Oscar a un humour de dingue

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Le voyage en train est passé plus vite que je ne l’aurais imaginé, et ce grâce à la lecture de mon roman acheté à Royan. Je tremble pour Octave, le héros de Romance, arrivé à un moment clé de sa vie. Il découvre son meilleur ami sous un jour différent qui va remettre en cause leur relation. C’est à la fois palpitant et très amené, loin des stéréotypes du genre auxquels je m’attendais. Décidément, Arnaud Cathrine a le don de m’émouvoir par les portraits de ses personnages et des situations extrêmes dans lesquelles il aime les plonger. À l’annonce de l’arrivée imminente du train en gare, je suis contraint de fermer le livre, frustré de ne pas savoir quand est-ce que je pourrais le terminer.

Je laisse sortir les passagers pressés. J’en profite pour regarder si Etienne est déjà arrivé. Je l’aperçois, accompagné d’un noir baraqué avec des dreadlocks. Vu comment il est collé à lui, ça doit être son petit ami. Ils se sont donc rabibochés. Il voulait sûrement me faire la surprise. Je toque à la vitre, Etienne me salue de la main. Je finis par descendre.

— Hey Manu, trop content de te voir, me lance-t-il en me prenant dans les bras. Son pote me regarde en biais, il n’a pas l’air content de ce rapprochement tactile.

— Oscar, je te présente le beau Manu, capitaine de la meilleure équipe de volleyball du monde. Manu, voici Oscar, mon petit ami.

Mais pourquoi le mot petit ami dans sa bouche me provoque étrangement un léger pincement au cœur ?

— Enchanté, me dit-il sans grande conviction, en me serrant la main. Faut qu’on file, je me suis garé comme une merde, j’ai pas envie de me prendre une prune. Étienne, je te rappelle qu’on a autre chose à foutre que de faire du babysitting.

— T’inquiète, Manu, il plaisante, Oscar a un humour de dingue.

— Ouais, c’est ça, de dingue. Allez on se magne la chatte, les filles.

Je suis presque obligé de courir pour les suivre, tellement Oscar est pressé. Je m’engouffre à leur suite dans la voiture, effectivement garé n’importe comment dans un virage.

Oscar conduit vite et mal, le trajet est affreux. Avec Etienne, ils commencent déjà à s’engueuler. Allez-y les gars, faites comme si je n’étais pas là. A ce que je comprends, il y a divergence d’opinion sur le discours qu’Etienne doit prononcer au début de la manifestation de demain.

— On ne va pas encore se prendre la tête à ce sujet, je croyais que l’on s’était mis d’accord, Oscar !

— Tu as l’art de retenir uniquement ce qui t’arrange ! Ah, mais c’est vrai, j’oubliais, maintenant que Manu est là, il va pouvoir continuer à te donner ses bons conseils, plus pertinents que les miens.

— Écoute le pas, il est jaloux.

— Il manquerait plus que ça !

Je ne sais plus où me mettre. Je suis sauvé par la vibration de mon téléphone. Message de Jérémie : “Opération réussie. Il y a une heure, ton père s’est fait gaulé par la douane volante”. Je déglutis, je ne pensais pas que le plan imaginé avec Patrick se réaliserait aussi facilement. Je m'apprête à lui répondre quand mon téléphone se met cette fois-ci à sonner. C’est ma mère.

— Allô maman… Ah, Patrick, c’est toi. Qu’est-ce qui se passe, pourquoi maman crie derrière toi ? … C’est vrai ? Mais comment c’est possible, attends, je ne t’entends pas très bien… Non, je suis en voiture et…

Tout à coup, la voiture pile et Etienne se met à hurler.

— Vas-y, tue nous pendant que tu y es !

— La faute à qui ? C’est toi qui…

— Putain, mais fermez-là deux secondes vous deux… Mais non, Patrick, c’est pas à toi que je parlais, attends, le mieux, c’est que je te rappelle quand ça ne sera pas le boxon autour de moi. Dis à ma mère de se calmer. Ok… Promis, à plus.

— Désolé, se radoucit Etienne, on est un peu tendu en ce moment, tu comprends, la manif est demain et…

— Je m’en fous de votre manif ! dis-je énervé, il y a des choses plus urgentes dans la vie… Mon père vient de se faire arrêter par la douane.

— Hein, qu’est-ce que tu racontes ?

— Ah, tu vois, il en a rien à foutre de la manif, je savais bien que ton petit volleyeur était venu pour autre chose.

— Qu’est-ce que tu insinues, Oscar ? T’as entendu ce qu’il a dit ? Son père vient d’être arrêté.

— Oh, ça va, j’ai compris son petit manège.

— Tu vas te calmer ? Manu n’est pas obligé de subir tes états d'âme.

— Pauvre chou, il va s’en remettre, sinon tu iras le consoler.

— Je t’emmerde, crie-je.

— Et moi je t’encule, réplique Oscar, qui pile de nouveau sans prévenir.

— Ah non, pas ça ! T’abuse. Mais merde, un peu plus et on finissait dans le fossé !

— Très bien, j’ai compris, cette fois-ci, c’est la bonne, je laisse tomber. Tu me fais trop chier, déclare Oscar, furieux en sortant de la voiture.

— Oh, putain, ça y est, elle fait sa diva ! lance Etienne qui sort à son tour pour le rattraper.

Heureusement, nous sommes arrivés en pleine campagne. Je reste dans la voiture, ils gesticulent comme deux furies au beau milieu de la route. Ce retour à Mézange commence bien !

J’en profite qu’ils se soient éloignés pour rappeler ma mère. Je tombe sur le répondeur, fuck ! Etienne revient, furieux.

— C’est bon, Manu, on peut y aller.

— Je ne vois plus Oscar, il est passé où ?

— Il est parti dans un champ, bon débarras, je m’en tape. Monte à l’avant, on file chez Pierrette.

— Comme tu veux.

— T’as pas l’air désolé pour nous, je me trompe ?

— Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne connais pas ton Oscar et vu comment il a envie de m'enculer, je vais passer mon tour.

— Nan, mais la taille du totem sur le t-shirt est un peu exagérée et…

— Arrête, je ne suis pas d’humeur. Votre histoire, ce ne sont pas mes oignons.

— T’as raison, c’est une longue histoire qui n’a plus trop grand intérêt. Changeons de sujet, tu veux. T’étais passé où ?

— Pas très envie d’en parler.

— Bonjour l’ambiance.

— C’est vrai, la tienne donne plus envie.

— Désolé…

— Non, c’est moi. Je suis juste un peu fatigué.

— Dis plutôt que t’as tes règles.

— T’es bête !

— Ah, j’arrive encore à te faire sourire, tout n’est pas perdu. Promis, j’insiste pas. Quand ça ira mieux, tu me raconteras.

Le sens d’observation d’Etienne me surprend une fois de plus. Comment a-t-il pû deviner que la dispute avec son mec ne m’avait fait ni chaud, ni froid, voire quelque part réjoui ? Je sais, c’est pas très cool de ma part de réagir de la sorte. Cela voudrait-il dire que je suis attaché à lui plus que je ne voudrais l’admettre ?

Manifestement oui. La première fois que je l’ai vu, Étienne m’a tout de suite plu. Et après ? Il y a quelque chose qui m’attire chez lui, mais quoi exactement ? Le plus bizarre dans tout ça, c’est que ça n'entache en rien ma relation avec Zach. Mes sentiments envers lui sont toujours aussi forts qu’avant, voire plus, et ce malgré tous les doutes qui m’habitent. Manu, dis-toi que t’as juste besoin d’un break, c’est tout.

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