1. "LE SEUL MOYEN DE SE DÉLIVRER DE LA TENTATION, C'EST D'Y CÉDER." O.W
Emma
Il y avait une fête ce soir-là, chez un garçon populaire du lycée.
J'entrais en terminal littéraire. Dernière année de lycée. Cette soirée était réservée aux nouveaux arrivants en Terminal, toutes filières confondues, afin de célébrer le début de cette dernière année. Mes meilleures amies, Julie, Leatitia, Jess et Mélanie m'ont supplié pour que j'accepte d'y aller. Je les côtoyais toutes depuis ma plus tendre enfance, on se connaissait donc par cœur elles et moi, et je ne leur cachais jamais rien. Toutes les quatre avaient appris à se connaître au fil des années, à force de se croiser à mes anniversaires et mes soirées. Elles savaient que je n'aimais pas trop ces fêtes, il y en avait toujours qui finissait plus que bourrés et qu'il fallait trainer jusqu'à chez eux. Mais bon, c'était ma dernière année au lycée, je n'avais jamais rien fait d'extravagant dans ma petite vie d'ado, alors j'ai accepté.
- Maman ! Je vais à une fête ce soir avec les filles, dis-je furtivement en empruntant le couloir menant à ma chambre.
Elle connaissait mes amies depuis aussi longtemps que moi, elle savait qu'elles n'étaient pas des filles à problèmes, comme moi. Ma mère nous faisait confiance, mais comme toute maman aurait certainement fait, elle m'arrêta en se mettant face à moi, bras croisés, et prenant son air le plus sérieux. Tout comme elle, je croisai les bras sur ma poitrine et la fixai, soutenant son regard.Tenir tête à ma mère était une chose que je n'avais encore jamais fait. Surement l'adolescence... Eh oui, ma chère maman venait de s'apercevoir que j'étais une adolescente comme les autres qui aimait faire face à ses parents.
- C'est quoi cette fête ?
Je lâchai un soupir assez bruyant et continuai de la fixer.
- Une soirée pour lancer le début de l'année entre potes, on ne sera pas nombreux, finissais-je levant les yeux au plafond.
L'agent de la série Lie To Me aurait tout de suite vu que j'arrangeais la vérité. Mais ma mère ne broncha pas et accepta. Je savais qu'elle n'était pas stupide et qu'elle savait très bien que je ne disais pas la vérité. Mais elle préférait surement se dire que sa petite fille chérie était encore sage comme une image.
Il était dix-huit heures. J'avais rendez-vous avec les filles à dix-neuf heures trente. Je pris une douche vite fait puis m'habillai en vitesse.
Je n'ai jamais été douée pour être à l'heure aux rendez-vous. Sauf le jour de ma naissance où je suis même arrivée en avance par rapport à la date prévue. Depuis j'arrive toujours en dernier. Et c'est encore ce qui allait m'arriver si je n'arrêtais pas de rêvasser.
J'enfilai un mini short en jean et un haut assez décolleté, blanc. Il était plutôt long et cachait le short, si bien qu'on aurait dit que je ne portais rien en bas. J'ouvris mon placard où je stockais toutes mes chaussures et me décidai pour des jolis escarpins blancs à hauts talons qui montaient jusqu'aux chevilles et ouverts sur le dessus. Je me regardai une dernière fois dans le miroir et, satisfaite de ce que je voyais, j'attrapai mon sac et me dirigeai vers la sortie. Heureusement, ma mère n'était plus là, elle m'aurait surement trouvée vulgaire. Ce n'était pas dans mon habitude de m'habiller ainsi, j'étais d'ailleurs plutôt du genre à critiquer ce genre de fille. Mais je ne sais pourquoi, ce soir, j'avais envie de donner une autre image de moi, je n'avais plus envie de passer pour la petite fille à papa.
Je retrouvai les filles à l'endroit prévu, et à peine étais-je à leur hauteur que je me prenais déjà une remarque :
- Toujours la même qu'on attend, me sortit Jess en souriant.
Toutes les cinq, telles les drôles de dames, nous dirigions d'un même pas vers la demeure où tous les interdits disparaissaient. Nous n'avions même pas encore ouvert le portail que la musique assourdissante nous parvenait déjà. Un mec sortit de la maison, titubant, un verre à la main. Il était mort de rire pour une raison que seul lui pouvait connaître et se dirigeait vers nous.
- Ah ! Voilà les plus belles ! S'exclama-t-il en nous ouvrant le portail avec beaucoup, beaucoup de difficultés.
Alors soit la fête avait commencé trois heures plus tôt pour lui soit il tenait extrêmement mal l'alcool. J'optais pour les deux solutions à la fois lorsqu'il se pencha sur moi pour me faire la bise et que je pouvais presque faire la liste de tout ce qu'il avait ingurgité. Je retenais ma respiration tout en lui embrassant les deux joues, me disant qu'on ne le connaissait même pas.
Il nous guida jusqu'à l'entrée, ou bien nous qui le guidions...
Nous avions à peine passé un orteil dans le hall qu'on se faisait déjà bousculer de toute part. C'était incroyable le monde qu'il y avait ! Il y aurait eu la moitié du lycée que ça ne m'aurait pas étonné.
Un nouveau garçon, toujours inconnu au bataillon, vint nous accoster. La différence avec l'autre était que lui était encore sobre. Ou alors il tenait beaucoup mieux l'alcool.
- Eh les filles ! Je m'appelle Tony, dit-il en nous faisant la bise à toutes les cinq.
Il était plutôt grand, peut être aux alentours d'un mètre quatre-vingt. Sa chemise blanche mouillée de transpiration me laissait imaginée un torse assez musclé et son jean légèrement baissé me permettait d'entrevoir un joli fessier. Côté visage il était plutôt carré habillé d'un petit bouc naissant assorti à ses cheveux noirs. Ses yeux étaient azurs, rappelant la mer et assez grands, ornés de longs cils. Ses sourcils étaient extrêmement fins, aussi fins que les miens lorsque je pensais à les épiler. Il avait un nez plutôt long mais pas très épais et ses deux fines lèvres devaient envouter n'importe quelle fille.
Je le fixais longuement, comme envoûtée, avant de présenter à mon tour mes amies. Il nous proposa ensuite de le suivre jusqu'au bar. Nous arrivions ainsi dans une grande salle où tous les jeunes dansaient. D'autres se dissimulaient dans des petits coins pour s'embrasser à pleine bouche, se toucher, et plus si affinité. Une longue table recouverte d'une nappe blanche en papier, elle-même cachée par les verres et assiettes en plastique et des bouteilles, était placée près d'un mur de sorte à prendre le moins de place possible. Deux, trois jeunes se trouvaient derrière et faisaient le service.
- Et voilà mesdemoiselles, annonça Tony tout sourire avant de nous quitter pour aller danser.
En tout cas, il y avait une très bonne organisation ! Je n'avais toujours pas vu la personne chez qui nous étions, mais il faudrait penser à le remercier pour cette soirée si bien préparée.
Malgré ça je ne me sentais pas vraiment à l'aise ici. Les filles par contre s'empressèrent de se faire servir un verre et d'aller montrer leurs talents de danseuses sur la piste. Elles avaient toujours été plus extraverties que moi. C'est pour cela qu'elles étaient mes meilleures amies : j'aimais penser que toutes les cinq nous nous complétions. Chacune apportait aux autres quelque chose de sa personnalité essentielle à notre équilibre.
Pour ma part, j'avais envie ce soir de changer mon image de fille coincée, mais je n'arrivais pas à passer le cap d'aller danser. Peut-être qu'après quelques verres cela serait plus simple. Je préférais donc me servir une boisson et aller m'enfoncer dans un bon fauteuil jusqu'à la fin de la soirée. De là, j'observais les filles s'éclater, rire à gorge déployée, profiter quoi !
Tony revint à la charge et s'assit près de moi. Il se pencha pour rapprocher la petite table basse et y déposa une poudre blanche avec laquelle il dessina une belle ligne. Je le regardais faire, perplexe. Puis, il se tourna vers moi pour me lancer :
- Tu devrais essayer.
C'était donc ça ! Ce mec ne buvait pas mais il se droguait ! Je ne savais pas laquelle de ces deux choses était le mieux à vrai dire...
Il approcha son visage de la ligne et l'aspira d'une traite avec son nez. Je le regardais toujours, les yeux aussi gros que des boules de pétanque, la bouche en forme de O géant et ne pouvant sortir aucun mot. Quelques minutes après il se mit à rire, sans aucune raison particulière. Ou alors il se foutait de moi... C'est vrai que la tête que je faisais devait être assez hilarante, mais bon... Puis son fou-rire s'arrêta et il se mit à rire bêtement. C'est dommage, sans ça il avait beaucoup de charme. A mon avis c'était le genre de gars à en faire craquer plus d'une mais à ne pas prendre soin de ces filles et à briser par conséquent une tonne de petits cœurs.
Il dressa une nouvelle ligne, plus petite que la précédente et me lança un regard insistant.
- Vas-y, lâche toi, il n'y a aucun risque, me rassurait-il.
Aucun risque ? Vraiment ? Ce n'était pas ce qu'ils disaient lors des interventions préventives auxquelles nous avions droit chaque année afin de nous avertir des dangers des drogues.
Je parcourais la salle du regard, cherchant désespérément mes amies mais je ne les trouvais pas. Elles devaient être au beau milieu de cette foule déchainée. Je reposais alors mon regard sur la table, sur la ligne de coke plus précisément. Je savais pertinemment que cette poudre était addictive et pouvait causer beaucoup de dommages. Mais ce n'était que pour essayer, pas vrai ?
Je me sentis alors partir vers l'avant, les yeux toujours rivés sur la poudre, comme hypnotisée par elle. J'arrivais à sa hauteur. Mais avant de commettre l'irréparable je lançais un dernier regard à Tony, comme pour me rassurer, une dernière fois. Je croisais alors ses yeux bleus, son visage parfait. Il me fit un clin d'œil et un sourire d'encouragement. Alors je fis ce qui provoquera plus tard ma perte : j'aspirais à mon tour cette poudre, cette drogue, avant de me passer un doigt sous le nez, comme pour effacer toute preuve de mon acte.
[...]
Je rentrai chez moi sur les coups de cinq heures du matin, complètement déchirée, incapable de faire deux pas sans me prendre un mur et en rire après. J'avais fini par aller m'éclater sur la piste avec mon groupe d'amie, à qui je n'avais rien raconté. Le premier secret entre nous. Mais je ne pouvais pas les mêler à cela. Puis je connaissais très bien leur réaction si je leur disais. Je les entendais d'ici : « Mais tu es folle ! Tu n'as donc jamais écouté toutes ces campagnes de prévention ? » Etc... Il valait donc mieux que ceci reste entre Tony et moi.
Je me disais chut à moi-même en me dirigeant difficilement vers ma chambre. Je me couchais entièrement habillée et m'endormais aussi tôt.
Bip Bip Bip...
Je ne compris pas tout de suite ce qui produisait ce bruit affreux. J'entre-ouvrais les yeux, car je ne pouvais faire autrement, et regardais autour de moi d'où venaient ces Bip insolents. Je vis alors mon radio réveil clignoter, affichant d'une lumière rouge « 6 : 30 ». Ça faisait donc tout juste une heure et demie que je m'étais endormie ! Quelle horreur ! J'essayais de mettre mon cerveau en marche, actionnais toutes les manivelles pour tenter de réfléchir. Je dois dire que dans l'état dans lequel j'étais, ce n'était pas chose simple ! Mais j'arrivais quand même à me souvenir... On était samedi... Et cela signifiait visite aux grands-parents ! Quelle merde ! Et fallait que ça tombe le lendemain d'une soirée.
Je cherchais des habits à substituer à ceux que je portais. Je ne pris pas la peine de me doucher, bien que je fusse persuadée que cela m'aurait fait un bien fou. Je regardais par ma petite fenêtre le temps qu'il faisait. C'était tout gris. Ça aurait été étrange que je mette des lunettes de soleil par ce temps, j'entrepris alors de me mettre beaucoup (trop) de maquillage pour cacher mes cernes. A vrai dire il n'y avait pas que mes cernes qu'il fallait cacher... Lorsque je fus fin prête je retrouvais le reste de la famille dans le salon.
-Tu es rentrée tard hier, gronda ma mère.
- Pas très tôt, effectivement, répondis-je d'un ton presque insolent tout en préparant mon sac.
Nous voilà dans la voiture, pour cinq heures. Mon petit frère s'était rendormi, tout comme ma mère, tandis que mon père était concentré sur la route. Moi je regardais les paysages qui défilaient au dehors du véhicule en repensant à la soirée d'hier. Quelle belle connerie j'avais fait quand même !
Mon regard se perdit dans les champs qui se présentaient à moi, tous plus grands et colorés les uns que les autres. Mon esprit quant à lui se surpris à vagabonder dans mon monde imaginaire, celui que je me construisais jour après jour depuis ma plus tendre enfance.
Le soleil se levait, éclairant de ses chauds rayons matinaux les larges champs de blés, les rendant ainsi beaucoup plus lumineux qu'ils ne l'étaient déjà. Je m'imaginais alors courir à toute allure dans ces grands carrés de nature, vêtue d'une fine robe d'été blanche. J'étais heureuse, sans raison particulière. Mes longs cheveux volaient dans le vent frais de ce début de journée. Je me voyais, m'allonger parmi tout le blé, aux anges. Puis un corps vint me cacher du soleil. J'ouvrais alors les yeux pour voir un garçon aux cheveux noirs mi-longs. Il me souriait, dévoilant ses dents parfaitement alignées et blanches sur lesquelles venaient frapper les rayons de soleil, les faisant scintiller. On aurait dit qu'on se connaissait. Je lui rendais alors son sourire et il me tendit la main m'invitant à me relever. Sans hésiter une minute, j'attrapais sa main et fus agréablement surprise par la douceur frappante de sa peau. Je me relevais très légèrement comme si j'allais m'envoler. Je gardais mes yeux fixés dans les siens, d'un azur qui se confondrait presque avec le ciel. Je me perdis dans cet océan de beauté. Ce garçon était irréel, sa beauté ne pouvait exister. Il me rapprocha de lui, collant mon torse au sien, glissant sa main sur ma cambrure. Son autre main vint se perdre dans mes longs cheveux. Il approcha sa bouche de mes lèvres qui n'attendaient que lui. Au moment où son parfum enivra mes narines tant il était proche de moi, je me réveillais. Quelle frustration ! En plus, ce garçon... J'avais la sensation de le connaître.
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