Verre la fin
Verre de vin dans la main. Vers de fin, très certain. Robe bordeaux, odeur de merde, comme un abominable goût de défaite. L’échec en bouteille. La vérité pleine d’épines, difficile à avaler. Dans la gorge comme un oursin. Liquide visqueux, couleur sang, l’assassin. Poignardé dans le palais, ce cygne majestueux dans l’acte. Tous mes rêves dans ce vin pas cher, seulement 4€ pour finir dans mes veines.
Cachés là, sous mon épiderme. Nulle porte de sortie. Ni clé ni serrure, ni verrou à craquer ni fenêtre à briser. Seulement la damnation, la fatalité, le destin implacable et têtu comme un âne. Non. Têtu comme moi. Moi et l’âne. L’âne et moi. Stupide et inconscient. Des œillères depuis ma naissance, pour me brouiller la vue. Mon cerveau comme des œufs, pour faire paraître l’avenir plus accessible, plus facile à atteindre, le bonheur à portée de main.
Pourtant voilà ma vie : un fauteuil, mal en poing, trop vieux pour tenir droit, un vin bas de gamme dans une bouteille en plastique, des volets toujours fermés ; pas d’air frais dans l’appartement, jamais ! Respiration usante et poussiéreuse pour vivre pleinement de mes demi-poumons.
Mort programmée, sûrement une crise cardiaque. « Trop de gras dans la bouffe ! » les héros des temps modernes, mes pseudo-sauveurs de la crise de foie, mais pas le temps pour leurs conneries. Mon manque urgent de Big Mac dans le ventre comme des boules Quies dans mes oreilles. Sourd comme un pot pour les gens bien. Paradoxe vieux comme le monde. Paradoxe dans mon ombre, dans mon sang, dans ma tête. Paradoxe muet, discret et silencieux. Comme mes rêves ; présent sans se présenter à moi. Absences psychologiques de mes cellules.
L’échec comme une partie de moi réveillée par ce verre de fin minable.
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