Pressentiment explosif

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Entouré de mes amis, je laisse mon regard se perdre entre les braises qui nous réchauffent les doigts de pieds. Le ciel étoilé berce mon esprit et ravive une flamme qui ne s’éteindra jamais. Je repense à mon ancienne vie. Des lueurs de regrets, d’espoir et de joie se battent pour savoir lesquelles remporteront l’unanimité à l’intérieur de mes tourments. Une guerre sans réel but. Simplement des souvenirs qui renvoient leurs sentiments. Un bouquet multicolore.

Une main amicale me tape soudainement le bras gauche.

— Encore dans les nuages ? me demande Fabien d’une voix grave et fatigué, mon fidèle ami depuis plus de quinze ans.

Je hoche la tête. Il sait. Il m’a soutenu durant cette période longue de ma vie. Douloureuse. Une tempête de flamme autour de mon corps. Littéralement.

C’était un mardi, je m’en souviens comme si c’était hier, à mon grand désespoir. À l’extérieur, l’orage grondait. La cheminée n’était que la seule source de lumière dans l’appartement. La pluie s’abattait, drue, telle une mitraillette de grêlons.

À cet instant, j’ai su que la coupure de courant n’était pas anodine. Je n’étais âgé que de neuf ans, mais un pressentiment m’a traversé le cœur. Quelques secondes plus tard, le chien levait ses oreilles. J’ai regardé une nouvelle fois la cheminée, puis la fenêtre. L’illumination avait jailli.

J’ai emmené Zebra, mon dalmatien, puis suis rentré dans la chambre de mes parents. Du moins, j’ai essayé. J’ai tambouriné sans pouvoir ouvrir. Mon cœur battait la chamade. Des gouttes de sueurs filaient le long de mon dos crispé. Je me souviens avoir ressenti un goût de fer dans ma bouche ; je me déchirais la peau de la lèvre inférieure. Les larmes perlaient.

Je pense qu’elles auraient suffi à éteindre le feu de l’explosion qui retentissait une poignée de secondes après être sorti de l’immeuble. Malheureusement, les rêves ne se réalisent pas toujours. Ce souvenir est même devenu un cauchemar. Une réalité que je ne peux esquiver.

Aujourd’hui, je me demande pourquoi un attentat a-t-il eu lieu dans mon immeuble ? Pourquoi mes parents étaient coincés ? La panique ? Un plan méthodiquement réfléchi ? Et que sais-je encore.

Je pense que ce qui m’achève le plus, c’est lorsque j’ai décidé de regarder dehors. Pourquoi ? On n’y voyait rien, bon sang ! Qu’est-ce que je faisais à dix heures du soir, alors que je me couchais à vingt-et-une heure habituellement. À travers le carreau, dessiné entre deux averses, j’avais distingué trois silhouettes avec des bonbonnes de gaz entrer dans l’immeuble. Papa m’avait montré à quoi ça ressemblait autrefois. Il m’avait surtout dit de ne jamais m’approcher de la plaque de cuisson que nous possédions avec du feu et de n’y toucher sous aucun prétexte.

Les responsables de ce crime odieux se sont suicidés pour faire dix-sept morts.

L’intuition ne s’expliquait pas. J’ai mis mes yeux là où il fallait au bon endroit et au bon moment.

À croire que le ciel a le choix de vie pour certains.

Cette nuit, il m’a épargné, pour faucher l’âme de mes parents.

Cette nuit, il a décidé que je serais seul rescapé d’un drame dont on ne ressort généralement jamais indemne.

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