Bientôt minuit, 24ème heure de la journée, bientôt minuit, 12ème mois de l'année. Cette année que d'aucuns diront de merde, d'autres de transformations, crépuscule du pouvoir, de la manipulation des orgueils des hommes, aube des nouveaux mondes aux airs pacifiés, empleins d'éternité, de sollicitude et de conscience.

2020, l'année où l'homme occidental dans son Europe (ouest) dorée prit conscience de son interdépendance. Morgue et force n'ont eu de cesse de renforcer les schémas décadents. La Méditerranée aux accents surranés, n'accueillait plus cette année-là les bourgeois, les new ages, ni les hippies vas-nus pieds. Elle transformait ses flots en linceuls pour engloutir la misère d'immigrés économiques, climatiques, politiques.

Quant à l'approche du printemps, survint en passant un minuscule virus qui figea la planète et les rois du prétrole dans les atours de leurs vies de dupes. Puisses-tu écouter le son du vent, les larmes des nuages, les cris plaintifs de la faune qui se meurre. Puisses-tu réagir et choisir un rôle plus inclusif sur la planète qui te porte. Homme !

Qui suis-je si petite venant ici danser quelques entrechats, embrasser comme au temps où il était permis de flairer l'odeur des cheveux des gens aimés. Qui suis-je venant ici observer la lente combustion des atomes de magie. La planète souffre de la pleine surexploitation de ses ressources puissantes.

Alors, je m'assois en tailleur et j'écoute mon coeur. Je suis née d'un élan de vie, d'une étincelle d'amour, d'une idée saugrenue dont je ne sais si elle m'a appartenue ou si elle fut dictée par quelque hasard auquel je ne crois plus. Je suis née et j'ai arpenté. J'ai appris pour savoir que je ne sais rien. J'ai appris pour savoir ce que je voulais faire de ces connaissances.

Voilà l'ultime question. Alchimiste, nous le sommes tous. De nos choix, nous façonnons notre existence qui nous façonne en retour. J'expérimente mon corps physique et cahin cahan, j'en admire l'harmonie et l'habileté à tenir un équilibre inné. J'en regrette les indices de flétrissures qui annoncent tels les cercles au creux des troncs d'arbres, les ans qui filent et rapprochent de ma condition humaine, la finalité. Certes, de quelle finitude parle-t-on ? La matière de chair et de liquides qui circulent en circuits ombiliques dans le périmètre de mon espace ? la finitude des pensées circonvolues qui s'évaporent de quel espace d'ailleurs, le cerveau ou le coeur, et créent les actes à poser comme autant de pierres assurées sur un chemin ensoleillé, ou de ravins glissants dans l'entrechambre des enfers ? La finitude de mes émotions, la finitude des énergies qui sont mes élans vitaux, la finitude de mon âme ? Ou celle de mon être social ?

Car voici la question : je suis un être qui nait, éclot et grandit dans un tissu social enchevêtré qui me porte et me nourrit en placenta de ma vie. J'en reçois les échos, les histoires, les pactes et les grèves, les impacts de caresses et les soufflets des perfidies. Etre social, né de la glaise de l'humanité façonné dans la généalogie de ma lignée. Cette lignée que je célèbre, que j'honnore aussi.

Etre à part entière, mais non isolé à poursuivre un destin commun. En 2018, j'appris et j'expérimentai un mot doux, beau, comme un bonbon sucré à savourer dans le palais : ubuntu. Il signifie, je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous. J'expérimentai la puissance du nous. La belle, celle qui élève.

Puis j'empruntai un chemin sinon ardu, sinueux, pour me mener à la source de mon être, je n'ose poser l'idée de mon âme, car je sens qu'elle n'est pas suffisante. L'idée de mon âme et l'idée que je m'en fais sont peut-être deux amies qui se côtoient et dansent dans la flamme du même feu. Pour autant, je crois que toute réponse est cachée enfouie au creux du soi, pour servir une destinée plus grande que soi seule. Ainsi, d'incarnation en incarnation, il n'y a pas seulement à apprendre pour soi le nom des sels de la vie, et des pierres à charpenter pour construire sa sécurité. Il y a à choisir le ballet auquel on appartient pour que jamais ne s'estompent les arabesques de l'art d'être humain.

Nourrie de la glaise matière commune à notre façonnée, je choisis la qualité et la couleur que je veux lui apporter aujourd'hui et pour demain, en ma présence ou mon absence. C'est un destin plus vaste que nous tissons.

Alors thérapeuthe ? Quelle est ta finalité et ton besoin d'être ? En tant qu'issue de l'élan vital commun à notre espèce, commun à la vie, je ne suis ni différente et en ce sens tout autant louable et essentielle, ni complètement semblable et en ce sens grise et inconsistante. Je ne peux m'octroyer les dons dont tout le monde dispose, je ne peux m'exclure des spécificités et des habiletés qui éclairent mon unicité.

Alors thérapeuthe ? C'est celui qui au sein des connaissances extrait celles qui placent l'autre en sécurité d'être, de s'exposer pour mieux grandir, pour mieux choisir la trajectoire de ses actes et de ses sentiments. Que t'importe de soigner un seul homme qui ne veut l'être ? Car d'aucuns ne soignent que celui qui est prêt à ouvrir une porte, une réponse, un indice, qui l'alignera de nouveau dans sa trajectoire d'harmonie. En quoi est-ce important de porter parole, message, soins et attentions, si ce n'est dans une visée altruiste de permettre l'harmonie des âmes et l'expansion des mages ? Thérapeuthe, c'est dans son humilité qu'il peut guider, conduire, jamais dicter. Il dicterait sa vision, il clonnerait sa pensée et appauvrirait l'autre, au final lui-même. Auparavant il aura travaillé à définir et différencier croyance, opinion et vérité. Il aura travaillé à consulter les écrits et les avancées en la matière. Il travaillera à ne jamais s'assoir et se figer dans quelque certitude, engendrant le tarrissement des idées, de la circulation des choix et la mort.