Chapitre 1 - Léxandre

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L’ambiance chaleureuse du bar m’accueille. La musique vrille mes tympans et les coups de coude sont de la partie. Je retiens Louis, mon meilleur pote, de m’emmener dans ces conneries-là. La soirée détente à mater un porno vient de prendre une tout autre tournure. Et ce n’est pas pour me plaire ! Nous avions besoin de nous détendre. Pas de fêter notre futur casse au beau milieu d’inconnus.

Louis s’arrête au milieu de la salle. J’arrive à sa hauteur et suis la direction de ses yeux. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. L’homme que nous connaissons que trop bien se dirige au bar. Il est suivi par deux hommes, que je ne connais pas. Un des mecs est plus grand, assez mince et semble lui parler. Le connard secoue sa tête en direction d’une table plus loin.

Je suis leur regard.

Cette fois-ci, mon cœur rate un battement. La jeune est de dos, mais je sais de qui il s’agit. Je la reconnaîtrais entre mille.

Le fait qu’Émilien Weits la mâte ne me dit rien qui aille. Louis l’a vu, son corps est crispé. Je parie que dans la seconde qui suit, il va lui péter la gueule. Cependant, les instants défilent et rien ne se passe.

Les poings serrés, Louis se détourne et marche en direction de Jules Becker.

Dit, la femme la plus jolie au monde. Celle qui fait naître des papillons dans mon estomac. Celle qui me fait sourire comme un abruti rien qu’en l’apercevant. Et celle que je n’ai pas le droit de toucher. Aussi dit, la sœur de Louis.

Mon ami me fait signe de le suivre. Près de Jules, il l’observe en souriant et m’indique d’un geste de la tête de m’approcher d’elle. Pendant que mes pas me guident à Jules, Louis regarde la réaction de Lola Sanchez, la meilleure amie de Jules.

Lola plonge ses prunelles marron sur le frère et fait une grimace. Je reporte mon attention sur mon ami, qui m’incite à me coller à Jules. OK, s’il me donne la permission, je ne vais pas faire la fine bouche ! J’obtempère donc sans me poser de question. Mon avant-bras s’enroule à la taille de la jeune femme de vingt-cinq ans, plaquant son dos contre moi. Sa réaction ne se fait pas attendre. Elle sursaute, collée contre mon bassin. Je suis certain qu’elle sent mon érection naissante — dont elle est la créatrice —, car elle ne bouge désormais plus.

— Bah alors petite sœur, t’aime bien être dans les bras de mon pote ?

Je me positionne sur le côté, pour apparaître dans son champ de vision. Mon bras reste à sa taille, collant son flanc gauche contre moi.

Le visage angélique de Jules montre son trouble. Ses joues sont rosies, la rendant encore plus belle.

Mon cœur bat la chamade. Mes bouts de doigts picotent et ma gorge est nouée. Je ne me sens pas bien. Mon corps trahit ma faiblesse de la sentir si proche.

Jules observe son amie Lola. Elle ne me prête aucune attention. Comme si je n’étais rien pour elle. Ce qui est plus ou moins le cas. Nous nous sommes croisés trois ou quatre fois depuis ma rencontre avec son frère. Ce dernier la protège de ses amis. Il a toujours fait en sorte qu’on ne la voie pas.

Ce soir, je suis chanceux. Je peux admirer sa beauté de très près.

Bien qu’elle ressemble à son frère, Jules est différente. Ils ont pourtant les mêmes yeux bleus, mais ceux de Jules ont une lueur exceptionnelle. J’aime quand elle pose ses iris remplis de malice sur moi. J’aime qu’elle me dévisage longuement à m’en rendre fou.

Tout simplement, j’aime être le centre de ses intérêts.

— Oh, je pensais que c’était une soirée entre filles, dit froidement Lola. Je ne resterai pas avec eux. Salut, Jules.

— Lola. Je…

— Laisse-moi tranquille, Jules ! Reste avec tes mecs si ça te chante ! Mais laisse-moi. On se reparlera quand tu seras capable de comprendre certaines choses et que tu te comporteras comme une adulte.

Je fais un pas en avant, le sang bouillonnant dans mes veines. Pour qui se prend-elle, cette garce ? Elle ne s’est pas vue ? Elle n’arrive pas à la cheville de Jules et ose lui parler sur un ton exécrable.

Du coin de l’œil, Louis m’indique de me calmer. Ses traits sont déformés par l’énervement.

C’est vrai, j’avais oublié ! Ne pas m’occuper de sa sœur. Ce qui implique de ne pas la protéger. Du moins, pour quelque chose d’aussi futile. Je doute qu’il nous empêche de la sauver, si elle est vraiment en danger.

Lola s’en va, sans un regard pour son amie. Je devine le problème. Louis. Je sais qu’ils ont des différends, mais je ne sais pas de quelle nature.

Louis et moi détaillons désormais Jules. J’en profite pour incruster son visage dans ma mémoire, à jamais.

— Bon, bah ta connasse d’amie est toujours…, commente Louis.

— Louis ! Râle Jules en lui coupant la parole. S’il te plaît, n’en rajoute pas une couche.

Mon pote secoue sa tête en signe d’accord.

— On peut rester avec toi ? demande Louis, avec culot. À moins que tu comptes rentrer maintenant ?

À son visage, je constate qu’elle hésite. Les iris bleus de Jules jonglent entre son frère et moi. Ses joues sont encore écarlates. Quand nos regards s’interceptent, elle me fuit avec étonnement.

— Je ne suis pas d’humeur à rentrer, dit-elle en baissant les yeux. Pourquoi pas…

— Cool ! s’exclame Louis en s’asseyant sur une chaise libre.

Jules fait de même.

Finalement, la soirée n’est pas merdique. Même si Dimitri et Michael vont arriver, je doute qu’ils foutent le bordel. Puis, Louis s’en assura personnellement. Comme toujours.

Pour la première fois de toute ma vie, je vois Jules en robe moulante. La couleur pourpre lui va à la perfection au teint. Je me surprends à mater sa poitrine. Le col en V de la robe me donne bien des idées salaces. Par exemple, de glisser mes lèvres le long de son cou jusqu’à la naissance de ses seins.

Il est primordial d’oublier ça tout de suite. Jules et moi, c’est impossible. Elle est inaccessible. Il s’agit tout de même de la sœur de Louis, bordel !

Je n’aimerais pas que mon ami sorte avec ma sœur. Si j’en avais une, bien sûr. Puis il ne faut pas oublier le plus important. Jules est en couple avec Jordan Texier, son collègue graphiste dans une maison d’édition.

Jules est Community Manager à Luna Éditions. Une célèbre maison d’édition de romance. Elle y travaille depuis un an et a rencontré Jordan là-bas. À ce qu’il paraît, un coup de foudre se serait produit. Le genre de truc qu’on ne peut même pas rivaliser ou même détruire. Elle l’aimerait profondément.

Au point qu’elle en devienne complètement conne.

Aux dires de Louis, Jordan est un connard. Bien pire qu’Émilien. Il profiterait d’elle. Quand j’entends ça, la rage me domine. Madame ne se rend compte de rien. Encore moins qu’elle mérite bien mieux que lui !

Une barmaid passe par-là. Louis nous commande à boire. Jules prend un whisky. J’en reste pantois. Je me ressaisis lentement et commande une bière.

Jules est une grande fille, enfin une femme. Elle boit de l’alcool comme moi. Je ne devrais pas en être choqué.

La dernière fois que je l’ai vu, elle était mineure et bien plus coincée. J’ai encore la vision d’une jeune adolescente qui se cachait derrière son grand frère. Par exemple, Jules ne disait aucun gros mot. Elle refusait de parler de sexe ou même d’en regarder. Elle était très coincée. Contrairement à Louis, qui la faisait passer pour une bonne sœur, je pense que c’était pour se protéger des hommes. Peut-être d’elle-même ! Après tout, elle a peut-être peur de ses envies ?

La barmaid rousse, aux multitudes de taches de rousseur, nous apporte notre commande. Une conversation commence, lancée par Louis, sur les récents événements. Les cambriolages dont nous sommes à l’origine. Une banque, un musée et une bijouterie. Trois lieux qui mériteraient une surveillance renforcée. C’était très facile d’y pénétrer.

Nos amis nous rejoignent. Michael s’installe à côté de Jules et Dimitri à côté de moi. Jules est bloquée entre moi et notre ami, à boire son whisky silencieusement. Il est évident qu’elle est mal à l’aise. Michael ne cesse de balancer des conneries pour la déstabiliser. Ce qui marche. La Community Manager serre son verre entre ses doigts.

Les verres s’enchaînent et les conversations fusent. Louis attire l’attention et Dimitri se contente de boire. Quant à moi, je surveille du coin de l’œil Michael. Ce dernier glisse discrètement de la poudre dans le verre de Jules.

Elle ne voit rien, ses prunelles bleues plongées sur moi. Son attention me touche. Jamais elle ne m’avait fixé avec un air aussi taquin ! Je pourrais en devenir fou et espérer ce regard jusqu’à ma mort.

Mes doigts tapotent ma cuisse. Je croise le regard amusé de Michael et lui en lance un noir. Quand Louis aura compris ce qu’il a fait, il s’en mordra les doigts ! Ses épaules se haussent et il détourne le visage vers Louis, qui continue de parler.

Putain, que dois-je faire ? Et si c’était un test de la part de Louis pour s’assurer qu’on n’interfère pas la vie de sa sœur ? Dois-je stopper l’immonde tentative de Michael ou laisser Jules s’en tirer seule ? Bien sûr qu’il ne continuera pas. Je le connais depuis longtemps. Il se contentera de l’embêter, lui balancer des phrases salaces jusqu’à ce qu’elle se tire.

Ah, si je continue dans cette lancée, peut-être est-ce un moyen pour qu’elle parte ? Mouais, j’en doute. Ce serait trop risqué. Droguée, elle risquerait un accident.

Nous reprenons à boire. Plusieurs fois, allant jusqu’à faire des shots. Même la sœur de Louis participe, à mon plus grand étonnement.

Au bout d’un certain temps, j’entends Michael rigoler comme un con. Le genre de rire qu’il a quand il est ivre et excité. Sa proie n’est d’autres que Jules, sur qui il est penché.

Je tends l’oreille. Ce besoin de la protéger est idiot. Mais Louis voit bien ce qu’il se passe. Il n’est pas dupe, j’imagine donc qu’il est dans le coup. Nous sommes peut-être des délinquants, mais pas des agresseurs ou pire encore. Je ne veux pas avoir ça sur la conscience. Alors, je me dévoue tel un chevalier sur son cheval blanc.

— … petite pipe dans les toilettes ? Je te ferais jo…

Sa main est plaquée sur la cuisse gauche de Jules.

— Arrête, grogne la jeune femme. Je n'ai pas envie ! Puis lâche-moi, merde !

Elle le repousse vivement et Michael revient. Sa main se frôle un chemin jusqu’à sa culotte. Jules s’énerve de plus belle et le pousse.

— Si tu me touches… Je… je te défonce, du con !

Sa menace ne lui fait pas peur. Bien au contraire, il se met à rire, rejoint par Louis. Je suis chamboulé par cette scène. Ce con s’amuse de la situation ? Son pote agresse sa sœur, mais il rigole. L’alcool lui monte trop à la tête.

— Michael arrête, ordonné-je d’une puissante voix. Tu ne vois pas qu’elle a assez bu ? Tu veux quoi ? En profiter ? Laisse tomber, mec.

Michael tire une tête d’un pied de long. Ses traits sont tirés. Il abandonne, sûrement pour cette fois-ci et bois à nouveau. Qu’il ne fasse pas l’homme triste de ne pas avoir eu ce qu’il désirait. Il peut se trouver une nana pour se vider. Ce ne sera tout simplement pas Jules.

Personne ne parle, nous sommes tous concentrés sur nos boissons. Je pose la mienne avec brutalité sur la table et enroule mes doigts autour du poignet de Jules. Je me lève. La jeune femme est contrainte de faire de même, non sans se débattre.

— Elle a besoin de prendre l’air, fais-je. On revient.

Louis m’accorde ce droit d’un mouvement de tête. Nous ne tardons pas à quitter le bar bondé. Jules ne dit rien et me suit docilement. Dehors, l’air me fait un bien fou. J’étouffais sous la chaleur de la salle remplie de personne transpirante.

Mes pas me guident en retrait sur le parking. Nous atteignons un endroit calme. Il n’y a pas beaucoup de lumière, mais ça ne sent pas la clope et la musique est étouffée. Je lâche la main de Jules pour lui faire face. Ses joues sont rosies, mais je lis à ses yeux qu’elle n’est pas bien.

— Vomis, ordonné-je.

Son sourcil s’arque de surprise.

— Heu non…

Elle est exaspérante à ne pas faire ce qu’on lui dit. Louis me l’avait bien remarqué.

— Jules, fais-le. Sinon je vais devoir jouer à l’infirmier et je n’en ai pas envie. Personne ne va t’aider si tu as mal. Fais un effort. Tu iras mieux après.

Son visage se secoue, les traits fermés. Peut-être qu’elle comprendra en lui expliquant la situation ?

— T’as peut-être pas vu, mais Michael a mis un truc dans ton verre quand tu me parlais.

Sa réaction ne se fait pas attendre. Tout son corps se remue de peur. Je la comprends. Apprendre qu’on nous a drogués à des fins malsaines est flippant.

— Au pire, tu mets ton doigt dans ta bouche, continué-je. Sinon tu vas devoir attendre ici pendant deux heures. T’as bien vu Michael, il va encore tenter un truc et je ne serais pas là pour te protéger toute la nuit.

N’en faisant qu’à sa tête, Jules s’adosse au mur. Ses bras sont croisés et son regard est posé sur moi. Je parcours son corps un brin inquiet. Elle doit se demander pourquoi je ne suis pas intervenu avant.

La réponse est simple ; Louis. Il me l’aurait fait payer.

— T’es pas bien là. Bon bah, on va rester jusqu’à ce que tu dessaoules. Tu as bu combien de verres en tout ?

Sa tête se secoue et ses doigts s’étirent devant son visage. Elle compte.

— Pff. J’sais pas moi ! Peut-être une vingtaine ? Plus que le nombre de mes doigts déjà !

Elle est ivre et droguée. Chouette !

Je ne suis pas son père. Elle devrait faire plus attention à elle. Si je n’étais pas venu, Michael n’aurait pas hésité une seule seconde. Et visiblement, ce n’est pas Louis qui l’aurait arrêté.

— T’en manques pas une toi. T’es vraiment un cas à toi toute seule. Je comprends pourquoi Louis te laisse dans la merde maintenant. Il en a ras-le-cul de s’occuper de toi. Faudrait vraiment que tu grandisses. Tu ne pourras pas te comporter comme une gamine toute ta vie !

— Ta gueule, lance-t-elle. Occupe-toi de tes putains d’affaires. Je…

— Bon, ça suffit. Maintenant, tu vas m’écouter que tu le veuilles ou non.

J’attrape son fin menton entre mes doigts et plonge mes pupilles dans les siennes. Ce contact me rend fébrile. Sa peau est douce, chaude. Elle appelle à la caresser, la câliner, l’embrasser… Ma tête s’agite et je reviens péniblement sur terre. Le blanc de ses yeux est bien blanc. Je ne sais pas du tout ce qu’a mis Michael dans son verre et ça m’effraie.

— Je ne vois rien de suspect, déclaré-je soulagé. Vomis, tu iras mieux.

J’entreprends de reculer. Son menton lâché, je n’ai pas le temps de faire un pas en arrière que Jules saisit le col de ma chemise. Ses lèvres se plaquent contre les miennes sauvagement. Ce baiser volé est puissant, somptueux. Il fait battre mon cœur comme jamais auparavant. Je suis électrisé, priant pour qu’on ne soit pas interrompu.

Ses lèvres s’entrouvrent. Son haleine au whisky chatouille mes sens. Je presse ma bouche contre la sienne. J’ai besoin d’elle contre moi. Besoin d’incruster dans ma cervelle la douceur de ses lèvres et l’intensité de notre échange.

Louis. Sa petite sœur. Il va me tuer, putain !

Je m’écarte assez vite. L’erreur est commise. Tout est trop tard. Quand Louis l’apprendra, il me haïra. Peut-être même m’empêchera-t-il de la revoir ? Merde, tout, mais pas ça.

Nos respirations sont courtes et nos poitrines se lèvent vite. Je ne sais plus où me mettre.

— Tu… es sa petite sœur, soufflé-je. Je n’ai pas le droit.

Jules fait un pas en avant, sur la pointe des pieds. Son visage est proche du mien. Je sens son haleine alcoolisée m’aguicher.

— C’est ça qui est excitant, n’est-ce pas ?

Je tremble d’envie. Oui, c’est excitant. Mieux, ou pire, Jules est excitante. Jamais elle n’a été ainsi et j’adore !

Son visage s’approche à nouveau. Je suis cloué au sol, incapable de bouger. Elle parcourt déjà de sa bouche le pourtour de ma mâchoire carrée, déposant des milliers de baisers. Jules a décidé de me rendre fou. Elle va y parvenir ! Ce n’est pas l’envie de la plaquer au mur et de l’embrasser qu’il me manque. Mais plutôt le courage. Pourquoi après tant d’années à s’ignorer, se jette-t-elle sur moi ? Elle ne me connaît pas. Je doute que Louis lui ait parlé de moi comme d’un chevalier servant sur un cheval blanc.

À mon oreille, un baiser humide se perd. J’entrouvre mes lèvres, échappant un grognement. Jules joue à la perfection le rôle de la petite allumeuse. C’est sûrement un coup monté par Louis, pour voir si je craque. Après tout, il a l’habitude de tester ses amis. Et il a bien raison, il vaut mieux s’assurer de leurs loyautés.

Ses dents se referment sur mon lobe. Mon corps répond brutalement en m’arrachant un nouveau grondement rauque.

C’est trop pour moi. Je me dégage en évitant de la regarder. Le risque de commettre une nouvelle erreur est trop important.

— Vomis. Bouge-toi. Ton frère va nous chercher.

Sur ces mots, je m’écarte pour de bons. Mes pas sont rapides et m’emmènent jusqu’à la porte d’entrée. La laisser là et seule est la meilleure idée que je puisse avoir. Sa présence me saccage et me réanime à la fois. L’effet que Jules me fait est troublant. Comme si tous mes organes s’enflammaient et dansaient dans mon corps. Elle va finir par me tuer !

— Léxandre !

Sa voix plaintive me stoppe à vingt mètres de la porte. Mes talons pivotent. A-t-elle besoin d’aide ?

Non.

Jules s’élance à toute allure sur moi. Son corps heurte le mien. Ses bras s’enroulent autour de ma nuque. Tout s’enchaîne très vite. Nos bouches sont encore scellées, mais cette fois, je n’y réponds pas. Mes mains la stoppent pour de bons, la repoussant par les épaules.

J’ai beau me répéter que l’alcool y est pour quelque chose, Jules paraît normal. Enfin excitée, mais pas vraiment défoncée au point de sauter sur le premier mec.

— Qu’est-ce que vous foutez putain ?

Louis. Il hurle ces mots. Je sursaute malgré moi et libère sa sœur.

Nous sommes dans la merde. Je. Suis. Dans. La. Merde.

Si Louis n’a rien ordonné à Jules, il doit la prendre pour la parfaite sœur coincée. Jamais elle n’oserait draguer et embrasser un mec, nan. Alors c’est moi qui vais prendre si les événements passés arrivent à ses oreilles.

Putain. Son mec ! J’avais complètement oublié qu’elle était en couple avec Jordan. Pendant pas moins d’un quart d’heure, elle était comme mienne. Le reste, à part Louis, n’avait pas d’importance. Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’elle trompait son petit-ami. Quelle connasse quand même ! Ivre ou non, ça ne se fait pas.

C’est moi qui dis ça, alors que je baise des femmes qu’intéressées par se faire sauter. Célibataire ou en couple. Vu que c’est des nanas que je ne connais pas, leur statut ne me regarde pas. Là, il s’agit de Jules. Celle qui me rend fou depuis l’adolescence. Celle que je pensais pure et un brin coincée. Pas celle que j’ai sous les yeux, qui vient de tromper son mec.

— Elle a envie de vomir, balancé-je les dents serrées.

Je ne perds pas de temps et file dans le bar. Qu’il se démerde avec sa sœur. Après tout, ce n’est pas mon problème. Moi j’ai juste empêché qu’elle se fasse agresser par Michael.

De retour à l’intérieur, la chaleur étouffante me fait déjà suer. Je sens que la fin de soirée s’annonce lente à mourir. À la table, je constate que Dimitri n’est plus là et que Michael roule une pelle à une inconnue. Cette dernière est sur ses cuisses, roulant son bassin pour le faire bander.

— Y a des hôtels Michael, sifflé-je. Même les chiottes sont plus appropriées. Y a du monde en salle.

Ce dernier lève sa main, dans le dos de sa compagne de nuit et me fait un doigt d’honneur. Je lève les yeux au ciel. Quel crétin, ce type. Il boit comme un trou et baise tout ce qui bouge.

L’inconnue aux cheveux longs et violets ondule de plus belle son bassin. Un gémissement m’étonne. Merde. Ils baisent ici même.

À cette pensée, ma queue se raidit bien malgré moi dans mon pantalon. Il va me donner envie ce con ! Dire qu’un peu plus et c’est Jules que j’aurais prise contre le mur extérieur !

Incorrigible. Je dois oublier cette idée d’être entre ses cuisses une bonne fois pour toutes. Ni sexe ni relation amoureuse ne sont acceptés. Louis a posé les règles dès le début. On ne touche pas Jules.

Et si c’est elle qui nous touche ?

Putain. Elle me rend parano.

Au point que je l’imagine me rejoindre sur cette banquette et rendre jaloux tous les autres types du bar. Mes pensées m’accaparent et ma queue gonfle un peu plus. Elle pourrait remonter le long de ma gorge avec sa langue, avant de la glisser dans ma bouche. Pendant ce temps, je pourrais m’amuser avec son clitoris, déjà humide d’envie. Et glisser mes doigts…

— Putain, Michael ! s’écrit Louis hébété. Va baiser cette pétasse sur le parking ! Pas ici.

Ils me tirent de mes incongrues pensées. Ce qui n’est pas plus mal. Je voyais sa sœur déjà se glisser sur moi.

Michael pousse la nana à la jupe relevée et les cuisses trempées. Debout, il l’attrape par la main et l’invite à sortir. Elle a à peine le temps de s’arranger, qu’il la tire à travers la foule. Plusieurs mecs ont vu ce qu’ils se passaient et ne lâchent pas la femme des yeux.

— Où sont Dimitri et Jules ?

— Elle dégueule dehors et Dimitri est rentré auprès de sa nana.

Super soirée !

Je vais être le seul à ne pas sauter de femme.

Louis passe la main dans ses cheveux blond platine en s’asseyant en face de moi. Ses prunelles azur me scrutent jusqu’à me rendre mal à l’aise. Pendant ces minutes seules avec sa sœur, lui a-t-elle parlé de nos baisers échangés ? Vais-je devoir payer les frais ?

Mon ami ne dit rien. Sa main prend son verre à moitié rempli et le porte à ses lèvres. Le temps passe et personne ne revient. Je ne me sens pas à l’aise. Je viens quand même de trahir notre pacte !

— Qu’est-ce t’as ? T’as envie de baiser ?

Je fais un non de la tête. Enfin, si, en voyant cette nana chevauchant Michael sans gêne. Mais ce n’est pas le plus gros souci. Pour le régler, je me branlerai aux toilettes ou sur le parking. Mais pour Jules, c’est une tout autre histoire.

Mon côté franc a envie de tout dire. Je n’aime pas ce genre de mensonge. Ce n’était rien que des baisers, après tout. Et ils ne venaient pas de moi. Enfin, sauf un.

— Y a Micha qui me perturbe. Il m’a sorti que ta sœur me chauffait et…

Louis lève sa main, demandant le silence. Je m’exécute. Ça sent le roussi !

— Miss coincée ? Quand elle retira son balai du cul, on le saura ! Te fais pas d’idée. Il ne raconte que des conneries.

Il se penche au-dessus de la table, l’air subitement plus menaçant.

— Tu la touches, je te crève.

Je suis un homme mort.

— Nan, ne t’inquiète pas. C’est à cause de Michael. Je voulais ton point de vue.

Louis hoche la tête et se redresse. Je l’ai échappé belle !

— Il a tort. Les seuls trucs qui rentrent en elle sont des tampons et dans sa bouche des fourchettes. N’écoute pas ces conneries. Jules est bien trop coincée pour chauffer le moindre mec ! Alors plus… elle n’a pas le caractère.

J’opine du chef, pas du tout convaincu. J’ai vu une tout autre facette de sa sœur, ce soir. Et elle est bien divertissante. Et aussi dangereuse.

— Tu penses qu’elle est vierge ? Qu’elle et son mec…

— Ouais ! Je te le dis. Elle est tellement coincée qu’elle ne regarde même pas de porno. Alors, se faire sauter…

Ces points n’ont toujours pas changé. C’est fou qu’une jeune femme en découverte de la vie, ne cherche pas à apprendre son corps. C’est même la première chose que tout être humain fait, sauf asexuer.

Mon regard se perd sur la salle bondée. Des inconnus sont assis à des tables et boivent. Quant à d’autres, ils se trémoussent sur la piste de danse comme des endiablés. Toujours pas de Jules à l’horizon. La porte de sortie reste fermée trop longtemps à mon goût.

— Tu la connais bien, ta sœur, dis-je.

Aucun sujet de conversation. J’en profite pour soutirer des informations sur la belle brune aux cheveux courts.

— Notre… mère n’appréciait pas qu’on soit confident. Jules ne pouvait rien lui dire. Alors elle s’est confiée à moi durant son adolescence, avant qu’on aille en prison. Rien de mal.

Oh, je vois d’un œil nouveau leur relation.

Il a été là quand sa mère ne l’était pas. Un grand frère s’occupe rarement des affaires de fille. Parfois, il est même gêné de parler de sexe ou de règle. Là, Louis a pris un rôle de confident, pour épauler sa sœur dans des moments difficiles. Après tout, une adolescente grandit plus vite qu’un adolescent. Poitrine, poils, règles, hormones. Si elle ne peut pas se confier et avoir des informations, elle risque d’être perdue.

Louis m’étonne. Cette nouvelle facette de lui me touche. Je ne le vois plus comme le grand frère je-m’en-foutisme.

— C’est vraiment beau ce que tu as fait pour elle. La relation proche avec sa mère a dû lui manquer… C’est cool que tu sois…

— Était. Elle est grande, je ne suis pas son père.

***

Son corps semble si frêle dans mes bras. J’ai peur de la blesser en la portant jusqu’à mon lit. Jules dort profondément contre moi. Son visage est doux, un léger sourire accroché à ses lèvres. Son rêve doit être bien !

Ça fait bien longtemps que je n’ai pas fait de rêve paisible. Mes nuits sont mouvementées, animées par des cauchemars glauques et sanglants. La cause est très facile à trouver ; mes activités illégales avec mes fidèles amis. Cambriolages, ventes, drogues… Tout y passe.

Au début, c’était pour combler nos impulsions et l’excitation. Nous étions jeunes et avons grandi depuis. Aujourd’hui, c’est comme une profession. Nous baignons dedans depuis des années, qu’il est devenu impossible d’arrêter.

Il n’y a que dans les films où la nana parvient à sauver le mec. Dans la vraie vie, ce n’est qu’un rêve de gonzesse. Aucune n’aurait le cran d’aider un gars aussi écœurant. D’aider un gars qui vole, se drogue et pire encore. Elle se barrait à la première seconde. ! Et je les comprenais tout à fait.

C’est pourquoi je me suis fait à l’idée qu’aucune femme ne partagera ma vie.

L’amour c’est bien, c’est un rêve ultime et inaccessible pour moi.

Alors je prends tout le reste et profite librement. Je me bourre la gueule, couche quand l’opportunité se présente et surtout, je vis. Je vis à fond. J’ai que ça à faire, ça tombe bien. Personne à chouchouter, à embrasser ou cajoler. Non, je suis seul. Très seul. Mais bien. Surtout quand je rentre chez moi, que je n’entends aucun bruit. Que personne ne m’accueille et ne se glisse dans mes bras. Mais je suis bien. Je m’achète ce que je veux, quand je veux. Je n’offre rien, ne reçois rien. Je n’aime pas et ne suis pas aimé.

Mais je suis bien.

Je ris jaune.

Je suis tellement bien, dans mon petit cocon, que je rêve de Jules. En continu. Que je dorme ou non, cette femme me hante. C’est elle que je désire avec moi. Elle pour qui je me battrai jusqu’à y laisser la vie. Je n’aurais peut-être pas le courage d’arrêter mes conneries, mais je pourrais essayer. Pour elle.

Le destin est tellement bien fait, que Jules est là, chez moi. Ivre et endormie dans mes draps. Puisqu’elle était incapable de rentrer chez elle seule.

Elle pourrait se coucher, chaque nuit à mes côtés.

Au lieu de ça, je m’endors seul dans un grand lit froid.

“Tu la touches, je te crève.” a dit Louis.

En plus de notre pacte, je ne suis pas un violeur. Je ne la toucherai pas. Quand bien même elle en aurait envie !

Je sens que je vais m’effondrer dans mon lit et psychoter durant la fin de la nuit ! Voir la jeune femme de mes rêves me monte trop au cerveau. Elle n’est pas à moi. Elle est en couple. Elle est la sœur de Louis.

Et elle est dans mon lit.

Mes mains prennent le bord de ma chemise. Elles le tirent vers le haut. Je suis délesté de ce tissu qui empestait l’alcool et le tabac froid. Ni une ni deux, je me glisse dans mon bas de pyjama. Ça fait un bien fou d’être à l’aise dans un vêtement ample.

Tout doucement, sans faire de bruit, je me glisse sous la couverture. Je ne désire pas réveiller Jules. Elle a besoin de dormir. Ma lampe de chevet éclaire la pièce. Sur mon flanc gauche, le bras sous la tête, je contemple avec attention mon invitée. Elle resplendit. Dire que ses lèvres ont embrassé les miennes et que je ne pourrais plus jamais y goûter !

Mes yeux fatiguent. Je lutte désespérément. Je veux incruster ce merveilleux souvenir dans ma tête à jamais. Demain, elle sortira de ma vie, mais je pourrais revoir son visage paisible quand je me coucherai.

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