Sauna, hammam et jacuzzi, oui c’est le paradis ?

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Le cadre est sympa, l'ambiance agréable et moi je tourne en rond autour de la piscine. Tel un fauve en cage, je n'ai qu'une envie, me casser. J'étouffe. Comment pourrais-je profiter pleinement du lieu ? Jérémie me fait signe de les rejoindre, quand d'un coup d'un seul mon regard s'arrête sur le corps de Manu. Il vient de poser sa serviette au bord du bassin. J'admire son dos, mes yeux glissent de ses trapèzes à sa chute de reins. Je rêve où je suis en train de mater mon pote. Ce n'est pas la première fois qu'il se change devant moi. Dans les vestiaires collectifs du lycée, je ne faisais pas attention aux autres corps dénudés. On se mettait en tenue et puis basta. J'ai toujours trouvé ridicule cette façon qu'on a de regarder l'anatomie des autres discrètement pour se rassurer. Mais là, découvrir les lumières tamisées valser sur le galbe de ses fesses, je n'ai qu'une envie, suivre le chemin tracé du bout des doigts. Eh bien, c'est le bordel dans mon cerveau et pas seulement. Heureusement, j'ai ce morceau de tissu pour cacher mon émoi. J'aurais l'air de quoi la queue pointant dans sa direction. Je pars en vrille. C'est du grand n'importe quoi. Il faut que je sorte. Maintenant. Je leur fais un petit signe et m'éclipse avec l'image du côté face de Manu.

Je me faufile entre deux mecs qui viennent de surgir de nulle part. Je vérifie au passage que je ne les connais pas. Savoir Karl à La Rochelle me démonte. Comment aurait-il pu connaître ma position ? Même s'il a cuisiné Cédric, la seule information qu'il a pu lâcher, c'est que je suis allé me réfugier chez ma grand-mère. Ou Olivier a vendu la mèche, pour protéger ses arrières. Encore une supposition. Autre option, il s'est servi de Géraldine pour demander à mon père. Mais mon paternel ne sera pas tombé dans le panneau. Mes messages étaient clairs. Je peux passer en revue tous les possibles, il est improbable qu'il est pu remonter ma piste jusqu'à cette portuaire. Donc, je suis en plein délire. L'alcool, la fatigue et le stress, ce cocktail détonnant m'embrouille les neurones. Je n'en peux plus. Il y a une heure, j'étais heureux de retrouver Jérémie et de constater que Manu ne me faisait plus la gueule. Et là, je suis s’en dessus dessous.

Mon regard insistant dans la direction des deux gars qui discutent avec Zeus a dû attirer leur attention. Le plus âgé se rapproche de moi. Qu'est-ce qu'il attend ? À quoi joue-t-il ? Une fois à ma hauteur, je peux sentir sa main se poser sur ma fesse. Mince, il a mal interprété mes intentions. Surpris par son geste entreprenant, je m'écarte. Belle initiative de ma part, je me retrouve le nez dans le torse de son partenaire, ma serviette s'écrase à mes pieds. Difficile de se trouver en plus mauvaise posture. Zeus me sauve la mise et m'en jette une autre. Je m'empresse de la réajuster autour de la taille. Je profite de l'effet de surprise pour m'échapper de leur mains gourmandes. Ils abandonnent et poursuivent leur chemin en direction du hammam.

Sauna, hammam et jacuzzi : un vrai petit paradis, une belle affiche pour une agence de voyage. Je voudrais moi aussi vivre l'expérience à fond. Faire fondre ma carapace. Être libre de vibrer. Je me dirige vers le sauna, après tout, qui sait. Les vapeurs d'eau chaude vont peut être m'aider à décompresser. Je suis une cocotte minute prête à exploser autant profiter du lieu pour évacuer la pression. Je passe la tête par l'embrasure de la porte. Je veux m'assurer que je ne serai pas importuner par qui que ce soit ou que je ne dérange personne. J'ai envie de profiter d'un moment juste pour moi, être seul au monde, voyager dans mes pensées, sans avoir à surveiller mes arrières. À première vue, le lieu est désert, la brume tapisse l'espace. Je me pose dans le coin le plus reculé quand je réalise qu'un gars a eu la même idée. Ce n'est pas n'importe qui. Manu est assis sur le banc en face. Il me regarde, je n'ose pas bouger et lui rend un sourire en retour. J'hésite à le rejoindre, cet endroit serait idéal pour renouer le dialogue. Non, pas maintenant, mon corps me joue à nouveau des tours. Par chance, la serviette est devenue ma complice, elle cache mon érection. Je suis hypnotisé par les gouttes de sueurs dévalant sur le torse de Manu. Mes yeux suivent leur course jusqu'à ce qu'elles s'égarent dans la serviette. Je devrais crever de chaud au lieu de ça je frissonne lorsqu'une perle d'eau se perd sous le tissu. Je profite qu'il ferme les yeux, pour m'échapper. J'espère qu'il ne m'en voudra pas de m'évaporer une fois encore.

Je me retrouve à la case départ, passer à l'accueil on verra ce que l'on peut faire pour vous. Zeus, avec ses abdos dessinés au laser, est aux petits soins pour ses clients. Il est prévenant et soucieux de leur moindre demande. Sa photo placardée dans un magazine de mode ferait un tabac. Les filles et les gars se l'arracheraient pour se délecter de la première page. Moi, ça m'est égal. Il a dû constater mon malaise et me propose de le suivre. J'accepte sans réfléchir. Me foutre à poil, je m'en fiche. Mais ce soir, j'ai pas la tête à ce trip. Faire tomber la serviette pour plonger dans l'eau, ce serait top. Sentir le liquide se déposer délicatement sur ma peau et le laisser m'envelopper, dénouerait mes tensions. Au lieu de ça, je fais mon prude. Je me suis changée dans la cabine individuelle. Je ne lâche plus ma serviette, ma nouvelle compagne. Je suis ridicule.

— Zach, tu as un succès fou. Ton corps ne laisse pas mes clients indifférents, me dit Zeus me ramenant à la réalité.

— Ouais, je me sens surtout con et mal à l'aise.

— Tu devrais te lâcher mon grand.

— Pas sûr qu'en ce moment j'en ai le droit.

— Écoute, tant que tu es dans mon établissement tu ne risques rien.

— Tu sais pas dans quel merde je suis.

— J'en ai eu quelques échos.

— Jérémie t'a dit quoi ?

— Qu'il tenait à toi, et que tu méritais de te changer les idées. Quoi de mieux que mon spa ? Bon j'aurais bien une autre idée mais pas sûr que ça te branche.

Je le regarde ne sachant pas quoi répondre. Il me drague où quoi ? La soirée me perturbe, À nouveau, il a dû capter que je cogite à fond et me tend une clope.

— Ça te dit?

— Ouais, pourquoi pas.

Nous sortons dans un patio à l'extrémité de la boutique. Des poufs sont disposés autour d'une table basse. Je m'assois en tailleur, prenant soin de recouvrir ma virilité de la serviette.

— C'est mon coin pour m'échapper du quotidien. Apollon n'aime pas trop que je fume, aussi je viens ici quand j'ai besoin d'un break, me dit Zeus.

J'allume ma cigarette, avale une bouffée. La fumée tapisse mon palais. Je l'expulse. Le petit nuage s'envole dans le ciel étoilé. L'image de Manu revient aussitôt se coller sur la Grande Ourse. Je tire une nouvelle taffe, ferme les yeux. Je me concentre sur la voix de Zeus. Il commence à parler de son institut, des difficultés rencontrées lors de son ouverture. Des commerçants du quartier qui ne voyaient pas d'un bon œil son installation. Des actes de vandalisme sur sa devanture, des menaces reçues par mail. Ensuite, il me raconte comment il a croisé la route de mon ami Jérémie en janvier dernier. Avec Apollon, ils désespéraient de trouver une solution. Alors qu'un soir, ils nettoyaient une nouvelle fois la vitrine, Jérémie s'était arrêté pour leur filer un coup de pouce. Puis, ils les avaient invité à venir prendre un verre à la Guignette et avaient passé le reste de la nuit à discuter tous les quatres. Il m'avoue que sans l'aide de Jérémie, il n'y serait pas arrivé. Il leur a créé un site, un blog et bloqué toutes les attaques sur le web. Il a mis en avant leur professionnalisme, en vrai pro de la communication. Zeus insiste sur le fait que son établissement est clean. Il me rappelle que la vie privée de chacun y est respectée. Derrière sa carrure imposante, se cache un mec sensible. Le contraste est saisissant, je comprends mieux pourquoi Jérémie m'a emmené ici. Il voulait m'offrir une bouffée d'oxygène. J'écrase mon mégot. Ils ont tous raison, je dois profiter de la soirée.

— Alors mon chou, tu t'éclipses, dit Jérémie apparaissant comme un diable sorti de sa boîte.

— Toi, tu t'es bien foutu de moi, dis-je en plantant mon index sur son torse.

— Oh, j'ai juste surjoué.

— Tu te rends compte que j'étais prêt à demander des comptes à un fantôme. J'aurais eu l'air d'un con. J'étais persuadé que Karl avait retrouvé ma piste.

— Je sais. C'était moyen. Mais tu ne serais jamais entré dans le spa.

— Si tu me l'avais demandé, je l'aurais fait sans rechigner. Je pensais que nos vies étaient en danger. Je ne supporterai pas qu'il vous arrive quelque chose.

— Pardon, j'ai peut-être minimisé la situation. On est grand, tu ne peux pas protéger tout le monde.

— On n'est pas dans un jeu. Putain, où t'avais la tête ?

— Excuse-moi Zach, je te promets que tu ne risques rien. Karl est à Paris.

— Quoi ?

— Je l'ai envoyé sur une fausse piste.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Il pense que tu es en train d'écouler les sachets dans la banlieue parisienne.

— Mais comment ? Je ne te suis pas.

— Je lui ai donné accès à ton portable.

— Lequel ? Le mien est mort.

— Celui que tu as sur toi.

— Hein, je suis perdu. Précise.

— J'ai envoyé un message à Cédric où tu lui disais que tu allais te débarrasser du paquet et que tu avais réussi à obtenir une adresse dans le secteur de Saint Denis. Là, il doit y être et je peux te dire qu'il va avoir du mal à te trouver.

— Mais maintenant qu'il a accès à mon téléphone, je suis un homme mort.

— Non, je l'ai désactivé. Je t'en filerai un nouveau. Maintenant, lâche la

pression et profite de cette soirée.

— On peut rentrer, stp. Je suis nase.

— Tu déconnes.

— J'en ai l'air.

— Écoute, pas tout de suite. J'ai merdé, laisse moi rattraper le coup. Si Manu arrive à se détendre, tu dois bien en être capable.

— Je peux au moins essayer, dis-je en resserrant ma serviette.

— Fais moi confiance, me répond-il sans me quitter des yeux.

Nous retournons à l'intérieur, mon esprit sature. Il va me falloir du temps pour digérer toutes les informations. Mais pour l'heure, j'ai envie de m'amuser. Laisser les bulles éclater sur mon épiderme. Ressentir les picotements provoqués par les jets. Apprécier la chaleur se diffuser sur chacun de mes muscles. Me fondre pour ne faire plus qu'un avec l'eau. Me sentir léger. Une plume posée à fleur d'eau se laissant porter par le courant, laisser mes idées voyager. Tout mon être se relâche. C'est tellement bon. Il est temps que je retrouve Manu, j'ai envie de partager ce moment avec lui.

Zeus nous accompagne dans une alcôve. L'espace est entouré de quatre paravents sur lesquels sont dessinés des volcans. Sur chacun sont déclinées les saisons. Jérémie jette sa serviette sur le banc et glisse dans le jacuzzi pour rejoindre Maël qui barbotte.

— Allez, c'est le moment Zach, lâche-toi. Rejoins-nous. Promis, on ne regarde pas, me dit Jérémie en m'adressant un clin d'œil.

D'un geste, je retire le morceau de tissu qui rejoint celui de mon meilleur ami et m'installe à mon tour.

— Enfin libre.

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