Elfialys s'enfonça prudemment et doucement dans la forêt, la faim lui tenaillant l'estomac.

Cette forêt paraissait sombre et humide, un silence total y régnait. Pas un chant d'oiseau, pas un bruissement de feuille n'atteignaient les oreilles fines et pointues de la jeune affamée. Ce lieu sylvestre avait l'air malade, mort. Mais, au loin, une lumière faible, blanche et pure, telle la lumière des étoiles, encouragea notre héroïne à avancer.

Les ronces déchiraient ses habits, lui griffaient le visage mais elle continua et, peu à peu, le chemin devint plus praticable. Une lumière douce commença à traverser les arbres et le chant mélodieux des oiseaux à se faire entendre. La lumière dans le lointain grandissait peu à peu et guidait les pas,de notre courageuse voyageuse.

Quand elle arriva dans une clairière lumineuse, elle fut subjuguée : le ciel était constellé d'une infinité d'étoiles ainsi que de la lune lumineuse et bienveillante, toutes dardaient leurs doux rayons sur ce lieu mystérieux, y apportant un air irréel... magique... Mais ce qui frappa le plus Elfialys fut l'arche : dans cette clairière les arbres se courbaient en une splendide arche d'où sortait la lumière vue au loin, puissante, presque aveuglante, comme si elle était composée de toutes les étoiles de l'Univers.

Elle l'avait fait. Elfialys avait réussi à traverser ce trou noir pour arriver à ces mondes : elle avait atteint les Alfiringâdaurial !

Elle s'avança vers l'arche et passa une main au travers... À peine sa main était-elle entrée en contact avec la source lumineuse qu'une force surnaturelle la repoussa en arrière.

Elle s'écroula au sol et, sentant un regard pesant chargé de haine mais également curieux et suspicieux posé sur elle, la jeune elfe se retourna brusquement et fit face à un être terrifiant.

Il faisait environ trois mètres haut. Ses yeux étaient immenses, sans pupilles, passant du rouge au doré comme s'ils n'étaient que deux flammes incandescentes. Il était entouré d'un halo de lumière sombre, comme si toute la moirceur du monde était réunie en lui, et son ombre impressionnante refléait les pires fléaux et malheurs qu'il puisse exister. On ne pouvait distinguer ni son corps, ni son visage, seulement ses yeux flamboyants. Il paraissait cruel et impitoyable.
C'était le gardien du portail, créé par les Candhûnlia des millions d'années auparavant pour protéger l'accès aux Alfiringâdaurial, ces mondes de lumière où seuls les instruits peuvent pénétrer.

Tremblante de peur, morte de faim, notre jeune elfe banda son arc et dirigea une flèche vers le monstre. La flèche, une fois décochée, siffla dans l'air mais avant qu'elle put atteindre sa cible, elle fut détuite en poussière par un simple léger mouvement du monstre !

Voyant sa flèche détruite sans même avoir atteint la créature, Elfialys lança une de ses dagues en direction de cet être terrifiant qui la fit disparaître de la même façon.

Cette jeune combattante comprit que ses armes étaient impuissantes face à ce terrible être et qu'elle allait devoir ruser pour accéder à l'arche. Mieux valait douceur et sagesse que force et rage.

Elle regardait le monstre avec des yeux terrifiés quand celui-ci prit la parole d'une voix terrible et puissante :

- Étangère venue de loin, qui êtes-vous pour oser traverser le portail d'accès aux Alfiringâdaurial ?

- Mon nom est Elfialys Sapientialys, monstre des ténèbres, répondit-elle d'une voix qu'elle essayait de rendre déterminée, et je désire aller aux Alfiringâdaurial pour explorer ce monde dont la légende est connue de tous. Je suis affamée et je désire également trouver un lieu hospitalier où je pourrais me reposer et me ravitailler, compléta-t-elle, le cœur battant à toute allure.

-  Et vous croyez pouvoir passer ainsi ? On ne rentre pas si facilement dans ces mondes où la  lumière et el savoir sont immenses et brillants. Donc n'essayez pas de pénétrer l'arche car... VOUS NE PASSEREZ PAS !

Elfialys, qui avait fait un long voyage et qui était à bout de force, demanda poliment au monstre :

- Sire, n'y a-t-il vraiment aucune chance pour moi de passer ? j'ai fait un long chemin et je souhaite ne pas l'avoir fait pour rien.

- Croyez-moi, vous n'êtes pas venue pour rien. Vous serez certainement un délice lorsque je vous aurais fait rôtir.

Elfialys frissonna à ces paroles.

- Mais, reprit lentement le monstre, mais il y a en effet un unique moyen pour vous de passer. Si vous arrivez à répondre à toutes les questions que je vais vous poser, vous serez digne de traverser l'arche. Mais si vous échouez, je vous dévorrerai et détruirai votre monde, déclara-t-il d'une voix redoutable. 

Elfialys réfléchissait à toute allure : soit elle essayait et si elle échouait se faisait dévorer et risquait la destruction de son monde mais, si elle réussissait pouvait accéder aux Alfiringâdaurial, soit elle déclinait l'offre et se faisait dévorer. Elle opta pour la première solution et l'annonça au monstre. Après tout, n'avait-elle pas été nommée la personne la plus brillante de sa génération ? Et qui ne tente rien n'a rien ! Le monstre la regarda abasourdi puis posa ses questions.

Une par une, Elfialys réussit toutes les questions, chaque réussite animant en elle une lueur d'espoir. Ce test aurait pu encore continuer des heures et des heures mais le gardien s'exclama :

- Pourquoi n'ai-je plus de questions ?

Face à cette dernière question, la jeune elfe qui ne savait que dire, finit finalement par répondre :

- À toutes questions j'ai répondu. De la plus élémentaire à la plus complexe j'ai réussi. Aucune questions ne vous vient à l'esprit car inconsciamment vous savez que je suis digne de traverser l'arche. Il est désormais temps de me laisser passer.

Le monstre lui céda le passage tout en se remémorant ce que lui avaient dit les Candhûnlia avant de disparaître : 

"- Un jour viendra où une personne pourra pénétrer l'arche. Cette personne ne ressemblera à aucune autre, comme si elle faisait partie d'une espèce inconnue. Chasse les ténèbres qui essayeront de l'envehir lors de son passage jusqu'à notre monde car elle seule en est capable."

Capable de quoi ? Personne ne le savait sauf les Candhûnlia. Le monstre se demandait : si c'était elle ?

Pendant ce temps, Elfialys réunissait ses dernières forces physiques pour ce tenir sur ses faibles jambes. Elle allait traverser l'arche mais le gardien l'arrêta et lui donna du pain de route elfique qu'elle s'empressa d'avaler ainsi qu'une fiole d'eau aux vertues inconnues qu'elle vida d'un trait. Rassasiée, elle pénétra dans la lumière puissante, se sentit tomber et... plus rien. Elfialys avait disparu dans ce gouffre de lumière. 

Était-elle toujours vivante ?