Un frisson parcourt mon échine, décuplant des sentiments que je croyais enfouis six pieds sous terre. Je lâche le cadre que je tenais dans mes mains, puis fixe ma commode, blafard. Des larmes perlent le long de mon visage déchiré de rage. Une colère aussi bleue que le ciel s’empare de moi. La suite est terrible…

 Mes cheveux bruns s’hérissent en plusieurs piques étincelants. La chambre, laissée dans l’obscurité, devient une prison mortelle. Ma peau rejette toute l’eau présente à l’intérieur de mon corps en un jet très puissant. Les armoires se renversent, les bibliothèques s’écroulent. C’est une vague qui vient détruire la seule pièce dans laquelle je vis. Le temps n’est plus un ennemi, c’est un allié, un confident. Ma colère finit de se déverser, atténuant de plus en plus mes larmes. Le torrent se calme peu à peu et retourne dans sa base. Je m’affaisse sur mon lit, envahi par la souffrance, et ramasse le cadre fissuré aauquel mes mains s’agrippaient plus tôt. De l’eau suinte de mes pores irrités. Mes draps deviennent vite mouillés. Je maîtrise mes pensées, même les plus sombres. Je fixe la photo avec une telle concentration que j’en oubli qui je suis. J’imagine cette dame en tenue de scientifique, pratiquant ses expériences sur moi. Son propre fils ! Cette femme qui voulait répondre à une question existentielle : comment vivre dans l’eau ?

 Je vois mon reflet dans la glace renversée à mes pieds. L’eau ressort de mon corps puis le réintègre, exécutant ainsi un cercle sans fin. Je regarde mon visage bleuté et me dis qu’au final je ne vis pas dans l’eau. Je partage mon existence avec elle.