IV.
— Infinité d’un ciel étoilé, nullité de nos égoïtés, vacuité déshumanisée, vanités annihilées…
— Pour la dernière fois, ta gueule, Orass !
— Désolé, Cook, mais l’alcool ! Le danger ! Les seins de Tina ! Tout ça ! Suis à bout, moi…
De minuscules larmes coulent sur le visage du Docteur Mandra.
Presque deux heures se sont écoulées depuis l’explosion de la Plume de Feu.
Tina est affalée dans un coin (!) de la sphère de survie. Un sourire extatique sur ses lèvres gourmandes, elle cuve paisiblement les cinq grandes goulées de whisky qu’elle a avalées.
Quant à Orass, il tourne en rond, sur et autour de lui-même, parle, déclame, s’enflamme, il encense d’abord le cul de Tina, splendide fessier généreux, tendre douceur, adorable moiteur, puis les seins de Tina, mirobolantes rondeurs, il enchaîne sur le sublime génome de l’Octopus Bimaculoides et les abyssaux abysses d’Ocean, sur les nouveaux projets secrets d’Ephraim the Boss, et voilà enfin qu’il bascule dans la poésie métaphysique.
C’en est trop pour notre mercenaire : Cook se fait menaçant, orageant. Il sent les fourmillements d’une mauvaise humeur néfaste lui titiller les synapses. Comprenez-le : il n’a plus une seule goutte de Single Malt, sa Plume de Feu est partie en feu, enfer, la ravissante Tina ronfle la bouche entrouverte, quant à Orass, il pleure en disant qu’il voulait être poète et pas docteur, sans compter le Cam qui devrait être arrivé depuis plus de quarante mins… Cela commence à faire beaucoup de contrariétés.
Heureusement, David Cook Bastos n’est pas un brave pour rien. Il sort son poignard ionique et se nettoie les dents.
Une voix surgie de l’intertranspondeur interrompt ce bref moment de tranquillité.
— Allo, les poussins, ça y est, enfin, ouf, je vous ai repérés, j’enclenche la manœuvre de récupération.
C’est Camille Mordom et son vaisseau, La Casserole !
Une fois intégrés dans la navette de l'associé de Bastos, les trois rescapés désactivent l’atmosphère protectrice de la sphère protectriciale.
— Content de te voir, Cam !
— C’est rien, Cook, je passais par là. Salut Tina. Salut Orass.
— Ô Cam, ô toi, ce héros au sourire si doux, dis-moi ô Cam, quand reverrai-je, hélas, de mon petit village fumer la cheminée, et en quelle saison reverrai-je le clos de ma pauvre maison ?
— Ta gueule !!! Oraaaass !!!
— Pardon, Cook ! Ô ami Cook, couroucoucouk, pourras-tu me pardonner, mon âme ensanglottée te prie de l’excuser. Le pardon est don d’amour pour celui qui sait aimer.
— Eh ben, dis donc, Cook, qu’est-ce qui lui arrive au Docteur Maboul ?
— Single Malt.
Et c’est à ce moment précis que la somptueuse et fastueuse Tina éructe, un rot faramineux, un renvoi ogresque.
Je sais, ça ne vole pas haut dans les étoiles. Et comme le disait ce cher Emmanuel Kant : « Deux choses remplissent l’esprit d’admiration et de crainte incessantes : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. »
Le triste Cam, lui, en tous cas, trouve cela drôle et éclate d’un franc rire, un rire qui tonitrue l’espace, un rire rugissant, contagieux qui s’en vient secouer la carcasse coriace de David Cook Bastos. Cam et David gloussent comme deux poules heureuses.
— Au fait, David, que s’est-il passé ? Pourquoi ta Plume a explosé ?
— Aucune idée… Mais si tu veux mon idée…, c’est du sabotage.
— Naaaan !
— Siiii !!!
— Putain de cons de pirates.
— Ouais.
— On ne laissera pas ce crime impuni !
— Oh ça non !
— On leur fera payer !
— Oh ça oui !
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