Dérapage contrôlé

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De retour à la maison, nous constatons qu’une nouvelle personne vient d’arriver.

— Ah, vous voilà enfin ! nous lance Pierrette. Mimie, je te présente Manu, le copain de Zach. Manu, voici mon amie de toujours.

Mimie pourrait être la sœur jumelle de Pierrette, à la différence près qu'elle porte des nattes qui lui tombent sur ses épaules. Habillée d'une salopette bariolée, elle me jauge de la tête au pieds, en expulsant la fumée de son cigare devant elle.

— Hug, toi ! me fait-elle en levant la main.

Son sourire ne me plaît qu'à moitié.

— Enchanté, dis-je en mettant mes mains dans les poches arrière de mon pantalon.

— Zach n'est pas avec vous les garçons, il était censé vous retrouver ? nous demande Pierrette.

— Pourtant, on ne l'a pas vu ! répond Étienne, aussi étonné que moi.

— À tous les coups, Camille lui aura sauté dessus, enchaîne Mimie, toute joyeuse. C'est ma petite fille. Ils se connaissent depuis qu'ils sont petits. Ils doivent avoir un tas de choses à se raconter, dit-elle en minaudant.

— Ah, oui, son amie, Camille. Zach m'a déjà parlé d'elle.

— Je suis bien content qu'ils se revoient. J'espère qu'il va lui faire entendre raison à propos de son petit copain.

— Mais qu'est ce que tu as après ce pauvre Tony. Je le trouve gentil comme tout ce garçon. Laisse donc ta petite fille vivre sa vie comme elle l'entend, répond Pierrette en plaisantant.

Mimie se renfrogne.

— Combien de fois faudra-t-il que je te le répète ? J'ai le droit d'être inquiète pour elle, quand même. Surtout quand elle a de mauvaises fréquentations.

— Tu crois pas que tu exagères un peu ?

— Je préférerais quand elle sortait avec Zach. Ils formaient un si joli couple ! dit-elle en faisant la sourde oreille. Dis-moi, Manu, Zach, il est toujours avec sa petite copine ? J'aimerais tellement que nos deux petits enfants comprennent qu'ils sont faits l'un pour l'autre.

Non, mais qu'est ce qu'elle me raconte la baba-cool ? J'ai soudain envie de lui faire bouffer ses nattes.

— Tu vois bien que tu le mets mal à l'aise, Mimie.

— Je sais pas vous, mais moi, je meurs de faim ! lance Étienne, bien décidé à me porter secours.

Pierrette saute sur l'occasion pour mettre définitivement fin à cette conversation et nous invite à prendre place autour de la table. Je ne demande pas mon reste et obéit comme un invité bien élevé. Mimie vient se mettre en face de moi, en posant le reste de son cigare dans un cendrier qu'elle a rapporté sur la table. J'ai comme l'impression que ma tronche ne lui revient pas. Je ne sais pas quoi lui dire, elle non plus.

Mon téléphone vibre. Je m'excuse et découvre plusieurs appels en absence de ma mère et un nouveau message d'Olivier. ''Y’a ta mère qui n’arrête pas de me harceler de textos, elle cherche à te joindre. Réponds lui, bordel. Elle va finir par appeler la mienne si ça continue. Je veux bien te couvrir, mais assure tes arrières mon pote, si t’es encore capable de t’assoir dessus”. Le texto est suivi d'émoticônes débiles d’un smiley riant aux larmes. Je lui réponds aussitôt que je gère la situation. Je m'excuse auprès de Pierrette en expliquant que je dois passer un appel rapide mais urgent.

— Connaissant l'appétit d'Étienne, t'as intérêt à revenir rapidement si tu veux avoir droit à une crêpe. Je te conseille d'aller devant la maison, ton téléphone captera mieux qu'ici.

Je la remercie et me dirige vers la voiture.

J'appelle ma mère qui décroche aussitôt.

— Allô, mon chéri ?

— Oui, maman. Ça va ?

— Oh, comme je suis contente de t'entendre. Ça fait des heures que j'essaye de t'appeler. Tout se passe bien chez Olivier ?

— Ouais, nickel. On vient juste de se réveiller et…

— C'est pas la peine de me mentir, mon chéri. Je viens de parler à sa mère et elle m'a dit que tu n'étais pas chez eux et qu’Olivier s’était battu avec toi. Je m'inquiète, qu'est-ce qui se passe ?

— Battu ? Non, on s'est embrouillés, mais ça va s'arranger. Je suis avec Zach.

— Ah, bon. Je préfère ça. Il est tellement gentil ce garçon…

— Maman, c'est plutôt moi qui devrait m'inquiéter pour toi. J'ai eu papa au téléphone tôt ce matin et il m'a dit…

— Ah, ton père t'a dit. J'imagine qu'il t'a aussi demandé de venir voir comment j'allais…Mais tu sais que cette fois-ci, je ne reviendrais pas à la maison… je le quitte définitivement. Et je refuse que tu t'inquiètes pour moi. Allô, tu m'entends, mon chéri ?

— Oui, oui, je t'entends. C'est juste que ça me fait bizarre de t'entendre dire que vous vous quittez pour de bon.

— Tu m'en veux ?

— Mais bien sûr que non, maman. Depuis le temps que tu voulais partir. T'es avec Patrick ?

— Non, chez Sabrina. Mais on doit se rejoindre dans la journée. Ton père est en panique et…

— Oui, je sais, il m'a dit pour sa voiture.

— Tu n'as pas quelque chose à me dire ? Je te sens bizarre au téléphone.

— Non, non, tout va bien…

— Tu me dirais s'il y avait quelque chose ?

— Mais, oui, bien-sûr, maman.

— Comment va Zach, il va bien ?

— Nickel.

— Tant mieux, tant mieux, tu me rassures, tu sais. Mais, j’y pense, si vous vous êtes fâchés avec Olivier comme tu dis, tu ne pars plus dans les Pyrénées avec lui ?

— Heu… Bah, non du coup. Je pense qu'on va se faire une petite semaine tranquille avec Zach. Il a un plan, une vieille baraque au bord de la mer.

— Ah, bon… Je suis rassuré que tu ne restes pas tout seul à la maison. Tu sais pour ton père, j'aurais dû te prévenir avant, mais ce n'était vraiment plus possible…

— Je sais maman, on en a déjà parlé mille fois et tu sais très bien ce que j'en pense. Je suis content pour toi. Et ne t'inquiète pas pour moi, je suis grand, je saurais me débrouiller.

— Oh, pas la peine de me le répéter, je sais que je peux avoir confiance en toi. Bon et bien, je vais te laisser alors. Je t'embrasse fort mon chéri. Je t'aime.

— Attends, raccroche pas !

— T'as oublié de me dire quelque chose?

— Non, c'est que…

— T'es sûr que tout va bien ?

— Oui, oui, tout va bien. Je suis avec Zach, alors tout va bien. Moi aussi, je t'aime maman.

Je préfère raccrocher définitivement, sinon, je me serais effondré en pleurs. Entendre sa voix et lui mentir de cette façon me culpabilise à mort. J’aurais jamais dû lui raconter des bobards.

Tout à coup, arrive en trombe dans un nuage de fumée, une décapotable rouge rutilante qui, dans un dérapage contrôlé, s'arrête juste à mes pieds. En sort un jeune homme en costume-cravate, les cheveux gominés en arrière avec des lunettes de soleil sur le nez. Il les ôte et me reluque de ses yeux clairs d'un air condescendant.

— Bonjour, Pierre, le petit-fils de Pierrette. Manu, c’est toi j'imagine, et t'es venu avec mon cousin. Et oui, je sais déjà tout. Elle m'a prévenu de votre arrivée. Je ne pouvais pas manquer une occasion pareille. Zach ne va pas en croire ses yeux, dit-il en me saluant d'une poignée de main virile et conquérante.

Il passe devant moi sans que j'ai le temps de dire quoi que ce soit et entre directement dans la maison. J'entends un ''Hello tout le monde, où est mon cousin que je l'embrasse ! '' tonitruant. Eh bien décidément, c'est l'auberge espagnole, ici !

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