Chapitre 22. Le vol a escale
Quarante-huit heures plus tard, nous sommes déjà de retour à l’aéroport de Montevideo. Une fois passée la sécurité, je me sépare de Kata et d’Ewelina, lesquelles prendront d’abord un vol pour Madrid, puis une correspondance pour Bruxelles, afin de rentrer en Europe. Je lis dans le regard larmoyant d’Ewelina qu’elle redoute déjà l’épreuve à venir du voyage en tête-à-tête avec Kata, et m’en veut sans doute un peu de l’abandonner de la sorte. C’est vrai que je ne lui fait pas une fleur… Kata continue à se montrer particulièrement odieuse avec son assistante, à qui elle reproche d’être venue en Uruguay pour faire du tourisme, voire pire, de l’entrisme auprès de son ancien supérieur, Idriss. Elle n’a d’ailleurs pas tout à fait tort... Mais il est vrai que la manière implacable dont elle a fait valoir sa désapprobation auprès d’Ewelina, lors du trajet en taxi qui nous a mené de l’hôtel à l’aéroport, était pour le moins déplacée, et m’a moi-même choqué, bien que je sois habitué aux sauts d’humeur de la finlandaise :
- Ça t’a plu, Montevideo, Ewelina ? a-t-elle demandé à la belle polonaise d’un ton sournois, avant de poursuivre d’une voix cassante. Si je ne m’abuse, tu devrais y revenir bientôt, non ? En tout cas, j’espère bien que la prochaine fois, ce ne sera pas aux frais du contribuable européen…
Autant vous dire que je ne suis pas mécontent de prendre un chemin différent de celui de mes deux collègues pour rentrer à Bruxelles, avec en prime une escale de quelques jours au Brésil, à São Paulo, où je vais enfin pouvoir revoir Luiz, après près d’un an d’attente.
Après des adieux somme toute plutôt rapides et sans effusion, étant donné les circonstances, je prends seul la direction du terminal réservé aux vols courts, et me poste devant la porte d’embarquement où mon vol LATAM Airlines est retardé d’une petite demi-heure seulement. Un retard tout à fait acceptable, et qui me laisse le temps de faire le bilan de ces quelques jours passés en Uruguay, que je qualifierai malheureusement de « mitigé ».
D’un côté, la présentation du méga-fonds européen pour la transition énergétique dans les pays en développement a été un succès triomphal. Mes ex-collègues des Nations Unies ont été enchantés par notre proposition, et ont accepté d’apporter une contribution, certes plus modeste que celle de l’Europe, mais qui devrait malgré tout permettre de financier une part non-négligeable des besoins en investissement dans la production d’énergie verte en Afrique, Asie et Amérique du sud. Après ma présentation, Idriss et Catherine sont même venus pour me féliciter et évoquer de possibles futurs projets communs entre les Nations Unies et l’Union européenne. On peut donc parler de bonne opération sans exagérer outre-mesure. Même Kata était ravie par ma prestation, ce qui constitue peut-être la plus grande victoire de ce déplacement.
Côté cœur, en revanche, le tableau est bien plus sombre. Ma rencontre avec Alvaro a été pour le moins décevante, mais a eu au moins le mérite de mettre les choses au clair, et de me libérer de cette incertitude qui m’empêchait d’avancer dans ma quête, sinon de l’âme-sœur, au moins de l’amour, aussi fugace soit-il, et ce depuis un certain temps, déjà. Quelque part, c’est un soulagement. Depuis des mois, je tergiverse entre Alvaro et Luiz, me torturant à l’idée de devoir faire un choix. Mais peut-être me suis-je tout simplement fourvoyé, tous ces mois durant, et que ni Alvaro ni Luiz ne sont celui que je recherche pour m’accompagner lors des prochaines années ? Je ne sais pas vraiment d’où me vient ce désir soudain de me poser, c’est sans doute le fait d’avoir atteint trente ans… Toujours est-il que la prochaine étape, ces quelques jours passés avec Luiz à São Paulo, sonne comme une deuxième heure de vérité. L’occasion rêvée de me libérer définitivement d’un dilemme qui, s’il aide à agrémenter mes séances de masturbation d’images évocatrices, me paralyse dans ma recherche de sentiments plus profonds, et plus sincères.
Finalement, m’extirpant de ma rêverie d’adolescent trentenaire, l’annonce de l’embarquement pour le vol en partance pour São Paulo me ramène à la réalité. Je rassemble mes affaires, récupère mon billet dans la poche arrière de mon jeans, ouvre mon passeport diplomatique à la page de la photo, et me présente au contrôle des pièces d’identité.
*
Je me souviens encore de ma dernière rencontre avec Luiz. C’était au tout début de l’hiver newyorkais, quelques heures avant que l’assemblée générale de l’ONU ne prenne une décision qui conduirait éventuellement à sa dislocation, à son implosion, suite à la vexation des principales nations européennes. Luiz était vêtu de son habituelle veste en cuir et d’un jeans sombre, et portait un légère barbe de trois jours qui lui allait à merveille. C’était la première fois que nous nous revoyions depuis sa disparition des écrans radars, un an plus tôt, et nous avions commencé par nous disputer, avant de finir par nous rabibocher, et de terminer la soirée par une séance de galipettes inoubliable, qui avait mis mon esprit et mon appartement de Brooklyn sens dessus-dessous. J’en garde un souvenir ému, et je pense que Luiz aussi, à en juger par la fréquence et la teneur de nos échanges après ce soir béni des dieux, qui n’ont cessé de gagner en intensité. C’est donc avec une joie que je peine à contenir, et que je ne cherche certainement pas à dissimuler, que je retrouve mon beau brésilien à l’aéroport international de São Paulo.
Posté contre la rambarde qui sépare la zone des arrivées du reste de l’aérogare, il porte une simple chemise en jeans, et un short beige qui, légèrement resserré au niveau des cuisses, souligne sa silhouette athlétique, élancée et musclée à la fois. Ses cheveux bruns sont rabattus en arrière, en désordre, comme toujours. Et sa barbe de trois jours est toujours là, peut-être un peu plus jeune que lorsque je l’ai vu pour la dernière fois en chair et en os, à New York, mais souligne toujours avec grâce son visage mutin, orné de magnifiques yeux ambrés. Un large sourire se dessine sur ses lèvres fines alors qu’il me reconnait parmi la foule. Je le lui rends, immédiatement sous le charme du beau jeune homme dont je suis tombé amoureux, il était une fois, il y a si longtemps déjà. Sans que la flamme ne meure jamais totalement. Et elle pourrait très bien se raviver à l’occasion de cette étape pauliste de mon périple sudaméricain.
D’un pas précipité, je contourne la rambarde, et viens à sa rencontre. Le prends dans mes bras. L’étreinte est longue, appuyée. Presque émue. Je plonge mon visage dans le cou de Luiz, et hume son odeur, qui me rappelle à des jours heureux, transgressifs, naïfs, peut-être, aussi. Quand révéler un scandale de comptabilité climatique semblait être une manière utile de faire avancer le monde dans la bonne direction. Une sensation tiède et agréable se loge fermement dans ma poitrine, sorte de concentré de bonheur que je ne me souviens pas avoir ressenti avec une telle intensité depuis un sacré bout de temps. Et jamais avec un autre que Luiz, en tout cas. Mettant un terme à ces retrouvailles pour le moins chaleureuses, ce dernier se propose de m’aider à porter ma valise. Je m’y refuse, par orgueil mal placé, et nous partons tous deux, ma main libre posée sur son épaule, vers la zone des taxis, pour rejoindre le centre-ville de São Paulo.
Après une bonne heure passée dans les embouteillages monstres, véritable calvaire du quotidien dans la mégalopole brésilienne, à en croire Luiz, nous arrivons enfin à son appartement. Il est déjà seize heures, et le soleil d’automne, qui, à cette latitude, conserve encore une certaine force malgré sa teinte orangée, entame sa lente et inexorable descente vers le ponant. Luiz insiste pour ne pas s’attarder à l’intérieur, et me propose de me faire découvrir le quartier dès maintenant, car « tu ne vas quand même pas passer tes premières heures au Brésil dans un canapé Ikea, comme il en existe partout dans le monde ». Pas faux… Je cède à la pression du beau brésilien, et accepte de laisser mes valises dans l’entrée de l’appartement, avant de ressortir immédiatement dans la rue.
J’ai alors l’impression d’atterrir directement en plein cœur d’une ville-monde. Le contraste avec Buenos Aires et Montevideo est saisissant. São Paulo est bien plus… américaine que ses voisines de l’extrême-sud du continent. De par la jungle urbaine, d’abord, où les rues larges comme des autoroutes sont bordées d’immeubles gigantesques, modernes, ou moins, mais toujours construits dans un style utilitariste, avec pour simple fantaisie l’usage d’une couleur pastel pour égayer quelque peu la façade, autrement ornée d’une quantité impressionnante de minuscules balcons et de climatiseurs individuels. Par endroit, on se croirait presque à New York, en plein Manhattan, dans une version tropicale de la grande pomme, téléporté à des milliers de kilomètres vers le sud. Ou, peut-être plus juste encore, comme un New York du jour d’après. Une fois que le réchauffement climatique aura fait son œuvre. Changeant la végétation pour des essences plus exotiques, avec même quelques palmiers, çà et là, dont les ombres lézardent sur le bitume plus ou moins bien entretenu, en fonction de la rue, et de la richesse de ses habitants. Un monde où les éléments déchaînés accablent en priorité les plus démunis, qui s’entassent dans des immeubles en ruine, voire pire, dans les favelas en périphérie de la ville, dénuées de sanitaires et d’installations électriques régulières, tandis que les classes moyennes vivent dans des tours, modernes et confortables, gardées par des vigiles armés, et les plus riches dans des villas cachées dans les hauteurs, à l’abri du crime et des regards indiscrets.
La foule elle-même semble tout droit arrivée de l’an 2100. Les couleurs de peau se fondent jusqu’à se confondre, dans un caléidoscope ethnique où il devient impossible de dire qui est « blanc » et qui est « noir », chaque individu semblant être le produit unique d’un gradient de métissage qui lui est propre. Et, au-delà du mélange des cultures et des origines, une confrontation incroyablement violente entre la plèbe, qui joue des coudes pour se faire une place dans les autobus bondés qui quadrillent les artères principales du centre-ville, et les patriciens, pestant contre la marée incessante de véhicules et de piétons incivils qui ralentit leur course effrénée en direction des autoroutes périphériques de la cité pauliste, au volant de leurs énormes SUV blindés. Le tout donne une impression très particulière, donnant à la fois dans l’utopie et le post-apocalyptique, en tout cas résolument rétro-futuriste, de par la beauté décatie des édifices qui ploient sous le ciel lourd et humide. Un peu bordélique, grouillant de monde sans être sale ni angoissant. Finalement, assez vivant…
Aussi étrange que cela puisse paraître, je m’y sens bien, dans ce joyeux capharnaüm de chairs et de bétons multicolores. Sans doute la présence de Luiz, rassurante et solaire n’y est-elle pas pour rien. Guide passionné, il me décrit chaque détail de notre périple à travers la ville avec un enthousiasme communicatif. Soulignant le beau, le laid, le ridicule. Par exemple, ces passants qui, sous prétexte que le thermomètre est passé sous la barre des vingt-cinq degrés au crépuscule, s’affichent en public avec gants, écharpe et veste matelassée, « pour ne pas attraper froid », ironise Luiz.
- Il faut les comprendre, m’explique-t-il toutefois par la suite. Il fait rarement moins de quinze degrés, ici. Si tu ne sors pas ton écharpe en dessous de vingt-cinq, tu ne pourras jamais mettre ta doudoune au plus fort de l’hiver…
- Toi, tu dois être immunisé contre le froid brésilien, après avoir vécu à New York…
- Oh oui… D’autant plus que je viens du sud, de Porto Alegre, où les hivers sont plus frais qu’ici. Presque comme en Europe ! En tout cas, comme au Portugal ou en Italie…
Je lui jette un regard amusé, peu impressionné par la référence utilisée par Luiz pour évoquer le froid mordant d’un décembre nord-européen.
- En tout cas, rassure-toi, poursuit-il avec un léger sourire. Demain, les températures remontent. Si tu es d’attaque, je t’emmène faire un tour à la plage, à Praia Grande.
J’accepte volontiers. Un breton ne dit jamais non à une occasion de voir la mer, peu importe de laquelle il s’agit. Luiz a l’air satisfait par ma réponse, et se fend d’un timide baiser sur ma joue, comme pour sceller la décision : nous irons donc à Praia Grande le lendemain. Je rougis légèrement, surpris par cette démonstration d’affection à laquelle je ne m’attendait pas. Mais, au fond de moi, pas le moindre embarras : je jubile.
- Tu sais ce qui me surprend ? dis-je soudain, pour changer de sujet. Ne te moques pas de moi, et ne le prends pas mal, on en entend tellement de toutes les couleurs sur le Brésil… Mais ça n’a pas l’air… dangereux ?
- Oh, c’est loin d’être juste un cliché, crois-moi…. Mais ne t’en fais pas, de jour, et accompagné d’un gars costaud comme moi, tu ne risques rien, répond-il en riant. Sinon, ça dépend des quartiers. Ici, c’est relativement calme. En règle général, les zones résidentielles et aisées sont plutôt tranquilles, même si tu dois quand même faire attention. Mais rien à voir avec les favelas. Si un blondinet comme toi y met le pied, pas sûr qu’il ressort vivant, ou alors avec quelques organes en moins… La misère fait faire des choses terrifiantes…
- Oui, c’est horrible…
- C’est injuste, surtout. Mais j’avoue que je ne suis pas à plaindre. Je suis blanc, j’ai suffisamment d’argent pour vivre dans un endroit sûr… Au fond, en tant que reporter sur les affaires climatiques, j’ai plus à me méfier de la police et des tueurs à gage commandités par le gouvernement que des petits criminels de rue.
- Tu ne me rassures qu’à moitié, Luiz…
- Ne t’en fais pas pour moi, me rassure-t-il d’un ton désinvolte. On ne dirait pas comme ça, mais je suis un dur à cuire.
*
Tandis que le soleil orange approche dangereusement de la ligne d’horizon, Luiz et moi rentrons à son appartement. Je n’ai pas mangé depuis l’avion, et encore, si on peut appeler ça manger, un mini-sandwich à la dinde garni d’une mayonnaise infecte et un paquet de trois ou quatre chips sans huile, sans sel, et donc sans saveur. Mon ventre vide réclame donc son dû avec force, voire une certaine insolence. J’ai eu beau l’ignorer une bonne partie de la journée, trop absorbé par la découverte de la ville et la présence de Luiz, là, c’en est trop, la nature reprend ses droits. Au point que les gargouillis insistants parviennent jusqu’aux oreilles du beau brésilien, qui comprend vite le message.
- Tu dois être affamé ! s’exclame Luiz, visiblement désolé de ne pas y avoir pensé plus tôt. Tu veux qu’on commande quelque chose, histoire de ne pas avoir à s’embêter avec la vaisselle ?
- Ça me va ! réponds-je, sans faire le difficile. Je te laisse choisir ce qui vaut la peine d’être goûté, dans le coin. Je suis parfaitement agnostique, en matière de cuisine locale…
Le logement de Luiz est le parfait archétype de l’appartement de journaliste, comme on en voit dans les films. Le salon est en désordre, et surtout, jonché de papiers en tous genres, de livres, de revues, de simples feuilles A4 imprimées, couvertes de ratures, de notes griffonnées, de post-it et de passages surlignés. Les étagères débordent, chaque meuble, charque coin de table, chaque surface plane est utilisé pour entreposer de la paperasse. Sur son bureau, posé devant une petite fenêtre qui donne sur une arrière-cour à la végétation luxuriante, une pile de magazines et de journaux pliés en quatre menace de s’effondrer à tout moment. On ne compte plus les coupures de presse découpées et épinglées sur le tableau de liège qui, accroché au mur, déborde de toute part, le reste des pièces de ce puzzle dont seul Luiz est capable de comprendre le sens étant scotché directement sur la paroi.
- Ça me fait tout drôle, de me retrouver au milieu de tous tes papiers… avoué-je à Luiz, d’une voix timide. Ça me rappelle la manière dont on s’est rencontrés, toi et moi, quand tu rédigeais ton article sur la fraude à la comptabilité climatique… Si j’avais su qu’un jour je verrai l’envers du décor !
- Ne m’en parle pas… Tu sais que je me sens toujours affreusement coupable à ce sujet…
- Et tu peux, mon vieux ! dis-je sur le ton de la plaisanterie. Je te rappelle qu’après la publication de ton article, les Nations Unies ont failli disparaître, et j’ai perdu mon boulot !
- Tu vois, je m’en veux à mort… Non seulement je n’ai pas sauvé la planète, loin de là, mais toi, tu aurais eu beaucoup moins de soucis si tu ne m’avais jamais croisé…
- Certes… Mais je ne t’aurais jamais rencontré… A l’heure où je te parle, je serais sans doute tout seul à me morfondre dans mon appartement de New York, en train de me demander si mon travail sert véritablement à quelque chose. Et pour penser à autre chose, je trainerais sur Grindr en espérant y trouver un peu de distraction pour la soirée, sans jamais aller plus loin, ni former la moindre connexion un minimum approfondie avec qui que ce soit. C’était ça, ma vie, avec que tu la mette sens dessus-dessous avec ton maudit article !
- Bon, c’est vrai que présenté comme ça…
Luiz a un petit rire. Rien qu’à voir ses jolies lèvres fines s’étendre pour dessiner un léger arrondi, une amorce de sourire, avec tant de bonté, de bienveillance en lui, et mon cœur chavire. Difficile de faire passer Luiz pour un reporter sans scrupules qui m’aurait piégé. Je sens le poids de la culpabilité qui lui pèse encore sur la conscience, après tout ce temps. Il ne faut pas. J’ai été sincère dans ma petite déclaration minable : je pense vraiment qu’il m’a sauvé, tout compte fait. Pouvoir me tenir près de lui, le toucher, et, peut-être même, l’embrasser, le jeu en valait la chandelle. Largement.
Je m’approche lentement de Luiz, avec précaution, de peur de le faire fuir. Je prends sa main dans la mienne. Je la caresse doucement. Son regard d’ambre s’attendrit. Les pépites d’or qui en parsèment l’iris s’illuminent lorsqu’un rayon de soleil couchant s’y reflète. Je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour. La drôle de sensation de chaleur, que dis-je, de bonheur, ressentie plus tôt fait son grand retour dans ma poitrine. Je ne peux pas résister plus longtemps. Et, dans un geste un peu brusque et maladroit qui le surprend un peu, je viens coller mes lèvres sur celles de Luiz, et nous échangeons alors notre premier vrai baiser depuis nos retrouvailles. Je prends son visage entre mes mains, tout en continuant à l’embrasser, avec de plus en plus de fougue. Sa langue retrouve la mienne. Elles se cherchent, s’évitent, se caressent. Et, à mesure que mes doigts s’enfoncent dans la tignasse brune du beau brésilien, je sens ma queue se réveiller dans l’entrejambe de mon pantalon.
Luiz a dû s’en rendre compte, car, d’un geste timide, il me pousse jusqu’à la table à manger, contre laquelle je me repose, alors que lui s’agenouille devant moi, dégrafant mon pantalon pour libérer ma queue de sa prison de tissu. Mon membre s’en échappe alors, et vient se poser contre le visage félin de mon bel amant, qui y dépose un baiser sans me lâcher de son regard ambré, dont l’intensité serait presque intimidante pour celui qui ne saurait l’apprivoiser. Ce n’est pas mon cas, fort heureusement. Et, à force de soutenir son regard, je finis par convaincre Luiz de dédier son attention à ma queue, qui se raidit sous la caresse de sa langue, qu’il passe sur toute la longueur de mon membre avant d’en avaler le gland, puis le reste. Comme à son habitude, Luiz maîtrise parfaitement l’art de la fellation, et les assauts de sa bouche sur mon sexe gonflé de désir provoquent en moi de légers vertiges. Tant le plaisir est intense. Je m’y perds complètement. Je ne sais plus si c’est sa langue, sa main, ses lèvres, et sans doute est-ce un peu de tout ça, mis en musique avec brio, qui me transporte dans un état second, une quasi-transe, dont Luiz est le responsable tout désigné. Très vite, trop vite, peut-être, je n’en peux plus de retenir mes ardeurs, et dois l’implorer de cesser de me torturer, pour ne pas tout gâcher en jouissant trop tôt, et dans sa bouche de surcroit.
Délaissant ma queue déjà presque mûre, Luiz se redresse et m’accorde un nouveau baiser, dont la douceur délicieuse me fait presque gémir de plaisir. Ça, c’est une première ! Mais je n’ai pas le temps de m’émerveiller de ce fait rarissime que déjà Luiz déboutonne les boutons de sa chemise, un à un, et découvre son torse au poil court, recouvert de petites taches de rousseur, que j’embrasse avec envie. Je voudrais prendre le temps de m’attarder sur ses tétons, mais je suis incapable de résister plus longtemps à la tentation de prendre son joli sexe en bouche. Je fonds donc sur son entrejambe, fait tomber son short beige jusqu’à ses chevilles, fait subir le même sort à son petit slip blanc, qui laisse deviner l’érection de mon beau brésilien, et, enfin, une fois sa queue libre, je la fais glisser entre mes lèvres, pour ne plus la lâcher jusqu’à ce que Luiz m’en supplie. Lorsqu’il le fait enfin, la langue passe immédiatement de son membre à ses couilles brunes, puis au chemin menant jusqu’à son trou. Il m’interrompt alors, et déguerpit à la salle de bain. Se débarrassant d’un petit coup de pied sur le côté du short et du slip blanc qu’il trainait encore aux chevilles.
Quelques minutes plus tard, Luiz revient au salon, le derrière prêt à recevoir ma queue, une bouteille de lubrifiant à la main. Le regard plein d’excuses, il juge utile de se justifier :
- Je suis désolé, j’ai… commence-t-il.
Je le coupe immédiatement d’un long baiser fougueux, pressant son corps nu et chaud contre le mien, brûlant. Au point que l’étreinte se fait vite étouffante, presque tropicale. Luiz se tourne alors, pour me faire dos, et m’invite à l’embrasser dans le cou. Dans le même temps, ma queue dure comme le fer se dresse entre ses fesses rebondies. J’y glisse un doigt, pour élargir son trou, avant d’y déposer une noisette de gel lubrifiant. Puis, j’applique le même traitement à ma queue, que je presse contre sa rondelle humide. Et, immanquablement, mon gland s’y insère, suivi par le reste de mon membre viril. Alors que je le pénètre, Luiz bascule la tête en arrière, et me réclame un baiser. Je le lui donne volontiers. Moi-même encore sous le choc de la sensation que me procure son derrière. Douce et chaude. Comme un étui de velours.
Je mets quelques secondes à reprendre mon souffle et mes esprits, puis commence de légers va-et-vient qui arrachent à Luiz de longs gémissements, alors que je m’enfonce en lui, entrecoupés de petits cris, lorsque que je me retire. Le plaisir que je ressens alors est incomparable. Il se diffuse dans tout mon corps, me coupe la respiration, me fait tourner la tête. Je dois pousser Luiz contre la table à manger et m’y appuyer pour parvenir à garder le rythme. Son derrière s’accommode parfaitement de mes saillies. Et, chaque fois qu’il tourne la tête en arrière pour me quémander un baiser, je crois exulter. Je suis tout simplement subjugué de plaisir. Je ne rends même pas compte de l’épuisement qui me guette, de la sueur qui coule sur mon front, le long de ma joue. J’ai le souffle court. Mon cœur bat à mille à l’heure. Et pourtant, je tiens.
Soudain, sans vraiment m’en rendre compte, je jouis en Luiz de manière parfaitement incontrôlable. En de longs jets qui emplissent le derrière du beau brésilien, qui laisse échapper un long cri de plaisir pour l’occasion. Autant pour m’encourager que parce qu’il apprécie particulièrement, j’imagine. Mais j’apprécie. Et, après m’être retiré doucement de son trou détendu par l’effort, j’invite Luiz à me faire face, et plonge de nouveau sur sa queue, que je suce jusqu’à ce qu’il exulte et déverse sa semence âcre entre mes lèvres rougies par le frottement de son membre.
A ce moment-là, encore tremblant sous l’effet de l’orgasme, je crois n’avoir jamais été aussi heureux. Et pourtant, je me trompe lourdement. Car, une fois la jouissance complètent retombée, le souffle récupéré et le rythme cardiaque apaisé, alors que Luiz et moi sommes enlacés sur le canapé, occupés à déguster la pizza qu’il commandée, je comprends que ce bonheur est fait pour durer. Elle ne nous quittera d’ailleurs plus pour le restant de mon séjour à São Paulo, régulièrement ravivée par nos ébats passionnés, que ce soit dans le lit de Luiz, dans le canapé, sous la douche, voire même sur la banquette arrière de sa vieille Volkswagen, lors de notre fameuse excursion à Praia Grande. J’aurais alors voulu que la capsule spatio-temporelle dans laquelle Luiz et moi avions été plongés, l’espace de ces quelques jours passés ensemble, se prolongé jusqu’à la fin des temps.
*
La date de mon départ arrive bien plus vite que je ne l’aurais souhaité. Inflexible. Imposé. Il n’y a en effet aucune marge de manœuvre possible quand on sait que le trajet qui me ramènera en Belgique s’effectuera avec un billet réservé et payé par l’Union européenne, au tarif le plus avantageux, donc. « Et c’est bien normal », me direz-vous, et vous aurez raison. Il me faut donc me rendre à l’évidence, et faire mes valises, le regard triste et le cœur lourd. Refusant d’écouter mes protestations, Luiz insiste pour m’accompagner jusqu’à l’aéroport. Même si ça ne fera que retarder nos adieux, et les rendre plus déchirants, encore, je dois bien avouer que la perspective de le garder auprès de moi, ne serait-ce que pour une petite heure supplémentaire, me rassure quelque peu. Je ne suis pas encore prêt à me séparer de lui, de sa présence, tantôt apaisante, tantôt électrisante, et de la douce sensation de tiédeur diffuse qui va avec. Une fois arrivés à la l’aéroport, nous comptons les minutes avec une certaine anxiété, usant et abusant de stratagèmes pour prolonger nos discussions jusqu’à la dernière seconde. Puis, lorsque vient le moment tant redouté de se dire au revoir, il me faut redoubler d’effort pour ne pas fondre en larmes. Luiz me serre dans ses bras, une dernière fois. Et m’embrasse dans le cou. Mon cœur déborde. Mon esprit aussi. Je dois lui dire. Je ne peux pas le quitter sans lui dire. Du bout des lèvres, la gorge serrée et la voix chevrotante, je lui glisse à l’oreille.
- Luiz… Je crois que je suis en train de tomber amoureux de toi…
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