Chapitre 13
Les amis sont ceux qui savent tout de toi et qui t'aiment quand même. — The Sandlot (1993)
Cela faisait plusieurs jours qu'Aella évitait Amiel. Depuis leur dernière rencontre nocturne, une sorte de malaise s’était installé en elle, une gêne inexplicable. Elle ne pouvait pas se l’expliquer, mais chaque fois qu’elle croisait son regard vert pénétrant, ses pensées devenaient floues, comme si un voile s’était installé sur ses émotions. La solution la plus simple semblait être d’éviter toute confrontation, même si elle savait que c’était ridicule. Après tout, elle était à l’université, et il n’était qu’un simple camarade parmi d’autres.
Assise sous leur arbre habituel dans le parc de l’université, Aella semblait perdue dans ses pensées. Elle avait les genoux repliés contre sa poitrine, et ses yeux étaient vagues, fixant sans vraiment voir le paysage qui s'étendait devant elle. Savannah et Mathéo étaient là, discutant nonchalamment d’une fête qui se profilait à l’horizon, mais Aella n'y participait pas. Elle les entendait, mais leur conversation semblait lointaine, comme un écho lointain.
Savannah, en revanche, n’était pas dupe. Après plusieurs minutes à l'observer silencieusement, elle plissa les yeux, son sourire amusé se faisant plus prononcé.
— Aella, qu’est-ce qui ne va pas ? Ça fait des jours que tu agis... bizarrement.
Aella redressa la tête d’un coup, comme si elle venait de se réveiller. Elle esquissa un sourire faible, tentant de masquer la confusion qui l’envahissait.
— Quoi ? Non, rien du tout. Je suis juste fatiguée, je suppose, répondit-elle d’un ton qui manquait de conviction.
Savannah ne sembla pas convaincue. Elle se tourna davantage vers elle, ses yeux pétillants de curiosité.
— Fatiguée, vraiment ? Ou bien tu évites quelqu’un ?
Le cœur d’Aella fit un bond dans sa poitrine, et elle joua nerveusement avec une mèche de ses cheveux bouclés. Elle baissa les yeux pour éviter de croiser le regard de son amie, mais c'était trop tard. Savannah avait déjà vu au-delà des apparences.
— Ce n’est pas vrai, marmonna Aella, peu convaincante, sa voix trahissant son malaise.
Savannah se pencha un peu plus près d’elle, un sourire en coin, comme si elle venait de découvrir un secret inavoué.
— Allez, dis-le-moi. Tu évites Amiel, pas vrai ?
Le nom d'Amiel, prononcé ainsi, fit vibrer l’air autour d'elle. Aella rougit brusquement et écarquilla les yeux, surprise par la précision de l’observation de Savannah. Elle tenta de réagir, mais Savannah n'attendit pas qu'elle trouve ses mots.
— Je t’ai vue le regarder à la soirée caritative. Ce type a un certain... charisme, on va dire. Et devine quoi ? Il est aussi dans notre université.
Mathéo, qui jusque-là semblait absorbé par son téléphone, leva les yeux et fronça les sourcils en entendant le nom.
— Amiel ? Attends, c’est le type que t’as fixé dans l’amphithéâtre l’autre jour ? demanda-t-il, visiblement curieux, un brin taquin.
Aella secoua la tête rapidement, son visage se fermant un peu plus à chaque seconde qui passait. Elle se sentait piégée, mais elle n’avait pas envie d'en parler.
— Non, c’est... personne. Juste un gars comme les autres, répondit-elle, espérant balayer le sujet d’un revers de main.
Mais Savannah, comme à son habitude, ne se laissa pas faire. Elle tourna alors son regard vers Mathéo, un petit sourire malicieux sur les lèvres.
— Pas du tout. Amiel Khalis est loin d’être "un gars comme les autres". Je te l’ai déjà dit, je l’ai vu à cette soirée. Il dégage quelque chose de spécial. Tu vois le genre ?
Mathéo roula des yeux, manifestement agacé par l'entêtement de Savannah, mais aussi un peu moqueur.
— Ouais, ouais... encore un autre type mystérieux qui rend toutes les filles dingues, j’imagine, dit-il d’un ton sarcastique, mais avec une pointe d’amusement.
Savannah leva les yeux au ciel, mais ne lâcha pas l’affaire. Elle savait qu'elle tenait quelque chose.
— Pas juste les filles. Ce genre de gars... tout le monde le remarque, même toi, répliqua-t-elle, en jetant un regard entendu à Aella.
Mathéo haussait les épaules, mais il ne pouvait s’empêcher de laisser échapper un léger sourire en coin.
— Tu parles de ce gars comme si c’était un prince ou je sais pas quoi. Mais, sincèrement, Aella, c’est juste un type.
Aella sentit ses joues rougir, et la chaleur de l’embarras monta en elle. C’était la dernière chose dont elle avait envie de parler, surtout maintenant. Mais Savannah, apparemment, était en mission et n'était pas prête à la laisser s’échapper aussi facilement.
— Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Toi aussi tu as remarqué, hein ? lança-t-elle, un air complice dans les yeux.
Avant même qu’Aella ne puisse répondre, Mathéo se redressa brusquement, son expression plus sérieuse.
— D’accord, je ne sais pas ce qu’il a de spécial, mais ce qui m'importe, c’est si toi, tu vas bien, Aella, dit-il, sa voix plus douce maintenant. Je sais que t’as traversé des trucs difficiles... avec ta santé.
Savannah lui lança un regard furtif, visiblement gênée par cette allusion et lui donna un léger coup de coude.
— Mathéo... dit-elle d’un ton bas, presque réprimandant, comme pour lui rappeler d’être plus délicat.
Aella se raidit, une ombre de malaise traversant son visage. Elle détourna les yeux, son sourire maintenant absent. Mathéo s’en aperçut immédiatement et chercha à apaiser l’atmosphère.
— Écoute, je suis désolé si j’ai été un peu lourd. C’est juste que... je m’inquiète pour toi. Je veux pas que tu te prennes la tête avec des trucs inutiles, ajouta-t-il, avec un ton plus calme.
Savannah lui adressa un sourire doux, reconnaissante de son geste, puis se tourna vers Aella.
— Il a raison, Aella. On tient à toi, on veut juste être sûrs que tu vas bien.
Mathéo hocha la tête avec un sourire plus léger.
— Pour te détendre, tu devrais venir à la fête ce week-end. Ça te changera les idées, suggéra-t-il d'un air jovial.
Savannah s’illumina aussitôt, sautant sur l’occasion.
— Oui ! Ce serait génial de passer un bon moment ensemble. Juste nous trois, comme au bon vieux temps.
Aella hésita un moment, son regard glissant entre ses deux amis. Elle savait qu'ils avaient raison. Elle avait besoin de se changer les idées, mais l’idée de croiser Amiel à la fête la retenait encore. Pourtant, elle ne pouvait ignorer la gentillesse et l’insistance de ses amis. Finalement, elle céda, son sourire timide éclairant son visage.
— Bon, d'accord. Mais je ne reste pas longtemps, finit-elle par dire, soulagée de pouvoir enfin passer à autre chose.
Savannah applaudit joyeusement.
— Super ! On va bien s'amuser, tu verras. Ce sera top.
Mathéo sourit aussi, heureux d’avoir convaincu Aella. Elle était du genre assez butée, têtue comme un âne s'il fallait le dire.
— On te récupère chez toi, alors ? demanda-t-il, l’air un peu moqueur, comme pour alléger la situation.
Aella acquiesça doucement, un sourire sincère éclairant enfin son visage. Elle se sentit un peu plus légère, comme si ses amis étaient un ancrage solide au milieu de ce tourbillon d’émotions. Alors que la conversation dérivait sur les détails pratiques de la fête, Aella se dit qu'elle pourrait bien s'en sortir, surtout si elle avait des alliés comme eux à ses côtés.
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