Willy eut beau insisté auprès d'Ezra, il ne put rien en tirer et c'est sans lui que l'on commença à préparer ma future transformation. Je passais mon seul jour de congé de la semaine à écrire une liste du matériel nécessaire et/ou indispensable (merci d'entourer la bonne réponse et/ ou de rayer la proposition inexacte). Au bout de trois heures de reflexion intense, elle ressemblait à ça :

- Moi, bien évidemment ;

- De la limonade en grande quantité ;

- Une perfusion (pour compenser la perte de sang) ;

- Un vampire ;

- Un mordeur ;

- Une authentique tenue de bal (au cas où ça fonctionnerait, il faudrait que je sois présentable aux yeux de la cour) ;

Mais aussi plein d'autres choses presque inutiles (j'insiste sur le presque qui est ici indispensable), comme un paquet de gâteaux à l'orange, une couverture de survie, des lunettes de soleil, un polar et une polaire. Juste avant de partir pour un debriefing (je parle comme une amerloque, maintenant) avec Willy, je rajoutais un cercueil et un emplacement au cimetière en bas de la liste. Autant prévoir toutes les options.

Je ne vis pas Ezra de la soirée. Une rumeur raconte qu'il ne boit plus que du sang en bouteille depuis la trahison de sa nourriture (Pfff, n'importe quoi, je ne l'ai pas trahi). Son absence nous laissa la soirée entière pour peaufiner notre plan. La première chose qui nous manquait, c'était la date. Et aussi un vampire. Et un mordeur. Et une tenue de bal. Et un cercueil. En fait, nous n'avions que la limonade, largement fournie par Roger et la maison que Willy avait réussi à obtenir par le propriétaire qui était un vieil ami (je me méfiais en général des vieux amis vampires mais Willy avait ma confiance). À vue d'œil, ça commençait assez mal.

On fixa la date à la semaine suivante. En espérant qu'Ezra aurait fini de bouder à ce moment-là. C'est pour lui que je le faisais à la base. Willy accepta d'être mon mordeur, il ne manquait plus que le vampire. Sir Lemmon était le meilleur candidat mais j'avais compris très rapidement que l'on ne pouvait pas compter sur lui. Aussi, je laissais mon acolyte sélectionner mon futur bourreau.

Il me le présenta deux jours plus tard, alors que l'on n'avait plus de nouvelles d'Ezra, mis à part quelqu'un qui croyait l'avoir vu au cimetière déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Paralee, puis sur celle de Margaret et celle de Lucie (sans doute était-il aussi allé voir les autres membres de sa famille mais notre témoin était parti avant). Ce qui ne comptait pas vraiment comme preuve de son rétablissement puisqu'il y allait tous les jours, qu'il pleuve, neige ou vente. Le seul cas où il s'autorisait à ne pas y aller, c'était lorsqu'il y avait du soleil.

Mon futur assassin s'appelait Sullivan Langley et venait d'une famille de bergers (oui, vraiment de bergers !). Il avait l'apparence d'un universitaire rat de bibliothèque avec ses lunettes en demi-lune à la Dumbledore et ses mocassins mais avait des sacrées années d'expérience derrière lui puisqu'il était âgé de trois-cent-seize ans (et encore, les historiens hésitent sur sa date de naissance : à l'époque, les registres n'étaient pas très bien tenus). Il souriait souvent ce qui aurait pu être un bon point pour lui si ses dents n'étaient pas aussi jaunes que ma limonade. Ce qui coupa immédiatement ma soif.

Néanmoins, il jura sur sa femme (qui était la sixième à l'épouser) et ses trois enfants sur trente encore vivants qu'il ne dirait rien à personne. Heureusement d'ailleurs, car ce que nous faisions aurait pu nous envoyer directement sous la guillotine (ils pratiquent encore la peine de mort dans le monde d'en bas), sans même passer par la case prison. Motif de notre arrestation : tentative de trahison à la couronne. Par contre, si on réussit l'opération, ce que j'espère (je n'ai aucune envie de mourir) la reine actuelle mourra sur le champ et comme ça ils comprendront que j'existe. Aucune chance pour moi de vivre cachée : une reine doit gouverner son royaume.

Willy loua une robe d'occasion dans une boutique vintage (pas de budget illimité pour nous, malheureusement) qu'il fit livrer à l'adresse de ma future torture. Et nous rentrâmes chacun chez nous, les pensées emplies de terreur et d'excitation, tout ça emmêlé, comme avant de partir pour la quête des bonbons d'Halloween.