4. "Je n'ai qu'une seule envie. Me laisser tenter..." P. L.
Emma
« Nous étions enfin chez mes chers et tendres grands-parents. Je n'aimais pas du tout passer le week-end chez eux, à tous les coups je m'ennuiais à mourir. Et la seule occupation que nous avions était le Scrable. Palpitant n'est-ce pas ? Et en plus de cela les grands-parents gagnaient toujours ! Forcément, ils n'avaient que ça à faire... Ah non ! Pardonnez-moi, parfois nous allions dire bonjour aux quelques vaches du coin. Enfin bon, vous l'avez compris, là-bas bas, c'est l'éclate totale !
Après avoir dit bonjour à mes grands-parents, j'allais m'affaler dans le canapé, comme à mon habitude, sans un mot.
- Emma ! Essaye de faire au moins semblant d'être contente d'être ici ! gronda ma mère.
J'étirais d'un coup mes lèvres, dévoilant la totalité de ma dentition dans un sourire à peine forcé.
Je sentais mon portable vibrer dans ma poche. Je le pris aussi tôt et vis un numéro que je ne connaissais pas. Aurais-je passé mon numéro à certaines personnes inconnues lors de cette soirée arrosée ? Dans l'état dans lequel j'étais, ça ne m'aurait pas étonné.
C'était quelqu'un qui m'invitait à une fête ce soir, m'expliquant qu'il y aurait « tout ce qu'il faut pour passer une bonne soirée ». La poisse ! Et moi qui était bloquée dans ce trou à rat !
Je repensais alors à Tony. Son sourire séduisant, sa voix sensuelle, ses mains... Sa drogue. Quelle merveille ! Je partais alors dans mes rêveries tandis que quelqu'un me parlait. Il me semblait que c'était ma grand-mère mais je ne percevais pas ce qu'elle me demandais, trop préoccupée par cette poudre envoutante qui monopolisait mon esprit. Lorsque je revins enfin à moi je compris que l'on me parlait de la rentrée : comment je sentais cette année de terminale avec le BAC à la clé, étais-je prête, etc... Je n'y pensais même plus ! Je sentis alors mon cœur accélérer, ma gorge se serrer. J'avais de plus en plus de mal à respirer et je ne comprenais même pas ce qui m'arrivait. Jamais auparavant je ne m'étais mise dans cet état lorsqu'on me parlait du lycée. Ma mère m'allongea sur la canapé et me conseilla d'inspirer et d'expirer calmement.
J'arrivais tout de même à me calmer après quelque minutes.
- Je pense que nous allons éviter d'évoquer ce sujet maintenant. Les épreuves sont dans plus de 10 mois et je suis sur qu'Emma est bien organisée pour tout réussir. Elle a bossé toute l'année dernière et a réussi à obtenir des points d'avance en français et en maths, dit mon père en me frottant les cheveux d'un geste vif.
Il savait que je détestais ça ! Je le fusillais du regard avant de remettre mes cheveux en ordre. Mais je le remerciais aussi pour ce court monologue qui me mettais en valeur en rappelant que mon bac de 1ere s'était déroulé à merveille.
J'avais bossé toute l'année dernière, oui. Mais si j'étais prête... Est-on vraiment prêt pour ce genre de chose ? Un diplôme, qui te permet d'accéder à une université et de poursuivre tes rêves. J'avais en effet prévu de m'inscrire dans une école de journalisme après le bac. J'avais toujours voulu faire cela. J'espérais secrètement rencontrer des personnalités que j'idolatrais. C'était vrai que la perspective du diplôme commençait à m'angoisser un peu, je ne me sentais pas prête du tout.
Je regardais mon frère s'amuser avec tout ce qui lui passait sous la main. Il était plein de joie de vivre, il adorait mes grands-parents. Chaque week-end il était surexcité à l'idée d'aller chez eux. Je le voyais leur montrer les nouvelles figures qu'il avait appris à la baby-gym. Je me souvins de moi au même âge. La belle vie, sans soucis. L'innocence à l'état pure. On ne se doute pas à cet âge de ce qui nous attend plus tard. Et les adultes se tiennent bien de nous prévenir. Eux préfèrent nous protéger au contraire, en se disant qu'on aura bien le temps pour toutes ces choses qui font la vie d'une personne. Ma mère ne m'engueulait pas à chaque fois que je faisais une chose de travers, mon père prenait soin de moi, comme de la prunelle de ses yeux. Et même si ma mère avait dû arrêter sa carrière de danseuse à cause de moi je ne l'avais jamais ressentis. Mais aujourd'hui ce n'était plus la même chose entre nous... J'avais l'impression qu'elle me considérait déjà comme une adulte. D'un côté ce n'était peut être pas plus mal, j'avais beaucoup plus d'indépendance que d'autres ados. Mais parfois la complicité qu'on avait autrefois venait à me manquer. Peut être était-ce moi qui changeais sans m'en rendre compte. Peut être devrais-je lui raconter ce que j'ai fait à la soirée... non, elle ne comprendrait pas.
- Emma ! On fait l'avion ?! S'exclamait mon frère en accourant vers moi.
Il était tellement craquant avec sa petite bouille de bébé. Eh oui ! Pour moi c'était toujours un bébé du haut de ses six ans. Mais il grandissait si vite !
Il adorait ça quand je le faisais voler. Mes parents eux n'étaient pas rassurés de peur que Lucas ne m'échappe des bras.
Je me levais du canapé, geste qui transforma vite mon frère en petite sauterelle. J'adorais lui faire plaisir. Je ne pouvais jamais lui résister. Et puis jouer avec lui ferait peut être passer le week-end plus vite.
Ce soir-là je n'arrivais pas à m'endormir. Ma tête était pleine à craquer d'image de ma dernière soirée. Et chaque fois que je fermais les yeux, je me sentais partir vers l'avant pour reprendre de cette petite merveille. Et chaque fois, je me faisais sursauter, en âge.
J'avais peur. De quoi ? Je n'en savais rien. Peut-être de moi. C'était assez effrayant de se dire que l'on pouvait se faire peur soi-même. Je me sentais faible. J'avais peur de succomber à nouveau à la tentation. J'en avais tellement envie... Elle m'avait permis de m'éclater comme jamais hier. Elle avait lever toutes mes inhibitions. EN trois minutes à peine, j'étais devenue une autre personne, beaucoup plus sûre d'elle. C'était comme si elle avait amélioré toutes mes capacités...
Mais je ne voulais en aucun cas décevoir mes parents. Ni mes amis. Mais serais-je assez forte ? Je ne le croyais pas. J'allais succomber à la faciliter, je le savais, je l'avais toujours fait. Je ne me battais même pas contre ce désir grandissant d'en sniffer une petite. On dit toujours un dernier verre pour la route, pourquoi ne pourrais-je pas dire « une dernière ligne pour le plaisir » ?
Les tic toc insolents de l'horloge résonnaient dans la pièce. Je regardais la pendule accrochée sur le mur face au lit et à mon grand désespoir je découvrais que ça ne faisait que cinq petites minutes que je me torturais l'esprit avec toutes ces réflexions. C'est fou comme à ce moment précis je trouvais que les minutes étaient interminables, pire qu'en journée ! Pour me consoler, je comptais les heures qui me séparaient du moment où je monterai dans la voiture pour rentrer chez moi : plus que quatorze heures...
Je pensais alors au rêve que j'avais fait dans la voiture. Ce beau jeune homme qui m'était familier, qui était-il ? Je fermais à nouveau les yeux et tentais de me redessiner son visage... Il était grand, les cheveux noirs mi-longs... Pas moyen de mettre un nom dessus ! Je nous revoyais dans ce champ de blé, à l'aube. On avait l'air bien ensemble. Je m'imaginais tenir sa main fermement comme s'il devait partir d'une minute à l'autre. On courrait dans le champ quand soudain il me stoppa. Il m'attira à lui me collant à son torse tandis que j'entourais sa nuque de mes bras menus. Nous nous souriions, mes yeux pétillaient de bonheur. C'était un rêve, je le savais, mais je me sentais tellement bien, comme apaisée. J'avais vraiment cette sensation de réalité. Je ne voulais en aucun cas me réveiller, mais c'était sans compter sur mon petit frère chéri...
- Emma, j'ai envie de faire pipi, me murmura une voix enfantine à l'oreille.
- Mmh... Lucas, laisse moi, grognais-je en me tournant dos à lui mettant mon coussin sur ma tête.
Mon petit frère me secoua avec peu de délicatesse malgré ses petits bras, dans l'espoir que je me réveille.
J'avais oublié qu'il y avait un monde bien réel en dehors de mon champ de blé et de l'homme idéal. Et dans ce monde réel plein d'imperfection il y avait mon frère. Et bien entendu, c'était ma chambre la plus proche de la sienne ! Et mes parents lui avaient assez répété que s'il avait une envie pressante durant la nuit, il devait venir me voir. Ça les arrangeait bien eux ! On ne me laissera donc jamais embrasser un homme dans cette famille ? Même pas en rêve ?!
Je me levais, les yeux à moitié clos, et emmenais mon frère aux toilettes. Il savait très bien se débrouiller sans moi, sauf que Monsieur avait peur du noir et que les interrupteurs étaient un chouilla trop haut pour lui. Je dirais à ma mère de faire plus de soupe, ça le fera grandir !
Une fois qu'il eu fini, j'allais le recoucher, le border et il se rendormit aussi vite qu'il m'avait réveillé. J'allais à mon tour me recoucher dans l'espoir de retrouver mon homme parfait lorsque je fermerai les yeux, mais ce fut impossible de me rendormir... Et là ! Au plus profond de moi, je maudissais Lucas et ses envies pressantes !
Je me remis alors à contempler la pendule. C'était une chose tellement passionnante qu'elle me tint éveillé encore un bon moment.
Lorsque je retrouvais mes parents au réveil ils me firent remarquer mon teint trop pâle et mes yeux pas bien ouverts. Je répliquais alors assez sèchement que s'ils s'occupaient un peu mieux de leur fils peut être que j'arriverais à faire une nuit complète. Je regrettais mes paroles presque aussi tôt et m'excusais lorsque je les vis dans l'incompréhension totale et qu'un silence pesant s'abatit dans la pièce. Seul le bruit agaçant du piaffement de mes grands-parents se fit entendre. Je ne comprenais pas moi-même pourquoi j'avais réagit comme ça. Ils avaient juste fait une remarque, et vraie en plus ! Peut être le manque de sommeil... »
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