Le Shayar est silencieux ce soir. Suok regarde le plafond, allongée sur le sol de sa chambre.

Quand ton terreau c'est la haine…

“La douleur ne te quitte jamais, alors tu te scarifies pour dévier le mal, tu cognes les murs jusqu'au sang, tu te crames des cigarettes sur les bras, tu l'adores cette douleur, elle couvre celle de ton âme, tu te mets en danger : tu organise des combats à mains nues, des championnats de masse à balles réelles, tu fourgues des armes volées à des types qui ont "oublié le visage de leur père"… T'as besoin d'adrénaline! Et après l'adré sa ne suffit plus… Pourtant tu la nargues la mort, mais non, elle ne vient pas te chercher..."

Suok se lève. A peine debout, elle prend sa tête dans ses mains, bascule en avant, et s'adosse contre le mur le plus proche. Elle se retourne et se tappe le frond contre cette paroie de cuivre, le métal résonne comme une cloche dans son crâne :

- Sort. Sort. Sort !

Elle se laisse tomber au sol et se recroqueville tel un insecte pêtri de douleur. Sa respiration s'intencifie. Suok se relève comme une furie, s'agrippant à son bureau et se lance en titubant, hors de sa chambre vers la cuisine. Elle se jette sur une bouteille de whisky à moitié pleine, posée sur la table. Tire frénétiquement sur le bouchon et en boit le contenu au goulot puis balance le cadavre de verre dans l'évier. Suok reste un instant à observer la cuve d'acier, les yeux dans le vague. Elle se sent possédée par des pensées qui ne lui appartiennent pas. Des pensées d'une autre sphère, d'un autre genre.