Ici
Siakhel se dirigea sous le cinéma, vérifia qu'il n'y avait personne, sauta dans le fleuve. Il atteignit la porte, présenta son poignet droit. Une fois ses sillons veineux vidés de la lueur argentée, il entra dans le hall et monta directement au deuxième étage. Le salon était vide, la porte fenêtre ouverte sur le jardin où le soleil rayonnait. Il s'y rendit et ses yeux noirs se posèrent sur Naïa, assise sur un banc de pierre. Elle était en symbiose avec la vie qui l'entourait, aussi attendit-il de voir ses yeux de lait avant de venir s'asseoir à ses côtés. Sa robe immaculée semblait étinceler au soleil, assombrissant plus encore le costume sombre de son frère.
- Bonjour Siakhel, je suis heureuse de ta visite.
- Bonjour chère sœur, comment vas-tu ?
- Dis moi si tout se déroule bien et je te répondrai. Siakhel se rembrunit. Naïa le sentit mais le laissa s'exprimer librement.
- Et bien… L'enfant va très mal…
- Vraiment ? Et Merkhan ?
- Son état est stable mais cela me semble logique…
- Son molintil a grandit avec lui, ils ont croît comme un seul être. Pour lui, ce n'est qu'un membre endormit. Handicapant, mais…
- Ce n'est pas une atrophie… Naïa ne put retenir une larme.
- As-tu une solution ? Une idée pour l'aider ?
- Nous devrions réveiller son…
- Non. Ils n'accepteront jamais.
- Juste pour un temps. Quelques années, le temps qu'il reprenne une forme et une énergie équilibré, ensuite…
- Ensuite, il se pourrait qu'il soit trop tard.
- Naïa ! Meneallem a mit fin à ses jours ! Sa vie est devenue un enfer ! Par notre faute ! Nous avons le devoir d'aider l'enfant-, quoiqu'il nous en coûte ! S'emporta Siakhel. Il n'a pas tenu trois semaines à l'orphelinat.
- Même si cela signifie notre fin à tous ?
- Quelques milliers d'années ne te suffisent pas ? Quand nous laisseras-tu en finir ? Pourquoi Merkhan a-t-il eut envie d'une humaine alors que nous sommes de deux espèces ? Nous sommes tous fatigués Naïa… L'ennui et le temps nous épuisent…
- Je sais… Répondit sa sœur, la voix brisée. Dès lors que les humains sont apparus, j'ai crus que cela nous aiderai. Que nous aurions toujours plus à découvrir à travers cette espèce. Et c'est ce qu'elle nous à offert…
- En même temps qu'un danger constant de se voir tuer ou mutiler pour ce que nous sommes: des sources de pouvoirs.
- Ce sont les mots de Zarog, non les tiens que j'entends là.
- Tu as été d'accords avec ses mots à de nombreuses occasions, celle-ci en faisait partie je crois…
- Tais-toi. Naïa se leva et se mit à faire les cents pas dans l'herbe douce, caressée par une brise fraîche de début d’automne. Si nous restons sur ces idées là alors à quoi bon aider Meneallem et son fils ? Nous aurions pu les tuer sur le champ.
- Nous avions proposé cette solution. L'assemblée en a jugé autrement. Les choses sont ainsi. Nous ne pouvons revenir sur cette décision. Peut-être une autre assemblée extraordinaire serait-elle nécessaire ?
- Non. Si nous voulons les aider, ce n'est pas la solution.
- Je suis heureux de constater que nous sommes d'accords là-dessus. À nous deux, nous pourrions nous charger d'éveiller son molintil, ainsi, nous garderions le secret.
- Tu es si envieux de mourir ? Vraiment ?
- C'est un risque que je veux bien prendre, sinon nous le condamnons à pire que la mort. Tu devrais le revoir aujourd’hui… Meneallem n’est pas la seule qu’il a effrayée au point de perdre la raison. Soit ça, soit nous le tuons.
- Nos frères et sœurs en feront de même avec nous s’ils apprennent ce que nous avons fait. C'est une douleur que je voudrai leur épargner. Il se leva à son tour.
- Faisons de notre mieux. Elle lui sourit, il prit sa main pâle entre ses doigts sombres et la baisa.
- L'enfant que tu as croisée au dit orphelinat…
- Oui ?
- Tu n'en sais pas plus long ?
- Loyir est un cas assez prenant Naïa, je voulais simplement prévenir une déviance potentielle dans le plateau si cet enfant s'avérait…
- Quoi donc ?
- Je ne sais pas, son âme agit bien plus que celle d'un humain normal. Je n'ai pas eu le temps d'en savoir d'avantage puisque Loyir est tombé gravement malade. Maintenant, j'ai d'autres devoirs.
- Oui, va. »
Il la laissa seule, alors qu'elle se rasseyait sur le banc de pierre. Le soleil avait pâlit derrière une fine couche de nuage qui s'étendait à perte de vue. Il retourna dans le hall d'entrée. Tout n'était que silence. Il n'alla pas tout droit, vers la porte de sortie, mais tourna à gauche. Une grande arche menait à une cuisine en bois clair. Sur sa gauche, une porte en fer forgée, dissimulée par un arbre qui poussait là. C'est cette porte que Siakhel franchit, munit d'une clef très spéciale. Seul un Van GeaYust pouvait l'amener à libérer la serrure. Le gros verrou cédait, mais en trois temps, un rituel connu de seulement trois d'entre eux. La porte s'ouvrit sur un escalier en colimaçon, en pierre sombres et humides. Il ne prit pas la peine de prendre une torche. La porte se referma dès son passage. Il descendit les marches, traversa ce qui semblait être un couloir de prison, il s'enfonçait à travers une longue rangées de barreaux. Ces pièces avaient été pleines, mais nulle âme ne vivait ici désormais. Il traversa le couloir et se trouva devant une porte identique à la première. Nouveau rituel. La porte s'ouvrit et se ferma sur lui. Il se retrouva dans une sorte de hall sombre et circulaire, éclairé par une seule petite flamme bleue enfermée dans une sphère de verre, suspendue au milieu du plafond. Trois portes, trois verrous. Il ouvrit celle à sa droite et entra dans une sorte de petit appartement primaire. Il y avait un lit, une petite armoire, une chaise et un bureau, une ouverture donnait sur une salle de bain munit de toilettes, d'une douche et d'un lavabeau. Sur le lit, recroquevillé, se trouvait Merkhan. Il s'assit près de lui, lui donnant le temps de réagir. L'attente fût longue, mais il remarqua enfin la présence de Siakhel et se releva péniblement en position assise contre la tête de lit de bois brun. Il prit un paquet de cigarette sous son oreiller, en alluma une. Il tira plusieurs bouffées, fixant son visiteur.
" Que me vaut ce plaisir ? Demanda-t-il enfin avec animosité.
- Des nouvelles de ton fils. Il se trouve que…
- Comment va Othilie ? Coupa Merkhan. Siakhel le toisa, las de ces injonsctions permanentes.
- Ton fils ne réagit pas favorablement à la mise en veille de son molintil. Son état s'aggrave de jour en jour. Il semble clairement handicapé par cette... opération.
- Où est-elle ?
- Meneallem a même…
- J'aimerai lui parler, je veux juste cinq minutes, le temps de lui expliquer…
- Merkhan ! Tonna Siakhel. Le sol trembla légèrement, le jeune Epanheul eut un sourire cynique, exaspérant son visiteur.
- Réponds-moi enfin ! Dix ans que tu viens me voir chaque année dans ma prison ! Dix ans que je pose les mêmes questions !
- Ton fils…
- Ferme ta gueule ! Hurla-t-il en attrapant Siakhel par le col, se levant et le plaquant contre la porte en fer, son avant bras sur sa gorge, son coude sous sa mâchoire. Je ne veux plus entendre parler de cette chose qui est venu en ce monde et qui par sa seule existence a réduit la mienne à néant ! Faîtes ce que bon vous semblera, je m'en contre fou ! Siakhel le fit lâcher aisément, son molintil était éveillé, lui.
- Tu fais souffrir ces êtres. Tu as faillis, et maintenant…
- Deux êtres sur des milliards ! Et ces autres qui souffrent, qui leur vient en aide ? Qui va punir ceux qui les ont détruits ? Foutaises que ces maisons ! Foutaises que ces familles ! Merde que ce monde ! Vous devriez agir, aux yeux de tous, cessez d'avoir peur, planquer dans vos demeures invisibles ! Vous vous croyez supérieurs ? Parce que j'ai baisé une humaine, je suis un pariât qui a fait du mal à deux choses insignifiantes… Mais qui leur a fait le plus de mal ? Vous ! Ma faute fût de blesser Othilie, nulle autre… Et elle nous regarde, elle et moi… Laisse-moi… Vous me dégoutez ! Siakhel dévisagea un instant Merkhan dont la rage brûlait dans ses yeux verts. Ses boucles noires tombaient sur son visage haineux, dont les yeux félins se plissaient.
- Bien. À dans un an donc. Il se détourna, ouvrit la porte, sortit. Mais avant qu'elle ne fût fermée, Merkhan trahit son plus vif désir. Il bloqua le porte de son pieds devant le regard étonné et curieux du frère Van GeaYust.
- Un mot, un seul. Merkhan n'avait droit à aucunes nouvelles de l'extérieur, hors celles qui concernaient son fils, mais l'état du jeune Epanheul s'aggravait rapidement pour quelqu'un de sa condition physique et mentale. Il comprit ce que demandait le prisonnier. Et nul amour n'avait tant imposé le respect, même s'il était entaché, il restait inébranlable.
- Détruite. » Asséna-t-il avant de repousser Merkhan dans sa geôle et de fermer la porte, qui ne se rouvrirait pas avant trois cents soixante cinq jours.
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