Quelle belle soirée ! Quel homme charmant !
Bon, je vous raconte.

En sortant du bâtiment, nous n'avons pas papoté cinq petites minutes, mais une bonne heure ! Il m'a raconté qu'il ne s'était jamais marié, mais avait eu une fille avec une femme qui l'avait laissé tombé quelques temps plus tard. Malheureusement, sa fille, atteinte d'une maladie grave, est décédée quelques années plus tard.
Brisé, il a profité de son expérience pour se lancer à corps perdu dans l'écriture et écrire quelques romans.
De fil en aiguille, il est devenu écrivain à succès, et s'est lancé dans l'édition, payant ses études grâce à cette boîte de nuit, l"Exode", qu'il avait hérité de son paternel.

Je sais, tout ça n'est pas bien joyeux, mais si je vous le raconte, c'est bien qu'il y a une raison, non ?

J'avoues: il m'a tapé dans l’œil.

Et puis je me disais qu'avec toute la popularité qu'il a dans son milieu, c'est qu'il doit avoir beaucoup de volonté, non ?
Parce que moi, franchement, à 87 ans, je ne m'amuse pas à écrire des romans à succès. Je me limite à mon journal (que vous êtes en train de lire). C'est ce que je lui ai dit d'ailleurs, et il m'a rétorqué (avec politesse et courtoisie) que même un journal personnel était éditable. Mon œil !
"Si je vous assure qu'en général ça vaut le coup d’œil" m'avait il affirmé. A mon avis, il est un peu sénile.

Non je plaisante, cet homme est adorable.
Vraiment adorable.

Quand je lui ai conté mes récents déboires, il m'a assuré que cela pourrait faire un excellent livre, mais il m'a surtout donné un excellent conseil: prendre un appartement avec un colocataire.

Vous vous direz probablement que prendre un colocataire à 87 ans, c'est un peu tard, non ?

Hé bien non. Pour moi, c'est une nouvelle jeunesse, un nouveau départ, une nouvelle vie qui commence.

Et cette idée est aussi bonne à prendre dans la mesure où ma retraite ne suffit pas à payer un domicile pour femme seule, où je n'ai pas très envie de vivre toute seule, et surtout dans la mesure où je n'ai aucune, je dis bien aucune envie de me retrouver en maison de retraite.

Je vais donc chercher un appartement avec colocataire. J'adorerai que ce sois Thomas, mais je n'ai pas osé lui demander.

En vérité, là, en ce moment même je suis tout juste en train de rédiger mon annonce et d'écrire mon journal en même temps.

Je vous montre ?

"Angélique Dumont, 87 ans (et toutes ses dents) cherche colocataire (de préférence masculin) de vingt à cent ans pour une cohabitation saine et agréable (éventuellement passionnée) dans un habitat spacieux mais pas trop cher.
Merci de me répondre prestement, Angélique Dumont."

Je pense avoir correctement résumé les termes du contrat. Ou du moins, j'espère !

A moins que je doive enlever le "passionné" ?