Chapitre 6. Le dîner officiel

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Toute l’équipe reçoit le même mail à neuf heures pile. Catherine avait prévu son coup :

« Bonjour à toutes et à tous. Je tenais à vous l’annoncer personnellement avant que vous ne l’appreniez par autrui. J’ai été nommée directrice du département environnement, climat et énergie. La nomination sera effective à compter de la semaine prochaine. Dans le même temps, mon adjoint Hristov a été promu chef de service. Il prendra ses fonctions à mon départ. Je suis très heureuse d’avoir été votre cheffe de service et continuerai de travailler avec Hristov et avec vous pour un monde plus propre, plus durable et plus respirable. Je vous souhaite le meilleur. Bien à vous, Catherine ».

Hristov, mon nouveau chef ? C’est une bonne nouvelle. Pour lui, et pour moi. Je me précipite hors de mon bureau pour le féliciter. Sa porte est entrouverte. Je le découvre face à son ordinateur, le visage radieux et la poitrine gonflée de fierté. Il porte son plus beau costume pour l’occasion. Il était au courant, bien sûr.

- Bonjour chef, lui lancé-je plein d’enthousiasme. Félicitation pour ton nouveau poste. Je suis vraiment content pour toi !

- Merci Loïc. C’est un plaisir de t’entendre le dire. J’ai hâte de commencer. Par contre, nous ne serons plus voisins de bureau. Je vais reprendre le bureau de Catherine.

- S’il n’y a que ça, je passerai te voir autant qu’il te plaira.

- En voilà une bonne idée, dit-il avant de poursuivre à voix basse, tu pourras m’aider à me détendre, un peu.

Il me jette un clin d’œil amusé. Je ricane discrètement, avant de retourner sagement à mon bureau pour dissimuler mon début d’érection. Je suis décidément bien trop excité par les rapports hiérarchiques. Il va falloir consulter. Ou pas.

Je m’efforce de reprendre ma concentration. J’ai une conférence à préparer pour la semaine prochaine, sur les la protection des milieux aquatiques en environnement urbain. Ou, pour être plus honnête et sans doute plus pragmatique sur la situation, une conférence sur la pollution des fleuves et rivières qui traversent nos villes et toute autre zone habitée par l’être humain. Tout un programme… Je passe l’agenda au crible et peaufine le discours. Je vais devoir le réécrire, il sera prononcé par Hristov, et non pas par Catherine. Ça ne devrait pas être trop compliqué. L’avantage de l’anglais, c’est qui n’y a pas de féminin ni de masculin.

*

Le jour de la conférence arrive plus vite que prévu. Je dois apporter quelques modifications de dernière minute au programme. Le maire de Varsovie ne viendra pas. « Trop de déchets toxiques dans la Vistule, il n’a pas osé venir », me glisse Maria d’un ton sournois. Je ne bronche pas et continue ma besogne. Hristov débarque dans mon bureau quinze minutes avant le début de l’événement. Déjà quelques jours qu’il a déménagé dans l’ancien bureau de Catherine. Ça me manque un peu de ne pas le voir se tromper, pour de vrai ou pour de faux, et s’engouffrer dans mon bureau en pensant qu’il s’agit du sien. Et il ne m’a toujours pas invité à lui rendre visite, le bougre.

- Loïc, mon discours est prêt ?

- Oui chef, je te l’imprime tout de suite. Pour ton information, le maire de Varsovie n’est plus disponible. C’est le maire de Prague qui le remplace.

Hristov a une moue amusée. Il ne dit rien pour autant, et se saisit du discours que je lui tends. Je lui souhaite bonne chance. Il me répond en m’ébouriffant les cheveux, sans faire attention à ce que personne ne passe dans le couloir au même moment. Par chance, c’est le cas. Décidément, il va falloir que nous revoyons nos rapports. Sans quoi nous serons vite dénoncés pour conduite inadéquate avec les valeurs du service. Il quitte le bureau en trombe et se rend à la conférence d’un pas vif. Je reste quelques minutes de plus à mon bureau. Après tout, je n’ai pas de rôle officiel lors de l’événement, ma présence n’est pas indispensable pour l’ouverture. Tout le travail est déjà fait. Et puis ça m’évite de faire le trajet avec Hristov. Et de marcher à la vue de tous avec une demie-molle dans le pantalon.

Après avoir laissé passer quelques minutes, je décide finalement de rejoindre Hristov. Sur le chemin de la salle de conférence, je croise le bel Ulysse, qui tente d’engager une conversation du haut de son mètre quatre-vingt-quinze. Il me demande où je vais et s’il peut m’accompagner, le visage rayonnant et plein d’espoir. Je lui explique que l’événement est complet, qu’il ne pourra malheureusement pas y assister. La dernière chose dont j’ai besoin, c’est d’une tentation supplémentaire. Il a une petite moue déçue, mais ne semble pas se formaliser outre mesure, et me quitte en souriant.

La conférence se déroule sans accrocs. Hristov déroule son discours avec professionnalisme, et, je dois avouer, un certain charisme qui ne me laisse pas de glace. Les discussions qui s’en suivent sont constructives et engagées mais somme toute assez superficielles, mais c’est attendu dans ce genre d’événement. Les panels se suivent et ne se ressemblent pas. J’ai bien fait mon travail et adéquatement équilibré les interventions de chacun. Je suis plutôt satisfait de moi. Seule ombre au tableau : l’événement dure toute la journée. Lorsque le discours de clôture, prononcé par un expert de renom (dont personne n’a jamais entendu le nom ni bien compris la fonction), s’achève enfin, je laisse échapper un long soupir de soulagement. Puis rentre chez moi, épuisé.

Une fois à la maison, je défais ma cravate, retire ma chemise et m’affale dans mon canapé. Sans avoir ne serait-ce que la force de réfléchir ce que je pourrai préparer pour le dîner. Les minutes passent, le soleil se couche et je me retrouve vite à somnoler à moitié nu dans la pénombre de la pièce. Soudain, mon téléphone retentit. C’est message de Hristov :

« Loïc, si tu es disponible, appelle-moi. C’est urgent ».

Je dois repousser une vague de paresse infinie et prends mon courage à deux main pour appeler mon énigmatique chef de service.

- Hristov, qu’est-ce qu’il se passe ?

- Ecoute, Loïc, je suis un peu embarrassé. Je devais aller au dîner officiel ce soir pour représenter le service, mais je ne me sens vraiment pas bien. Est-ce que tu penses que tu peux m’y remplacer ?

- Moi ? dis-je, surpris. Tu ne penses pas que les autres invités trouveraient étrange que je prenne ta place ? Je ne me suis pas préparé. Je ne suis même pas ton adjoint…

- Pas encore, répond-il d’un ton railleur. Tu as juste à profiter d’un dîner cinq étoiles en faisant la conversation à des hommes politiques de second rang qui parlent pour la plupart un anglais approximatif. Donc crois-moi, c’est tout à fait dans tes cordes. Te connaissant, tu risques même de t’ennuyer.

- Bon… J’imagine que je n’ai pas le choix de toute façon.

- Exactement ! Prends-ça comme une opportunité de faire de nouvelles rencontres. Et fais-toi beau. C’est l’occasion de sortir ta plus belle cravate.

Je le maudis en raccrochant. Moi qui espérait passer une soirée à me détendre à la maison. Je cours dans la chambre à la recherche de ce qui pourrait passer pour « ma plus belle cravate ».

*

Le dîner a lieu dans un établissement étoilé en bordure du lac Léman. A peine arrivé, je me sens tout à fait incongru dans cette faune de robes de cocktail et de smokings impeccables. Je prends mon courage à deux mains. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Je laisse ma veste au vestiaire et cherche ma place, ou plutôt celle de Hristov, parmi les différentes tables. A ma surprise, c’est mon nom, et pas celui de mon chef, qui est inscrit sur le porte nom. Le service du protocole est décidément aussi discret qu’efficace, en dépit de l’obésité morbide et de l’apparente dépression chronique affectant l’ensemble de ses membres[1].

Je prends place à table. Je suis le dernier à m’asseoir, et, à mon grand désespoir, pas en n’importe quelle compagnie. En face de moi, une belle femme afro-américaine en robe blanche, assez décontractée pour l’occasion, qui se révèle être la vice-présidente du Costa Rica. A ma gauche, tirée à quatre épingles dans un tailleur de soie pourpre, la gouverneure d’une province chinoise dont je suis obligé de rechercher le nom sur Google, mais qui s’avère être plus peuplée que l’Allemagne. Et à ma droite, le fameux maire de Prague, remplaçant au pied levé du maire de Varsovie, un fringuant quarantenaire dont les mèches argentées se marient à merveille avec le bleu sombre de son costume à la coupe ajustée. Bref, rien que ça. Tous s’expriment dans un anglais parfait. Hristov s’est bien moqué de moi. Je sens mon téléphone vibrer dans la poche de mon pantalon. Tien, quand on parle du loup ! C’est un nouveau message de Hristov :

« Je t’ai réservé une place de choix, profites-en ! S’il demande, dis au maire de Prague que c’est moi qui t’envoie ».

Sans commentaire.

La conversation commence naturellement. Polie. Policée. Insupportablement passionnante. Tous semblent savoir exactement quoi dire, quel ton adopter, trouver le bon point d’équilibre entre la légèreté et le sérieux, entre la recherche de la pertinence et du bon mot et la volonté de détendre l’atmosphère. Immanquablement, on me demande qui je suis. Je me présente, et indique remplacer Hristov, « qui s’excuse de ne pas pouvoir être là ce soir ». Personne ne semble trouver ça étrange, et on me pose même quelques questions sur mon métier. On s’étonne de mon jeune âge. On me demande mon « avis d’expert » sur telle ou telle question environnementale. Et des conseils sur où acheter le meilleur chocolat à Genève. Je me plie à l’exercice avec plaisir.

Le tout s’avère être plutôt agréable. Convenu. Le bon vin aide à instaurer une certaine convivialité. Seule la vice-présidente costaricaine semble ne pas m’accorder la moindre importance, et rit seulement aux plaisanteries pourtant quelque peu bancales de la gouverneure chinoise. Je ne me formalise pas. Sans doute y’a-t-il un juteux contrat intergouvernemental à la clé. Le maire de Prague, lui, s’avère être plutôt affable et curieux. C’est principalement avec lui que je converse, sans rester indifférent au charme du premier magistrat. Le temps passe vite, les plats s’enchainent, tous plus délicieux les uns que les autres. Quand le dessert arrive enfin, je suis repu, et finalement plutôt content de ma soirée. Hristov n’avait pas tort. Les mondanités de la vie publique ne sont pas si désagréables.

Le dîner touche à sa fin. Chacun échange une dernière politesse, une énergique poignée de main ou un salut asiatique appuyé, avant de se retirer. La gouverneure du Shandong nous quitte la première, la délégation chinoise étant sommée de monter dans le mini-bus loué par le gouvernement, ou le parti, ou les deux, pour rentrer à l’hôtel. Puis, c’est au tour de la vice-présidente costaricaine. Tenant à nous saluer individuellement, elle me tend une main molle et me gratifie d’un sourie faux avant de passer à la personne suivante, d’oublier mon visage, mon nom et probablement jusqu’à mon existence. Me laissant seul avec le maire de Prague et son attaché de presse qui vient de le rejoindre. Ils discutent en tchèque, ils ont l’air sérieux. Je décide alors qu’il est sans doute plus approprié que je m’éclipse poliment. N’osant interrompre la conversation, je lance un « bonne soirée, merci encore » à la volée, avant de tourner les talons.

- Monsieur Pennec, un instant, s’il-vous-plait, dit-on en anglais dans mon dos.

Je reconnais la voix du maire de Prague. Je me retourne, surpris et flatté qu’on ait retenu mon nom.

- Auriez-vous une carte de visite ? poursuit-il. J’ai apprécié notre conversation et voudrais, si vous l’acceptez, la poursuivre en temps voulu.

Décontenancé, je fouille maladroitement dans la poche de mon pantalon à la recherche d’une carte de visite. J’en trouve une, et lui la tend avec un sourire embarrassé.

- Avec plaisir, monsieur le maire. Vous avez là mes coordonnées, je suis à votre entière disposition.

Il jette un œil à la carte avec un air satisfait. Nous échangeons une franche poignée de main, et partons chacun de notre côté. Lui retourne à son attaché de presse. Moi pars chercher mon manteau au vestiaire, avant de héler un taxi dans l’air glacial du début d’automne. Je donne mon adresse au chauffeur de taxi, priant qu’il n’y ait pas de trafic à cette heure avancée de la nuit. A mi-trajet, je reçois un nouveau message. Ce doit être Hristov, me dis-je. Je l’imagine me demander comment je m’en suis sorti, pas peu fier de son coup. Ça ne manque pas.

« Alors, Loïc ? Comment s’est passé ta première soirée avec les grands de ce monde, tu as fait de belles connaissances ? Tu me raconteras demain ».

Je m’apprête à répondre, mais reçois immédiatement un nouveau message. D’un numéro inconnu. Commençant par +420.

« Si comme moi vous n’avez pas le cœur d’attendre pour continuer notre conversation, je suis au Radisson Blu du centre-ville ».

Une rapide recherche internet m’apprend que +420 est l’indicatif de la République tchèque. Aucun doute, il s’agit du maire de Prague. J’hésite une seconde. Je suis fatigué, mais aussi intrigué. Je n’avais pas décelé le moindre intérêt de sa part lors du dîner.

Je recherche des photos de lui sur le moteur de recherche. L’avantage d’avoir pour proie une personnalité publique. Les images défilent. Pour le plaisir de mes yeux. Il est particulièrement sexy sur sa photo d’investiture, dans son costume d’apparat.

Je décide de répondre à ses avances. Après tout, ce n’est pas donné à tout le monde de passer la soirée, voire la nuit, avec le premier magistrat d’une capitale européenne. J’indique le changement de destination au chauffeur, qui acquiesce sans un mot. Sans doute me juge-t-il en silence. Un homme en costume qui décide de se rendre à l’hôtel plutôt qu’à son domicile en plein milieu de la nuit. Louche. Peu importe. J’envoie une réponse courte et explicite à mon prétendant.

« Où puis-je vous trouver ? »

« Chambre 706. A tout de suite ».

Eh bien, dans sa chambre, directement ? Je doute que « continuer notre conversation » soit l’ambition principal du maire de Prague pour les heures à venir.

*

L’hôtel est situé dans un bâtiment moderne, sans charme, en plein cœur du centre historique dont il défigure l’une des rues les plus authentiques. Je passe les portes tourniquet, me dirige jusqu’à l’ascenseur et monte au septième étage. Je me perds un instant dans le dédale de couloir avant de trouver la porte de la chambre 706, qui fait l’angle du bâtiment. Utilisant la caméra selfie de mon téléphone, je jette un dernier coup d’œil à mon visage et ajuste le nœud de ma cravate. Logiquement, je ne devrais pas la garder longtemps. Je prends mon courage à deux mains, pousse un long soupir, et ose finalement frapper à la porte.

- Entrez, dit un voix lointaine.

Je fais tourner la poignée, et, en effet, la porte est ouverte. Je vérifie rapidement que personne ne m’a remarqué dans le couloir. Il est désert. Je me glisse alors discrètement dans la chambre.

La pièce me semble luxueuse sans être outrancière. Parquet sombre, lumière tamisée émanant d’appliques murales dorées, meubles de bois foncé, literie épaisse et linge de lit bleu roi. Le tout est très classique. Les chaînes internationales ne brillent généralement pas par leur originalité. Je découvre le maire assis sur le rebord du lit. Il a ôté sa veste de costume et sa cravate, sa chemise blanche est largement ouverte sur son torse au poil grisonnant.

- Loïc, c’est ça, me demande-t-il d’une voix pleine d’assurance.

- C’est ça, monsieur ! Ravi de vous revoir !

Il a un petit rire amusé, mais ne me m’invite pas à changer de registre, ni à passer au tutoiement.

- Loïc, je dois être honnête avec toi, je ne t’ai pas invité pour continuer notre discussion de ce soir sur la pollution fluviale en milieu urbain.

- C’est ce que j’espérais entendre, je réponds du tac-au-tac. Il est un peu tard pour parler travail.

Il acquiesce, et me fait signe de m’avancer. Dès que je me trouve à portée de sa main, il se saisit de ma cravate et m’attire vers lui de force. Je me plie en deux pour approcher mon visage du sien. Il en profite pour me décrocher un premier baiser, sa langue experte venant déjà assaillir mes lèvres pour les délier. Il semble pressé. Je lui offre le passage et goûte pleinement la tiédeur de sa bouche.

Sa main glisse le long de ma cravate pour en empoigner le nœud, restreignant de la sorte ma respiration. Je sens mon entrejambe se réveiller à mesure qu’il resserre son emprise. L’air commencer à me manquer, le sang afflue vers mon sexe qui se gonfle plus vite encore qu’à l’accoutumée. Ce doit être visible, puisque le maire vient poser sa main libre sur la bosse de mon pantalon. Et la caresse doucement.

Soudain, il interrompt notre baiser, et relâche mon cou endolori. Il vient alors me dégrafer le pantalon et libérer mon sexe de sa prison de tissu où il était de plus en plus à l’étroit. Mon pantalon tombe mollement à mes chevilles. Mon caleçon le rejoint et ma queue se dresse droit face à son visage. Levant la tête vers moi, il me jette un regard gourmand. Ses yeux noisettes pétillent de malice. Il arbore un large sourire magnifique. Hypnotique. Les dents blanches et impeccablement alignées. Il est vraiment attendrissant, à osciller de la sorte entre homme de pouvoir et enfant gâté. Avec une douceur presque inespérée, il vient essuyer mon gland mouillé par l’excitation du bout de ses lèvres tendres. Je frémis.

Puis, sans prévenir, il engloutit ma queue toute entière dans sa la chaleur humide de sa bouche. Une vague de plaisir monte en moi, naissant dans mon bas ventre, parcourant tout mon corps pour venir mourir sur le sommet de mon crâne en des milliers de picotements. Je vacille. Il commence ses va-et-vient. Les gestes précis. Les mains posées sur mon pubis. Sa langue tourbillonne sur mon gland, me donne des vertiges. Ce n’est clairement pas la première fois qu’il invite un garçon dans sa chambre d’hôtel. Il quitte le rebord du lit, s’agenouille devant moi et accentue les assauts de sa bouche sur mon sexe. Il devient résolument difficile de me retenir. Je laisse échapper de petits cris pour l’avertir. Voyant que je suis à la peine, il finit par recracher mon sexe. Il s’arrête un instant, s’essuie les lèvres d’un revers de la main, et se relève.

Ses mains parcourent mon torse et mes épaules. Je l’imite. Son torse n’est que finement musclé, mais reste massif. Un peu comme Hristov, en fin de compte. L’avantage des slaves et de leurs os épais. Il plonge son regard brun dans le mien, bestial, et m’embrasse de nouveau. Me serre contre lui. Sa main, quant à elle, passe de mon torse à mes fesses nues. Poussé par l’excitation, je me cambre légèrement pour lui faciliter l’accès. Il répond immédiatement à ma proposition. Me fait humidifier deux de ses doigts avec ma propre salive, avant de venir les frotter contre mon trou qui palpite de désir. Nos baisers reprennent et ses doigts me pénètrent à mesure que sa langue s’engouffre dans ma bouche. A ma propre surprise, je me détends rapidement, aidé par l’excitation qui monte à nouveau d’un cran alors qu’il serre mon cou de sa main libre. L’autre toujours occupée à me doigter avec frénésie.

Me jugeant suffisamment dilaté, il m’invite à m’allonger à plat-ventre sur le lit. Je m’exécute, et cambre les reins. Je le désire tant, je froisse le couvre-lit entre mes doigts crispés et mords l’excès de tissu. J’entends le bruit de sa fermeture éclair qu’il abaisse. Et le cliquetis de la ceintre qu’il défait. Je réalise alors que je n’ai même pas aperçu son sexe. J’ignore quelle est sa forme, sa taille. Il dégage une telle confiance que l’idée de vérifier ne m’est même pas venue à l’esprit. Je crois bien que c’est une première. Je l’entends fouiller dans le tiroir de la table de nuit. Curieux, je me retourne. Et le découvre à demi-nu. Les cuisses épaisses, les mollets musclés. Recouvertes d’un duvet poivre et sel. Le sexe à la forme et à la taille jusqu’ici inconnues fièrement dressé dans le contre-jour de la lampe de chevet. Il n’est ni trop grand, ni trop petit. Légèrement incurvé vers le haut. Le gland rond et gorgé de désir. Excellente surprise, donc.

- Je peux te proposer avec ou sans préservatif, me dit-il alors d’un ton terre-à-terre qui m’extirpe de ma rêverie.

- Comme tu veux, je réponds.

- Je t’ai autorisé à me tutoyer ? reprend-il d’un ton cassant.

La dureté de sa voix me replonge en plein fantasme. Cette autorité naturelle qui émane de lui me fait tout simplement perdre tous mes moyens.

- Non, monsieur le maire. Excusez-moi.

- Ce sera donc sans préservatif, pour ta peine.

Il lubrifie sa queue sur toute sa longueur et m’enjambe pour venir la placer entre mes fesses, contre mon trou rougi et entrouvert. Doucement, mais sans ciller, il s’insère en moi. Ne prêtant aucune attention à mes gémissements de douleur. La brûlure est cruelle. Interminable. Je le sens emplir mon bas-ventre de toute sa virilité, jusqu’à ce que son pubis vienne épouser la naissance de ma raie. Je pousse un grognement un peu plus fort que les précédents.

Il vient alors plaquer sa main puissante contre ma bouche, et commence ses saillies impitoyables. Mes cris s’évanouissent dans sa paume tiède. Ses reins ondulent sur mon corps traversé de soubresauts. La douleur s’estompe progressivement, et laisse place au plaisir. Brut. Sauvage. Je l’entends rugir dans mon dos. Il s’acharne, alterne entre les coups secs et rapides et les mouvements plus amples. Mais pas moins violents.

A un moment ou un autre, j’ai dû jouir. Je sens mon bas-ventre et mon sexe à demi mou glisser dans une substance visqueuse et tiède, au rythme imposé par les à-coups de mon partenaire. Je ne m’en suis même pas rendu compte, submergé par le plaisir qui émane de mon derrière. Puis c’est à son tour. Là, je en m’y trompe pas. De longs jets chauds jaillissent en moi et m’emplissent. Puis il s’affale sur mon dos, terrassé par le plaisir et épuisé par l’effort. Il reste ainsi en moi quelques minutes, immobile. Son front en sueur posé sur ma nuque. Le souffle brûlant. Puis il se retire lentement, en roule sur le côté. Les yeux clos. Le dos de la main sur le front.

*

Une fois douché et rhabillé, je sors de salle de bain et le découvre allongé sur le lit, le nez plongé sur son iPad. Il répond à quelques mails, l’air affairé. Je toussote discrètement. Il lève les yeux vers moi et son beau visage s’illumine.

- Tu t’en vas ?

- Oui monsieur.

- Tu peux m’appeler Peter, répond-il amusé. Je pense qu’on a dépassé ce stade.

- Oui, Peter, dis-je, encore timide. Merci encore, c’était vraiment… quelque chose.

Il accepte le compliment sans ciller, sans doute habitué à entendre ses amants le remercier.

- Tu as mon numéro. Si jamais tu es sur Prague, je serais ravi de répéter l’expérience.

- Avec plaisir.

Je m’approche un dernière fois de lui, et dépose un rapide baiser sur ses lèvres. Il me chuchote un aurevoir ou un adieu. J’ignore si nous nous recroiserons, mais ça valait la peine d’écourter ma nuit de sommeil. Je quitte le Radisson Blu encore sous la charme de mon premier échevin tchèque.

[1] Voir chapitre 1

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