J’ignore depuis combien de temps nous sommes enfermées dans ma chambre. Toi, recroquevillée dans mon lit, les yeux dans le vide. Moi, allongée à même le sol, emmitouflée dans un sac de couchage, les yeux rivés au plafond. Je guette le moindre de tes mouvements, je surveille ta respiration.

Au-dehors, Paris reprend vie. Les klaxons poursuivent leur chant, les chaussures claquent de plus en plus fort sur les trottoirs, les magasins ouvrent à nouveau leurs portes et la Tour Eiffel a repris ses rondes lumineuses dans la nuit.

Il faut que tu prennes l’air. Mais cette cacophonie te ramènerait trop vite à la réalité. Il te faut du silence. Mais j’étouffe. Je n’en peux plus de ces quatre murs blancs et de cette minuscule fenêtre qui laisse à peine entrer le monde extérieur.

Je deviens folle. Il faut qu’on sorte. Qu’on parte.

Je me lève, remplis un sac de vêtements et de restes de nourriture qui traînent dans les placards. Je t’aide à te lever, te changer, tu ne poses aucune question. J’éteins les lumières, je ferme la porte à clef et nous entraîne dehors. Tu ne lâches pas ma main durant tout le trajet jusqu’à la gare. Le métro me semble une mauvaise idée alors je t’entraîne dans les rues. Je fais au plus vite, espérant que tu tiennes jusqu’au bout. Au guichet, deux billets pour le prochain train. Un ailleurs dont je ne retiens même pas le nom. Dans ma tête, un seul lieu compte. Celui où tu te trouves, celui que tu n’as pas quitté depuis cette nuit-là. Ton corps est ici, mais ton esprit, lui, est encore là-bas.