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Essoufflée, je parviens enfin en haut du chemin. Mes poumons me brûlent, mes cuisses sont en feu, mais ma tête s’est éteinte. Le bruit s’est envolé. Je le sais, c’est la fin.
Après avoir respiré profondément à plusieurs reprises, j’ouvre les yeux et regarde le spectacle qui s’offre à moi.
Entouré d’arbres dont les cimes semblent toucher le ciel, l’étang baigne dans une lumière dorée projetée par les rayons du soleil qui percent à travers le feuillage. De nombreux cairns sont dispersés un peu partout, apportant à l’endroit une ambiance de magie. Cette fois, je sais qu’on y est. Pour de bon.
Je me délaisse de mon sac et avance vers l’eau sans réfléchir, sans te regarder. Je rejoins un monceau de terre au milieu du plan d’eau en marchant sur les gros cailloux et me mets à l’ouvrage. Je rassemble des galets et les empile les uns sur les autres.
Une pierre pour l’amour que je te porte. Une pour les sourires que tu me donnais. Une pour ces fois où nos corps et nos souffles se sont mêlés. Une pour la vie que tu m’as insufflée. Une pour la joie qui t’habitait. Une pour le soleil que tu étais. Une pour celle que tu étais. Et une pour ton absence.
Ta perte.
Ta mort.
La douleur.
Cet édifice repose ici, au milieu d’autres, dans un endroit où tu n’es jamais allée mais où j’ai décidé d’amener ma peine et de la laisser. Malgré les larmes sur mes joues, je rejoins la rive, reprends mon sac et décide de redescendre dans le monde des vivants.
Je me retourne une dernière fois. Tu es là, au milieu de l’étang, dans la lumière du soleil, près du petit cairn bâti pour toi. Tu souris.
La vérité, c’est que tu n’es jamais sortie du Bataclan.
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