Ailleurs, maintenant
Elle n'arrivait pas à dormir. Dehors les cigales chantaient, elle percevait aussi le bruit du court d'eau, à quelques centaines de mètres. Elle sortit précautionneusement du dôme de toile et découvrit un ciel merveilleux, emplit d’étoile, elle percevait même la voie lactée. Elle décida d'aller marcher un peu sous ce plafond scintillant qui la rassurait alors. Elle monta la colline, passant quelques roches polies par le temps. Une fois au sommet, elle s'assit entre plusieurs blocs qui avaient laissé pousser là un petit cœur de verdure. Elle regarda l’étendue étoilée et se sentie infime, ainsi que mieux dans cet immensité dont elle faisait partie. Qu'elle devait bientôt quitter. Un sanglot se coinça dans son sternum alors qu'elle pensait à Psykren. Elle préférait bien sur cet état de fait que l'inverse, l’idée de le laisser seul lui causait cependant un grand chagrin. C'est alors qu'il apparut devant elle. Il se tint soudain là, debout, ses yeux plein de colère la fixaient. Elle se leva d'un bond, prête a dégainer son bâton toujours attaché a sa ceinture. Seulement, elle était nue. Elle rougit un moment et leva les mains au niveau de son menton, genoux fléchit, pieds ancrés.
- Je ne te ferai aucun mal Leo. Ce nom résonna en elle, seulement elle ne su comprendre pourquoi.
- Comment m’avez-vous appelé ?
- Te souviens-tu d’Éva ? Et maintenant peut-être as-tu un autre nom ? Elle se sentait de plus en plus confuse mais ne ressentais aucune angoisse lié à un danger quelconque.
- Je ne comprends pas…
- Évidemment. Elle avait baissée sa garde, s’était relevée. Elle sentait une détresse voilée dans la voix de cet homme à l’âge avancé, pourtant fier et droit. Tu te nomme ? Demanda-t-il.
- Psym.
- Bonjour Psym. Nous nous connaissons déjà, tu ne t'en souviens pas. Je suis quelqu'un qui veut ton bonheur, peux-tu t'en convaincre ? Cela nous permettrait de gagner du temps.
- Pourquoi m'avoir appelé Léo ? Qui est Éva ?
- C'est toi. Du moins telle que l'on t'a nommé ta mère et moi.
- Ma mère ? Et toi ?
- Oui. Parce que je suis ton père alors…
- Vous êtes mon père ?
- Oui. J'aurai aimé être plus… Un silence s’installa alors qu’elle le détaillait. Il ne semblait où savoir poser son regard, entre la honte et l’émoi.
- J'aimerai savoir.
- Je comprends. Nous avons peu de temps cependant. Ces mots la révoltèrent.
- Je ne suis pas d’accord, on va rester un moment ensemble pour que vous me racontiez en détail mon histoire et je vous défends de mentir ou d’éluder. Nous avons toute la nuit. Et plus si nécessaire.
- Moi oui, toi non, sauf si tu décide de m’écouter pour sauver ta vie. Je t'en ai fait cadeau, c’est un bien précieux que je veux conserver. Elle se sentie soudainement vulnérable a cet aveu d'amour paternel. Elle avait tant voulut les connaître ces parents qui l'avait laissée. Elle avait soif de savoir ce qu'il s’était passé, qui ils étaient, d’où elle venait.
- J'ai besoin de m'habiller. Il défit la cape qui le couvrait tout entier et la lui posa sur les épaules.
- Là. Tu es bien ? Une immense tendresse enveloppa la jeune fille, la cape n'y était pas pour grand chose. Tant d'amour émanait de ces yeux qu'elle avait hérités. Deux yeux noirs profonds et tendres. Elle avait envie de pleurer toute sa solitude et sa détresse d'enfant. Et les larmes coulèrent, les sanglots jaillirent. L'homme la prit dans ses bras et lui caressa les cheveux en fredonnant un air qui lui parut familier. Cela lui fit encore déborder le cœur et elle pleura de plus belle. L'homme continua patiemment, jusqu’à ce que la jeune femme se calme. Car elle était femme désormais, et elle l’était devenue sans lui. Il laissa ses propres larmes mouiller la chevelure auburn. Le calme revint, l’air fredonné, les cigales et le cours d’eau furent bientôt tout ce que l'on pût entendre haut sur la colline. Psym respirait profondément, vidée et bien, tout contre cet homme qui avait en lui son histoire, ses racines. Il était bien lui aussi, son enfant sur le cœur comme il en avait tant rêvé. Le temps coula, lent et fluide, sur ces cœurs qui se guérissait enfin l'un l'autre, de n'avoir pu se partager et de le faire ainsi, maintenant. Une fraicheur salvatrice et douce émanait de leur poitrine. Leur pouvoir grandissait alors que le poison sortait des plaies. Ils pouvaient cicatrisés. Ils se détachèrent l'un de l'autre et s'assirent en tailleur face à face. Elle respira profondément alors qu'il la détaillait, avide de ce visage qu'il avait espérer.
« Pourquoi m'avez-vous abandonnée ?
- La question doit te tarauder depuis longtemps, c'est compréhensible et j’espère changer ta vision des choses, de nous et de toi. Par où commencer…
- Par vous. Toi et ma mère. Votre rencontre, vos histoires à tout deux. Il sourit, dans ses yeux elle devina des souvenirs qui rendent heureux, une histoire d'amour. Elle fut soulagée.
- Je vais te révéler énormément de choses complexes et qui dépasse peut-être ton imagination. As-tu foi en l'univers ? Elle sourit à son tour.
- Regarde le ciel. Ils levèrent tout deux les yeux et admirèrent la splendeur de la voute céleste. Comment ne pas croire ?
- Tu peux me faire confiance, je vais tout te dire, seulement nous devons être partit demain matin, nous irons sur une autre route et je t'en dirai d'avantage si tu en ressens le besoin d'accords ?
- Cesse de vouloir contrôler les choses et raconte. Dit-elle avec autorité. Il sourit. Elle ressemblait à sa mère.
- Bien. Alors… j'avais vingt-trois ans, je voyageais dans le sud du plan Van GeaYust. Un jour je me suis retrouvé dans un de ces villages de pierres qui ont été restauré. C’est dans un bar librairie que j’ai rencontré ta mère. J’ai tout de suite su qu’elle n’était pas une humaine normale.
- Le plan Van GeaYust ? Une humaine normale ?
- Mon dieu, tu as tout oublié… Pourtant elle m’avait dit que tu te souviendrais. Psymio resta un instant silencieuse, fouillant sa mémoire.
- Il s’est passé des choses étranges quand nous nous sommes enfuis avec Psykren. Nous avons eut la sensation de passer à travers… Une porte ? Trois chiens nous suivent depuis, semblables à des loups, parfois ils s’approchent et nous pouvons les caresser, jouer avec, puis ils disparaissent des jours, ou nous suive à distance. Nous nous sommes concertés et des flashs nous font penser que nous les connaissons depuis longtemps. Tout comme l’un l’autre, mais les choses restes floues…
- Cela va prendre du temps, malheureusement nous en manquons. Peux-tu me faire assez confiance pour partir dès maintenant et laisser nos histoires se démêler au fil de la route ? Psymio réfléchis un moment, après tout elle ressentait que cet homme et elle était lié, et il lui promettait de la sauver de son destin morbide, si cela pouvait la sauver, ainsi que son avenir avec Psykren, elle pouvait essayer.
- Je vais aller retrouver Psykren et nous déciderons ensemble. Nous vous retrouverons ici.
- Je vous attends, va, et essaie d’être concise. »
Psymio fit de son mieux pour expliquer à Psykren que son père était apparu et qu’il leur donnait une chance de trouver un lieu où il serait en sécurité et heureux. Il lui fit cadeau des questions sur son état, ce qui la soulagea, car elle n’était pas encore prête à évoquer à cet homme qu’elle aimait si profondément le pacte qu’elle avait contracté avec Psyban, pourtant elle se doutait que ce dernier ne lâcherait pas sa précieuse œuvre sans se battre un minimum. Ils plièrent le camp plus rapidement qu’ils ne l’avaient jamais fait, tentant de ne pas faire attention aux flashs qui survenaient parfois dans leur tête. Ils avaient déjà fuit plusieurs fois, en d’autres temps, en d’autres monde, mais ils n’avaient pas le temps de s’attarder. Ils rejoignirent Olaf, c’était le nom de son père, et découvrir les trois chiens autour de lui. Leurs amis quadrupèdes les accompagnaient. Il leur annonça qu’il fallait rebrousser chemin, se perdre dans les plaines rocheuses et trouver une béance, le genre de porte qu’ils avaient déjà traversé, mais qui mènerait encore dans un autre plan. Ils se mirent en marche. Progressant d’abord rapidement, puis plus lentement, adoptant une cadence qui misait sur l’endurance et non la rapidité. Psymio n’avait rien dit à Olaf du contrat passé avec Psyban mais elle savait qu’il était au courant. Ce qui l’effrayait néanmoins, cet homme savait énormément de choses sur elle, peut-être plus qu’elle-même, et elle ne savait rien à son propos. Il lui parla de tout sauf de lui, des différents plans qui composait leur monde, de l’histoire des anciens humains appelés aussi Asdants, des enjeux politique et sociaux, ainsi que familiaux qui malgré le désir d’en faire abstraction, transparaissait souvent dans leur décision. Il semblait les vénérer, ce qui agaça Psykren qui semblait se reconnecter avec une haine brûlante que ses souvenirs effacés avait soufflé. Psymio, elle, était fascinée, après tout sa mère était une Asdante, mais ce qui la secoua le plus fut l’histoire de Loyir. Olaf paraissait très affecté par le sort de celui qui était son neveu, et le cousin de la jeune femme. S’ils ne l’avaient pas abandonné, elle aurait connu le même sort. La physique et la chimie se mêlait de manière complexe aux pouvoirs alchimique de ces êtres anciens, comme le cœur complexe des lois de l’univers. Dans la tête de Psymio, les choses retrouvaient parfois leur sens, parfois elle se sentait perdue par les juxtapositions de souvenirs, elle avait parfois le sentiment de s’être rencontrée elle-même, aux différents stades de sa vie. Elle se souvenait avoir été Léo, puis les choses devenaient floues après ce qui semblait être un naufrage. Ses nuits étaient mouvementées, angoissantes la plupart du temps, et parfois pleine de lumière et d’amour. Psykren faisait de son mieux pour l’aider, étant lui-même soumis à des flashbacks qui le remuait. Seule l’intensité de leur amour les soutenait dans cette épreuve, la chaleur de leur corps, la tendresse de leur caresse et de leur regard qui parfois se défiaient d’abandonner ou de devenir fous.
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