10. "L'amitié double les joies et réduit de moitié les peines." F. Bacon

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[Chanson : chained to the rythm - Katy Perry]

Emma

Ça y est, lui aussi m'abandonnait. J'avais l'impression d'avoir une malédiction sur moi, faisant fuir tous ceux qui s'approchaient.

Lorsque William est sorti de ma chambre hier, un mal-être profond s'est emparé de moi. Ma mère m'avait complètement renié, je ne savais plus comment gérer toutes les émotions négatives qui s'insinuaient petit à petit dans mon esprit. Je n'allais pas mieux. Je ressassais sans cesse le passé. Et chaque fois, mon cœur se brisait un peu plus. Je souffrais, terriblement. Je ne trouvais plus aucun sens à ma vie.

Je n'avais pas réussi à me rendormir après son départ. Tout tournait dans ma tête, me plongeant chaque fois un peu plus vers le désespoir. Puis je m'étais souvenu que je n'avais encore jamais touché les médicaments qu'on m'apportait chaque jour. Je les avais stocké, sans trop savoir pourquoi. Et alors, ça m'apparut clairement.
Je m'étais levée comme un automate et m'étais dirigée vers ma petite salle de bain. J'avais sorti tous les cachets que j'avais gardés, une petite quinzaine. Je les avais écrasés pour en faire une poudre et l'avait sniffé. Rien que le geste m'avait procuré un bien fou. Puis, j'étais retournée me coucher, avec l'espoir de ne pas me réveiller.

Mais quand William avait toqué à la porte et m'avait sorti de mon profond sommeil, je me rendais compte que je n'en finirais pas aussi facilement...

Je fixai l'extérieur depuis qu'il était entré, et plongeai à nouveau mes yeux vers ce monde qui m'était devenu inaccessible, une envie soudaine d'évasion s'emparant de moi. Mon corps était bloqué dans ce centre, mais mon esprit était encore libre d'aller où bon lui semblait... C'est ainsi que me revint en mémoire une sortie dans un grand parc d'attraction avec mes amies, pour le soir d'Halloween. Nous faisions partis des quelques centaines de privilégiés ayant gagné une soirée privée. Cette soirée ne fût que rire et joie, loin des tracas du lycée et des professeurs nous répétant chaque jour que nous devions fournir une grande quantité de travail si nous ne voulions pas raté notre bac...

Vers 23 heures, les organisateurs avaient préparé un feu d'artifice, mêlant son et lumière. Mes amies et moi nous étions placées au meilleur endroit pour admirer le spectacle. J'adorais les feux d'artifices. Je ne saurais expliquer mon engouement mais je me sentais comme une petite fille à chaque fois que j'en voyais un. Et celui-ci fit partis des meilleurs de ma vie, parce que j'étais avec mes meilleures amies.

"Turn it up, it's your favorite song, Dance, dance, dance to the distortion, Turn it up, keep it on repeat, Stumbling around like a wasted zombie" me mis-je à chanter en chœur avec les filles. Nous nous déhanchions comme si nous étions en soirée, et le regard que les personnes alentours posaient sur nous ne firent qu'accentuer notre moment de folie. On riait à ne plus pouvoir en respirer. On était heureuses... Je me souviens m'être dit que j'avais de la chance de les avoir à mes côtés depuis tant d'années...

Ce souvenir fit couler une larme sur ma joue. Trop lasse, je la laissais finir son chemin jusqu'à mon cou.

Trois coups à ma porte me sortirent de mes rêveries. Je me levai tant bien que mal pour aller ouvrir. Je retrouvai William, aux côtés d'un homme que je ne connaissais pas, vêtu d'une blouse blanche, un stéthoscope autour du cou. Mes yeux revinrent sur William, cherchant des explications. Il s'avança et posa ses mains sur mes épaules.

« Voici le docteur Metson. Je lui ai parlé de ta prise excessive de médicaments.

- Puis-je entrer mademoiselle ? » questionna le docteur, très poliment.

Sans un mot, je me retirais du chemin pour les laisser entrer. Je refermai la porte derrière moi, me demandant ce que ces deux hommes me voulaient. Cette question fit émerger le souvenir de mon père débarquant dans ma chambre alors que je m'y trouvais avec Tony, il y a quelques mois. Heureusement, nous ne faisions rien de compromettant... C'était la seule fois où deux hommes étaient dans ma chambre au même moment, avant aujourd'hui.

William et l'inconnu m'attendaient de pieds fermes devant mon lit. Mes yeux passaient de l'un à l'autre, attendant qu'on m'explique la situation. William s'avança alors vers moi.

« Le docteur va te faire une prise de sang pour estimer les risques avec la dose de médicaments que tu as pris » expliquait-il calmement. Il semblait vraiment troublé et avait un air sérieux que je ne lui connaissais pas.

Je me mis à rire, nerveusement. La situation n'avait rien de comique, j'en étais bien consciente, et au fond j'étais reconnaissante envers William de prendre tant soin de moi. Il y avait longtemps que ça ne m'était pas arriver, je n'avais plus l'habitude. Mais l'absurdité de son inquiétude mélangée à ma grande fatigue me fit rire contre mon gré.

« Tu crois vraiment que je risque quelque chose avec ça ? » m'exclamais-je avant de rire de plus belle. Mes yeux s'embuèrent, je n'arrivais pas à me contrôler.

J'avais espérer, effectivement, que cette prise de médocs en grande quantité aurait un impact. Mais, je ne me voilais pas la face. Si j'étais encore présente devant eux en ce moment, c'est que je ne risquais plus rien.
Ce n'est seulement lorsque William haussa le ton que je compris à quel point la situation le touchait et que mon fou rire prit fin.

Je le regardai, l'air désolé, puis suivis le médecin jusque dans la salle de bain.

[...]

« Je reviendrai vers vous dans quelques jour pour vous communiquer les résultats.

- A priori, si je suis là pour vous ouvrir c'est qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, » répondis-je d'un ton sarcastique, à la limite de l'insolence.

Je vis alors William me fusiller du regard. J'haussai les épaules, l'air de dire que son avis m'importait peu, tandis que le médecin se dirigea vers la porte. Il me salua d'un signe de la tête et sortit.

« C'est bon, tu es rassuré ? » dis-je assez sèchement, après m'être assurée que la porte était bien fermée.

« Ecoute Emma, toi mieux que personne peut comprendre ma réaction.

- Tu n'as plus rien à faire ici, tu ne me suis plus, salut ! » répondis-je en rouvrant la porte, signe qu'il pouvait disposer. Il comprit le message et me laissa, l'air encore plus désolé qu'en arrivant.

Je le repoussai volontairement. J'en avais marre d'être abandonnée, lâchée au pire moment. Je savais, au fond, qu'il n'y pouvait rien. Mais le rejeter ainsi me permettait de me protéger. Et, peut-être que s'il ne gardait pas une bonne image de moi, il s'en voudrait moins de me laisser...

Je m'écroulai sur mon lit. Trop de sentiments se rencontraient dans mon esprit. J'étais triste de ne plus être suivie par William, j'étais en colère qu'il m'ait laissé tomber si vite, j'étais angoissée, réussirai-je un jour à m'en sortir ? Mais, par-dessous tout, j'étais fatiguée, lasse de cette situation, qu'on m'oblige à revenir sur les moments les plus douloureux de ces derniers mois...

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