Best friend always stay by your side
Je referme le livre, passe ma main sur la couverture jaunie. Cette histoire résonne si fort en moi… Être aimé tel que je suis. Quelques mots sortis tout seul de ma bouche… Je n’aurais peut-être pas dû. Nos regards troublés se croisent. Zach est sur son île, à savoir le canapé, tel Max, roi des Maximonstres. Je préfère rester où je suis, accoudé à la fenêtre pour reprendre de l’oxygène. Sinon, j’aurais été à deux doigts d’aller me blottir dans ses bras. Depuis hier soir, c’est le yoyo émotionnel. Une chose après l’autre. Respirer profondément et filer à la plage.
Le téléphone sonne. C’est Olivier. Je ne vais pas pouvoir le balader plus longtemps.
— Bon allez répond à Oliv’, sinon, il va nous faire une jaunisse.
Quelle mouche a piqué Zach ? Je lui décroche un dernier regard interrogatif avant de m’éclipser de la cabane.
— Olivier, tu m’entends ?
— Ouais, vaguement, ça coupe. T’es où, j’entends des oiseaux derrière toi ?
— J’suis en pleine cambrousse, c’est pour ça que ça ne capte pas très bien.
— T’es pas chez toi ?
— Non, pas en ce moment. J’ai eu ma mère au téléphone. Il paraît que tu t’es battu ? La soirée chez toi a dégénéré ou quoi ?
— …
— T’es là ?
— Manu, faut qu’on parle.
Je déglutis. Olivier n’a pas sa voix de d’habitude, j’aime pas ça.
— Zach est avec toi ? Je crois que j’ai vraiment déconné.
— Comment ça, déconné ? Tu t’es battu avec qui, Matthieu ?
— Matthieu, pourquoi Matthieu ? Je ne comprends pas ce que tu me racontes. Il était un peu bourré, comme tout le monde…
— Non, laisse tomber, il ne tient pas le jus d’orange. Et vu la manière dont il dansait…
— Non, mais c’est pas de lui que je te parle, j’en ai rien à foutre de Matthieu.
Il vaut mieux pas que tu apprennes qu’il s’est envoyé Laetitia dans ton dos.
— Je t’ai cherché partout avant de partir et je t’ai pas trouvé.
— Tu m’as toujours pas répondu, t’es avec Zach ?
— Toi, tu meurs d’envie de savoir si on a ken…
— Ouais, alors là, pas vraiment. C’est plus grave que ça…
— Ah ouais, donc, ça aurait été grave si je l'avais pécho ?
— Non, t’as pas compris, tant mieux si vous avez pu concrétiser, depuis le temps que tu me bassines avec le beau gosse de service, je ne me serais pas attendu à ce qu’il accepte aussi facilement…
Ce qu’il vient de dire a l’effet d’un uppercut dans mon ventre.
— Désolé de te bassiner avec ça. Ta ixième rupture avec ta Laetitia, ça ne compte pas, évidemment.
— Laetitia, qu’est-ce qu’elle vient faire là ? Et d’ailleurs, pourquoi ton sac n’est plus dans la chambre.
— …
— Laetitia, t’occupe pas d’elle, c’est mon affaire. Ramène ton cul qu’on puisse partir, ma mère va vraiment croire qu’on s’est battu.
S’il ne s’est pas foutu sur la tronche avec Matthieu, avec qui alors ?
— Je sais pas comment te dire ça, Oliv’, mais je ne vais pas pouvoir t’accompagner dans les Pyrénées la semaine prochaine.
— Donc, t’es bien avec Zach, arrête de faire des cachotteries. Depuis que vous êtes toujours fourrés l’un avec l’autre…Ca me fait chier, franchement.
Deuxième coup de poing dans le bide.
— Ça a le mérite d’être clair. Toi qui n’arrêtes pas de prôner la tolérance. Désolé que ton meilleur pote soit un gros pédé.
— Ne me fais pas passer pour celui que je ne suis pas. Tu sais très bien que ça ne m'a jamais posé de problème.
— C’est uniquement Zach le problème, si je comprends bien.
— Mais, pas du tout, Manu. Sois pas susceptible comme ça ! Qu’est-ce qui se passe à la fin ? Pourquoi tu ne veux pas me dire où t’es ? T’as peur que je débarque ou quoi ? Faut te détendre.
— C’est toi qui m’agresse. Tu ferais mieux de tirer un coup, ça irait mieux après.
— T’est vraiment un obsédé. Alors ça y est, il a enfin eu ce qu’il voulait avec son petit mec de banlieue et il se permet de...
— Vas’y, ferme ta gueule.
— Tu me fais quoi, je parle bien au Manu que je connais ? Parce que là, sans déconner, t’abuses. Calme toi, je veux pas m'embrouiller avec toi, y’a vraiment plus urgent.
— Comment ça ?
— J’étais dans l’appartement avec Zach.
— Quoi ? Attends, je comprends plus rien. Qu’est que vous foutiez là-bas avec Cédric ? Je croyais que tu ne pouvais pas le saquer, lui non plus.
— On était parti pour chercher un truc à fumer pour la soirée.
— Depuis quand tu fumes, toi ?
— T’as vraiment de la merde dans les yeux, Manu. Ça fait des mois, mais comme tu passes tout ton temps avec Zach, t’as rien vu.
J’accuse le coup.
— Pourquoi tu m’appelles, alors ? Zach te doit du fric ?
— Non pas du tout. Avec Cédric, on s’est fait avoir comme deux gosses. On a vu trop gros.
— Tu me fais peur, là. Zach s’est fait refaire le portrait, lui aussi. Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
— Demande plutôt à ton pote. On a de la chance de ne pas y être resté tous les trois. Après que Zach se soit cassé de l’appart, on a pu filer nous aussi. Cédric m’a ramené chez moi, j’étais dans un sale état.
— Je suis vraiment désolé.
— Pardonne-moi, je pouvais pas avouer à ma mère où j’étais, donc je lui ai dit que l’on s’était battu. Je sais, c’est pas la meilleure idée que j’ai eu pour sauver mes miches. J’espère que je peux encore compter sur toi.
— Bien-sûr, qu’est ce que tu crois, on est best friend, non ?
— Ouais, même si je t’avoue que pendant un moment j’ai douté que Zach ait pris ma place.
— Raconte pas n’importe quoi. Zach, c’est différent.
— C’est ce que je commence vraiment à réaliser après cette soirée de merde. Bon, tant qu’on y est, je préfère te prévenir, Karl, le frère de Géraldine est à vos trousses.
— Tu confirmes ce que l’on craignait. On a pu leur échapper pour l'instant. J’ai piqué la BMW de mon père.
— Toi, Manu, tu déconnes ? Ton père va te tuer. Pour avoir fait ça, tu dois être vraiment accro.
Je me retourne pour vérifier que Zach est toujours dans la cabane.
— Tu sais, c’est génial d’être avec lui, même si on n’a pas ken. C’est un truc de ouf qui m’arrive.
— Vas-y, raconte.
— Ça serait trop long à t’expliquer et j’ai pas trop le temps, on m’attend.
— Mais du coup, vous vous planquez où ?
— C’est peut-être plus prudent que tu ne saches pas. Des fois que…
— Ouais, je viens d’avoir Cédric au téléphone, Karl est fou furieux, Zach n’aurait jamais dû le doubler.
— Je comprends rien.
— Karl a débarqué chez Cédric pour savoir où Zach aurait pu filer pour se cacher.
— Putain, merde. Il leur a dit quoi ?
— Qu’est-ce qu’il aurait pu lui dire ? Comme moi, il ne sait pas où vous vous êtes planqués ! Il a essayé de gagner du temps en lui donnant quelques spots où Zach aime aller pour avoir la paix. Franchement, vous n’avez pas intérêt à revenir pour aller voir les flics.
— C’était pas prévu au programme, rassures-toi.
—Ton père, il pourrait peut-être jouer de ses relations.
— Mon père ?
— Il a essayé d'appeler à la maison, lui aussi. Car il s’inquiète vraiment.
— S’inquiéter pour moi, mon père ? Je l’ai eu au tél, il en avait rien à foutre, il voulait juste retrouver sa caisse. Mais merci pour tout ce que tu viens de me dire. Promis, avec Zach, on va faire gaffe. Je te tiens au jus.
— Moi, aussi.
— Oliv’, t’es toujours là ? Ça coupe.
— Manu, je t’entends plus…
Zach attendait sûrement que j’ai fini mon appel, je le vois arriver. C’est un torrent d’émotions qui m’envahit.
— Y’a un problème ?
— Olivier vient de m'en apprendre de bonnes, je suis carrément paumé.
— Je suis sûr qu’il voulait savoir où tu étais. Tu ne lui as pas dit, j’espère.
— Tu me prends pour qui, putain.
— Du calme, mon p’tit Manu, je voulais juste…
— Faut qu’on parle Zach. Pourquoi m’as-tu caché que tu étais avec Cédric et Olivier dans cet appart ?
— Il t’a tout dit alors ?
— J’ai rien compris. C’est vrai que t’as doublé le frère de Géraldine ?
— Tu veux vraiment tout savoir ?
— A ton avis ?
— Karl est bien le frère de Géraldine. Cet abruti était à l’appart quand je suis arrivé récupérer la beuh. Et pendant que t’étais parti chercher la caisse de ton père, il est revenu chez moi pour m’obliger à transporter un paquet pour lui à Madrid.
— Madrid ? Pourquoi là-bas ?
— Qu’est-ce que j’en sais moi ? Pour ce faire encore plus de blé, j’imagine.
— Mon père y va aussi la semaine prochaine, avec son associé.
— Ça craint. Il y a trop de coïncidences. Karl, ton père et l'enveloppe que j’ai trouvée dans la boîte à gants de la BMW.
— Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Et pour ton sac à dos, je te jure, je n’ai pas fouillé dedans. C’était un accident. J’ai juste vu une photo de toi prise à ton insu on dirait. T’étais avec un mec qui te filait du shit.
— J’en sais fichtrement rien, J’ai pas eu le temps de regarder ce que l’enveloppe contenait, j’ai tout foutu dans mon sac avant qu’on quitte le marché. Je t’avoue, qu’avec l’arrivée d’Etienne et sa manif, mon cousin Pierre prêt à tout pour expulser Grandma de la maison familiale, c’est comme qui dirait un peu trop pour moi.
— T’as raison, moi aussi, mon cerveau va griller si ça continue. Allons plutôt à la plage nous changer les idées.
Ça ne me ressemble pas de lâcher le morceau comme ça, mais cette affaire me fout la trouille. Instinct power. Savoir que le chemin que nous empruntons mène à l’océan me fait changer d’avis. Impossible de résister à son pouvoir apaisant, c’est plus fort que tout. Et puis quoi, ce sont les vacances après tout, non ?
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