CHAPITRE 6 - L'illusion d'une belle rencontre

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21 novembre 2014 - 17 heures 45

— Chapitre 1er " Le 15 juillet 2005 - Ma rencontre avec Pierre ".

Avant de continuer plus loin, le médecin s'était arrêté et avait guetté l'approbation de la patiente. Apparemment, le ton de sa voix ainsi que sa vitesse de narration avaient l'air de lui convenir. Et tandis qu'elle battait légèrement des paupières, il avait poursuivi :

— J’avais 20 ans lorsque nous nous sommes rencontrés. Lui en avait 32. C'était par une belle journée d'été où tout paraissait plus beau, plus gai, plus prometteur. Je marchais au hasard des rues, m'intéressant aux boutiques à la mode et souriant aux passants, quand je l'ai vu. Soudain, le flash ! Le temps s'arrête ! La rencontre de deux corps ! Une attirance physique irrésistible. Un élan vers l'autre, impossible à comprendre et à expliquer. Souvent, je me suis dit qu'il aurait suffi d'un rien pour que mon destin prenne une autre direction. Une inattention ou un regard porté ailleurs, auraient changé l'ordre des choses. Seulement ce jour-là, la vie en avait décidé autrement. Un regard en coin pour moi et un regard pressé pour lui. Ces deux regards croisés avaient scellé nos destins.

Immobilisé à ma hauteur, il m'avait souri et m'avait fixée derrière de longs cils bruns. Puis relevant le menton, il m'avait signalé le bar juste à côté. En quelques secondes, j'étais sous le charme. Sous SON charme ! Sans qu'il n'ait eu à me faire de longues tirades ou même à prononcer le moindre mot, j'étais déjà aux anges. J'étais conquise... à lui...

— Oui, je me souviens... avait soupiré Caroline. Je me souviens combien il était prévenant... altruiste, délicat et galant... À ses côtés... Pfft... j'avais l'impression d'être quelqu'un d'intéressant... D'avoir enfin de la valeur... Il faut dire qu'à l'époque, bien qu'étant plutôt gaie, sociable et pleine de vie... je ne me sentais pas très à l'aise dans ma peau de femme... Pfft... Je ne me trouvais pas forcément jolie... En prime, j'avais peur de ces hommes remplis d'assurance... Je les assimilais à des loups séducteurs... Mmm... Mais reprenez s'il vous plaît, docteur... Reprenez donc...

— Lui, avocat à la cour d'Appel de Versailles, grand brun aux yeux de braise, à la démarche élégante qui, pour ne rien gâcher, me parlait comme jamais personne ne l'avait fait. Quand il s'adressait à moi, j'avais la sensation d'être un diamant ; un joyau de grand prix. D'être en quelque sorte "la huitième merveille du monde". C'est de...

Sans tourner la tête, Caroline Martin était intervenue :

— Oui... c’est de quelqu’un comme toi dont j’ai besoin en ce moment..., m'avait-il dit sur un air d'opéra... Pfft... Si vous saviez docteur combien je me suis sentie unique... belle et importante, quand il m'a dit cela... Ma seule erreur fut de n'avoir pas prêté attention à la fin de sa phrase... Car voyez-vous docteur... le fait de me préciser "en ce moment", n'était en rien... anodin... Pfft... Ce que cet homme me disait à cet instant précis de la rencontre, était parfaitement juste et orchestré dans sa tête... Pfft... À cette période de sa vie, Pierre Martin avait réellement et absolument besoin d'un jouet... C'était une nécessité pour lui, pour sa vie, pour son équilibre et son épanouissement... En l'espace d'un regard, il avait su détecter en moi ce futur jouet qu'il prendrait plaisir à piétiner et à casser en mille morceaux... Mmm... Dès lors... Dès notre rencontre et au vu de ma motivation béate à avaler intégralement et systématiquement toutes ses couleuvres,... il m'a ferrée et a lancé le processus de destruction... Ruse après ruse, il a tissé sa toile machiavélique autour de moi... Il m'a emprisonnée dans ses filets... Pfft... Mais reprenez donc là où vous en étiez, docteur... Reprenez, s'il vous plaît...

Obéissant à l'indolente injonction, le professeur s'était courbé vers le journal de bord pour cheminer de nouveau dans le récit :

— Oui, tout avait commencé par un inattendu et merveilleux coup de foudre. Enfin, du moins pour ma part. J'avais donc selon ma pensée "Trouvé mon prince charmant". Pour moi, il était sans nul doute l'homme rêvé, l'homme parfait qui répondait à mes critères. Celui qui selon mes ambitions, devait me faire vivre un conte de fées. À mes yeux, il représentait l'homme idéal. Incroyablement beau, d'une intelligence rare, drôle, séducteur et toujours disponible pour moi, inutile de rajouter que j'étais en extase devant cette perle rare. Et bien que surprise qu’il me trouve à ce point " divertissante, réjouissante, fraîche et follement captivante " selon ses termes de l’époque, je pensais avoir trouvé mon vis-à-vis et m'estimais sacrément chanceuse. Comment ne pas le croire, quand cet homme qui n'avait qu'à claquer des doigts pour se dégoter une appétissante demoiselle, m'appelait sa muse, son inspiratrice, sa fée ? Je me sentais tellement désirable, si importante à ses côtés.

Tsss... grogne Caroline... Des années après, j’ai compris de quelle manière je l'inspirais, ce pervers calculateur… Pfft... Qu'est-ce que j'ai été sotte et naïve... Une vraie cruche qui a gobé son histoire de "muse" et qui, pas une seconde ne s'est méfiée de lui... Pourtant, quand j'y repense, quelle bêtise... Quelle bêtise de m'être fait berner de la sorte... Quelle bêtise d'avoir succombé à ses discours enjôleurs… Pfft... Oui, car bien que pensant que ce mec "canon" devait collectionner les belles femmes..., et m'étonnant qu'il ait pu flasher sur moi... je me rassurais en me disant que je devais certainement avoir quelque chose de plus... ou tout au moins de différent que toutes ces "miss monde " qui lui tournaient autour… Pfft... Mais quoi ?... Qu'avais-je d'autre de mieux qu'elles ? Savourant mon bonheur, je ne cherchais finalement pas à le savoir... Pfft... Toutefois, peu sûre de mes atouts charmes, mais lucide quant à mon physique ordinaire et plutôt passe-partout... je m'étais jurée de faire mon maximum pour le garder... Et surtout pour le garder fidèle... Sainte nitouche que j’étais... Tsss... Mais veuillez reprendre docteur... Je vous en prie... Pfft... veuillez reprendre...

— Pour lui plaire, je me suis pliée à ses désirs les plus vicieux et j'ai répondu à ses plus bas instincts. Aveuglée par l’amour, j’ai cédé à ses caprices et j'ai...

Comme mue par une colère soudaine, Caroline n'avait pu s'empêcher de grommeler :

— Oh, je sais avec le recul, que je n’aurais jamais dû céder...Pfft... Seulement j'étais sous le charme... Très vite, je suis tombée follement amoureuse de lui... Au point de me damner pour qu'il reste avec moi... Pfft... J'étais prête à tout pour lui plaire... Ah ça, je l'ai bel et bien vendue, mon âme... Enfin... continuez docteur... continuez donc...

— À l'époque, ignorante, confiante et inexpérimentée que j'étais, le fait de me savoir aimée et choisie par un être exceptionnel que j'identifiais comme étant le savant mélange de Brad Pitt, de mère Thérésa, d'Andréa Bocceli, de Franck Dubosc et de Bernard Henri Levy, me faisait tourner la tête. Je me disais naïvement que j'avais une bonne étoile qui brillait au-dessus de ma tête et que j'étais bienheureuse. Qu’un tel homme ait pu craquer pour moi, c’était pour moi complètement fou, totalement inespéré. Dans mon esprit crédule, j'étais persuadée d'avoir non seulement, tiré le bon numéro, mais d'avoir décroché le gros lot. Je n'atterrissais pas et, malgré le fait que très vite, il se comporte de façon bizarre avec moi et me demande de faire des choses surprenantes et, je dois l'avouer, plutôt malsaines, la Terre ne me portait pas. En réalité, je n’étais qu’une sombre idiote, aveuglée par une passion amoureuse et prenant sa revanche sur des années de rejet. Un rejet enfoui derrière mes rires et mes sourires, mais hélas un rejet toujours présent et bien loin d'être guéri. Un rejet, qui je le sais aujourd'hui, datait de mon enfance et trouvait ses origines dans ma relation paternelle.

Mon père était un autocrate doublé d'un perfectionniste qui ne s'était jamais réellement intéressé à moi et ne m'avait jamais félicitée, encouragée ou soutenue. Jusqu'à ce que je quitte la maison, mon père n'avait fait que m'ignorer, me négliger et m'engueuler. Bercée par les mots doux et valorisants de Pierre Martin, j'ai très vite succombé. En peu de temps, sa fausse gentillesse m'a rendue dépendante. En quelques jours, le piège s'est renfermé sur moi. J'étais à ce point aveuglée, qu'il m’a fallu sept ans pour ouvrir les yeux sur lui et me défaire de ce besoin d'être aimée à tout prix. Sept ans pour réaliser que ce type n'était pas net et aurait dû se faire soigner. Sept ans pour comprendre que son ambition, son rêve et son unique plaisir était de me briser. Sept ans pour comprendre qu'il n'avait qu'un seul projet en tête : Celui de me détruire et de m'écrabouiller sous sa botte comme un insecte insignifiant.

— Oui, sept ans, docteur... avait soupiré Caroline. Sept ans, rendez vous compte docteur...

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