forcené pour avoir son bac, il sait qu’il ne va pas avoir d’autre choix que de bosser à côté s’il veut faire des études. Il sait combien l’image du bon fils à papa qui me colle à la peau me pèse. C’est aussi pour ça que je suis avec lui, pour rendre ma vie plus vivante et plus légère. Son brin de folie me fait vibrer plus qu’il ne l’imagine. Il reste ma culpabilité à chasser. Et ce n’est pas cette dinguerie de voyage qui va m’y aider.
Me voilà, assis au bord du lit, à me demander quelle va être la suite du programme. Mon corps bascule en arrière. Allongé, les mains derrière la tête, je soupire. Je déboutonne mon pantalon pour être plus à mon aise et essaye de me détendre, évacuer toute cette tension familiale. Mais c’est peine perdue. Mes pensées vont et viennent dans le plus grand désordre. Mon imagination s’emballe et une image s’impose à moi : celle où je me retrouve aux côtés de Zach pour la nuit. Y penser m’excite déjà. Je commence à bander gentiment. Mon regard se pose sur le sac à dos ouvert de Zach duquel dépasse son caleçon. Rien que la vue de son sous vêtement fait dresser mon sexe fièrement. Oserais-je m’adonner à un plaisir solitaire avec tout le monde en bas ? Ce goût d’interdit me tente beaucoup. La porte de la chambre n’est pas verrouillée. Je me lève pour la fermer à clé. J’en profite pour prendre le caleçon de Zach et le porter directement à mon nez. Je le sniffe avec envie. Mon excitation monte d’un seul coup. Je baisse mon pantalon, empoigne mon sexe, et commence des vas-et-viens rapides. Je ferme les yeux et imagine que Zach est debout devant moi, dégrafant son pantalon, en m’invitant à jouer avec ce qu’il y a dessous. Mon pouls s’accélère, ma respiration aussi, je sais que je ne vais pas pouvoir me retenir très longtemps avant de jouir. Putain, merde, c’est venu plus vite que prévu et je m’aperçois, horrifié que j’en ai foutu, non seulement sur mon t-shirt mais aussi sur son sac à dos. Ok, mon t-shirt est niqué, autant s’en servir pour essuyer ce que je peux. Je remarque alors que plusieurs gouttes de sperme ont tachées une enveloppe en papier kraft glissée dans le sac à dos. Fuck, Zach va forcément s’en apercevoir. D’un geste rapide, je m’en empare pour voir l'étendue du désastre et espère que cela sèche rapidement, sans laisser de traces. Merde, ça ressemble à un dossier médicial, car il y a le logo de l’hôpital de la ville. Tombe de l’enveloppe non cachetée plusieurs photos. Je reconnais l’une d’entre elles, c’est Zach avec un mec chelou, ils s’échangent un truc, de la beuh sûrement . Pourquoi a-t-il emmené ça avec lui ? Je ramasse les photos, c’est à ce moment-là que la poignée de la porte s’abaisse. On frappe.
— Manu, t’es là ? s’écrit Zach, derrière la porte.
— Heu… Ouais, ouais, attends, je t’ouvre.
Torse nu, je remonte mon pantalon mais dans ma précipitation, je me prends les pieds dans le sac à dos et me casse littéralement la gueule par terre.
— Bordel de merde !
— Manu, ça va, qu’est ce qui se passe ?
— Ça va, ça va, j’arrive.
Je me reboutonne rapidos et vais lui ouvrir.
— T’en fais une tête, pourquoi t’a fermé à clé ? Putain, j’y crois pas, me dis pas que t’étais en train de te…dit-il à voix basse, jetant un coup d’oeil derrière lui.
— Mais, pas du tout, qu’est-ce que tu vas imaginer ?
Zach ferme la porte, se retourne vers moi.
— T’as fouillé dans mes affaires, pourquoi cette enveloppe est là, sur le lit ?
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