Léo s'approcha de la toile sur le sol, le vieux assis à côté d’elle paraissait étrangement familier, ses moustaches fines, ses petites lunettes rondes, et cette noble droiture malgré sa posture, en tailleur, sur un trottoir, les habits et les affaires sales. Dans la rue passante de cette ville portuaire, il semblait être un homme de rue ordinaire, pourtant, Léo avait un étrange pressentiment. Elle resta un moment devant le tableau et finit par demander

« Il y a rien à comprendre?

- Qu'est-ce-que tu veux dire p'tiot? Elle sourit, les habits de Louis la déguisait parfaitement, son plan fonctionnait. Elle chassa ses larmes à l’évocation de son ami, pleine de gratitude et d’amour.

- Le dessin, là! C'est quoi ?

- C'est toi qui regarde, non?

- Euh... Oui...

- Alors c'est toi qui vois. Elle resta un instant perplexe, guettant tantôt l’homme, tantôt le dessin sur le sol. Puis elle se lança.

- On se connait, non ?

- Tu as besoin d’aide, non ? Répondit-il du tac au tac avec un sourire amusé et espiègle.

- Vous répondez souvent aux questions par d’autres questions ?

- Et toi ? Léo resta un moment sans voix et finit par rire.

- Je viens d’arriver dans cette ville, j’étais à la capitale, j’ai cherché mon chien un moment, mais je ne l’ai pas retrouvé. Une larme roula sur sa joue.

- Ce n’est pas encore le bon moment.

- Vous croyez qu’il y en aura un ? Vous pensez que je vais le retrouver ? Ca fait, quoi ? Trois mois maintenant…

- Bien sur, ce sont des choses qui arrivent. Si tu le désire, le visualise, le ressens comme étant déjà présent, ça arrivera.

- Je l’espère…

- Et maintenant ?

- Quoi ?

- Et maintenant, quelle est la suite ?

- Je suis venue voir la mer, les bateaux… J’ai toujours rêvée d’être un pirate ! Le vieil homme lui offrit son plus beau sourire édenté.

- Je connais un capitaine qui a besoin d’un nouveau membre d’équipage, ils partent dans trois semaines.

- Mais… Si je pars sur les mers, je ne retrouverai jamais P’tit gars !

- Ce n’est pas le moment de toute façon, si tu passes ta vie à attendre, tu ne feras jamais rien !

- Mais vous avez dit…

- Ttt ! Ttt ! Veux-tu rencontrer le capitaine ? Léo resta un moment perplexe, confuse face à cet étrange personnage qui lui semblait vraiment connu, elle l’avait déjà rencontré, mais où ? Son instinct lui dit aussi qu’elle pouvait avoir confiance, malgré que la séparation d’avec le quadrupède lui brise le cœur, elle répondit.

- Oui, oui je veux bien ! Le vieil homme se mit à rayonner.

- Bien ! Allons-y ! » Il se leva, vif et souple comme un athlète de vingt ans, rangea tout son bric à bras dans un baloucha, qu'il boucla et jeta sur son épaule. Léo était impressionnée. Il lui fit un clin d'oeil et prit la route du vieux port. Léo lui emboîta le pas, ressentant un pincement pour P'tit gars mais une vive excitation pour ce qu'il l'attendait là-bas.