Hier
Cela faisait plusieurs semaines maintenant que Léo était au service de Youri. Elle mangeait à sa faim, avait le droit d’aller se laver, elle et ses vêtements, chez lui, en échange elle faisait la mule pour son commerce. Elle amenait l’herbe et rapportait l’argent. Il ne lui parlait plus aussi mal qu’au début, malgré sa manière toujours désagréable de la féliciter en la traitant de petit rat rusée ou de blatte invisible. Elle le détestait, et en même temps, elle n’avait rien d’autre. Elle avait été interceptée une fois par un autre jeune homme qui lui avait volé la cargaison et l’avait frappée fort, au point qu’il l’avait porté lui-même dans sa nouvelle maison : la niche du chien de le jardin de Youri. Leur chien était mort depuis longtemps, aussi personne n’allait constater que la niche était de nouveau habitée. Les parents du jeune homme partaient très tôt, rentraient très tard, et ne semblait nullement préoccupé par ce que faisait leur fils. Léo devina que sa méchanceté venait de là, un manque d’amour et d’attention pour un enfant unique qui s’ennuyait à mourir. Après l’épisode du vol et de l’agression, Youri décida d’apprendre les arts martiaux à Léo, et ça, ça la bottait drôlement la petite. C’était les rares moments où elle pouvait ressentir encore un peu de joie et oublier son état de larbin auprès d’un grand gosse capricieux. Et il n’était pas si mauvais, la niche avait été bien aménagée et il lui donnait des vêtements qu’il portait quand il avait son âge, aussi retrouvait-elle l’assurance qu’elle avait en fuyant l’orphelinat, ou presque. Et elle avait moins de chance de se faire agresser. Puis il y eu un évènement qui changea Youri. Léo ne sut ce qu’il s’était passé mais un matin où elle le rejoignit sous le porche derrière la maison pour exécuter ses missions, elle le trouva en larmes. Il resta là, assis sur la rambarde, à pleurer à chaudes larmes et Léo ne sut quoi faire. Elle attendit longtemps, jusqu’à ce qu’il tombe. Elle s’accroupie et lui prit la main, alors il leva les yeux et plongea dans le jais de Léo avec une telle détresse qu’elle en fut paralysée.
« Va falloir que tu te barre petit rat. Dans deux semaines tu bouges de ce village, si je t’y reprends, je te tuerai de mes mains.
- Mais Youri…
- On va reprendre les entraînements en attendant, deux fois plus rudement. Tu vas devenir une machine de guerre et tu pourras voyager sans craindre qui que ce soit.
- Je ne comprends pas…
- Qui te demande de comprendre !? Allez, dégages ! Tu as ta journée. Il rentra à l’intérieur, en ressortit avec de l’herbe et un sac de nourriture qui lui jeta presque en pleine face. Elle resta sans bouger un long moment, s’attendant à le voir revenir sur sa décision. Mais il ne le fit pas et elle alla manger et fumer dans sa niche. Le lendemain il vint la réveiller très tôt et ils partirent pour la forêt. Ils s’y enfoncèrent beaucoup plus profondément qu’ils ne l’avaient jamais fait. Là, Youri se retourna et partit en lui intimant de rester là, sans rien faire, sans bouger, jusqu’à ce qu’il revienne. Elle s’exécuta, mais à son retour, deux jours plus tard…
« AAaaargh ! Mais pourquoi tu me frappe ! J’ai fais ce que tu m’as demandé !
- Et ainsi tu t’es manqué de respect ! Tu as manqué à tes besoins ! 48h heure que tu es là, dans cette satanée forêt ! Tu as faim, sommeil, envie d’uriner et tu es encore là ! Il éclata d’un rire de dément, Léo avait peur à présent.
- Tu m’as ordonné…
- Qui d’autres que toi peut t’ordonner quoique ce soit !? Qui d’autres peut mieux connaître tes besoins que toi-même !? Mais qu’est-ce que tu fou putain !?
- Je ne comprends rien…
- Ne laisse personne te faire ce que je te fais depuis des mois, pauvre idiote ! Tu vaux bien mieux que ça ! Ne suis jamais personne, ne suis aucun ordre ! Jamais !
- Tu es… vraiment spécial. Il eut à nouveau un rire de dément et alla frapper son crâne contre un énorme tronc.
- Arrêtes ! Hurla-telle, choquée. Tu es fou !
- N’émets aucun jugement fillette ! ca t’emprisonne dans des croyances mentales ! Le mental, c’est un idiot et un traître !
- Youri… Je ne comprends rien.
- Tchic tchic. Que tu flippes ma petite. Les dires de peu te foudroient n'est-ce pas? Mais rappelles-toi. Lève la tête. Redresses toi. Tu es forte. Tu as tout l'amour du monde. Tu t'en sortiras. Par l'amour, pour l'amour. T'as raison, reste romantique p'tit cul, ça te fait palpiter! Allez, va te coucher, va. Et rêve. Surtout, n'arrête jamais. Jamais. » Il lui laissa un sac plein et partit. Dedans elle trouva un sac de couchage et de la nourriture. Elle mangea d’abords et se coucha ensuite. Un long sommeil sans rêves. Le lendemain Léo n’avait pas la force d’attendre Youri. Il lui avait fait trop peur. Et quand sa décision fut prise, elle se mit à courir. Elle courut, courut de toutes ses forces, forçant sur ses jambes, ses cuisses, ses mollets, ses genoux, ses pieds, force et fonce, plus rapide que jamais. Elle sentit, sentit cet air dans tout son cœur, sentit ce sentiments de liberté, elle courut ! Courut ! Elle sentit cette légèreté, elle se sentie presque voler ! Elle passait en trombe dans les bois, sautait par-dessus les souches, elle sentait son corps, son antre, sa grotte, lui appartenir, à elle, pour de vrai. C’est elle, elle qui force sur ces jambes, qui fait bruler ces muscles, qui s’emploi à s’élever pour son salut. C’est elle qui a choisie, c’est son choix, sa responsabilité ! Elle le sens en étant dans ce corps en mouvement, dans l’effort de la course, elle se sent vivante, libre et heureuse. Sa colère et sa tristesse peuvent encore venir en elle et alors elle les transforme en une puissance qui la fait avancer plus vite, qui la fait sauter plus haut, qui la fait courir encore alors que son souffle est si fort, mais elle sent l’air, l’oxygène qui libère ce corps de tout ses tords, qui guérit dans cet effort, qui se sent fort. Elle s’appartient, elle est l’héroïne de sa vie, la star des planches de son spectacle. Oui, c’est elle qui décide, c’est elle qui choisit. Elle s’appartient, et c’est bien. Alors elle arrive dans une ruine. Une bâtisse magnifique qui a vu bien des âges. Elle se laisse distraire de sa course, s’arrête et entre lentement. Et tombe nez à nez avec un immense serpent qui se jette sur elle. Elle roule sur le côté et se retrouve coincée dans la ruine. Elle est piégée. Elle manque de paniquée. Mais elle s’appartient pleinement désormais. Elle ne se laissera pas faire, le serpent géant glisse derrière les grandes colonnes, puis se dresse pour frapper, elle lève un morceau de verre trouvé là et saute pour passer au-dessus de sa tête, elle atterrit contre une colonne et s’en sert pour bondir à nouveau sur le monstre. Elle est sur la tête du serpent qui se débat et avant qu’elle ne puisse enfoncer sa lame de fortune elle est désarçonnée et tombe au sol, elle roule sur le côté pour éviter les dents qui veulent se refermer sur elle, elle se relève et court droit sur une autre colonne qu’elle escalade et saute sur le lustre géant au milieu du hall, voltige jusqu’au balcon de l’étage, court et saute une fois encore alors que le serpent ne la voit pas, elle tourbillonne et se lance, coupe la ficelle du lustre, transperce la gorge du monstre et atterrit devant la sortie, à genoux et à distance des éclats de verre brisé, victorieuse ! Elle se retourne pour regarder le monstre. Sans Youri, elle n’aurait jamais réussit ça. Alors elle tombe à genoux et se met à pleurer, pleurer tant et si bien qu’elle en a mal. Elle est de nouveau seule. Forte et entraînée. Mais elle ne sait pas du tout où aller. Elle se sent vide à l’intérieur, parce qu’il n’y s’y trouve plus personne.
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