4.5 Le début des ennuis

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Solène est nerveuse aujourd'hui. Sa mère, la Vice Suprême Sophie, vient déjeuner. Ma jolie blonde vérifie quatre fois sa tenue. Elle m'a mis des vêtements chics et le repas vient d'un traiteur. Ma déesse rectifie sa coiffure au moins dix fois. Elle est vraiment terrifiée par la venue de Sophie.

Avec une demi-heure de retard, Alpha Sophie arrive enfin avec Numéro Un. Mon ancien camarade est pâle, il a perdu au moins cinq kilos. Son regard est fuyant, regardant par terre. Lui aussi est terrifié, comme Solène. Il a un œil au beurre noir. Une sensation de malaise s'insinue en moi aussitôt.

Solène embrasse sa mère, elle est aux petits soins. La Vice Suprême critique tout, l'état du jardin, la moindre mauvaise herbe, les ballerines de Solène, sa tenue et la mienne. Les couleurs de la maison lui déplaisent et le peu de meubles lui donne l'impression d'être chez une pauvre. Alpha Sophie est une vraie connasse. Solène se laisse faire, ne dit rien, subissant les critiques en serrant les lèvres.

Je suis en colère. Elles se mettent à table. Les reproducteurs ne sont pas conviés. Solène m'a prévenu. J'entraîne Numéro Un dans l'entrée comme convenu. Nous mangeons assis par terre. Solène nous a caché dans le placard du pain, du jambon, de l'eau, du jus de fruits, des tomates coupées, du beurre coupé, de la salade : de quoi se faire un bon gros sandwich chacun. Numéro Un n'ose pas toucher la nourriture.

Il observe sa propriétaire. Alpha Sophie nous tourne le dos, trop occupée à critiquer le choix des mets de Solène. Je fais signe à mon ami de manger. Il dévore à toute vitesse. Il n'a pas dû se nourrir correctement depuis un bail. Je lui cède la moitié de mon sandwich de bon cœur. J'aurais à manger ce soir, pas lui.

Je vois des traces de coups et de brûlures par décharge sur ses poignets. Il n'a pas eu la même chance que moi. Bien qu'elle soit très attirante aussi, c'est sûr que l'acte de procréation doit être moins facile avec la Vice Suprême qu'avec une fille belle et douce comme Solène. Les traits de Numéro Un sont tirés. Il doit manquer de sommeil ou d'air frais, voir les deux.

Je ne reconnais pas mon camarade de promo. En deux mois, il a considérablement changé et ressemble à un animal apeuré. Il sursaute si je m'approche, a peur que je le frappe si je frôle sa main en prenant de la nourriture. Il se cache pour manger comme si j'allais lui voler. Il est devenue une bête sauvage.

On ne peut pas se parler. J'écoute la discussion des deux femmes, ou plutôt le monologue de plaintes de la Vice Suprême Sophie. Elle se plaint de tout , y compris de ses amies Alphas Cassandra et d'autres. Je croise le regard de Solène. Je lui souris pour lui remonter le moral. Au bout de plusieurs heures, la Vice Suprême se lève pour partir. Je secoue Numéro Un qui s'était assoupi. J'apporte le manteau le temps qu'il émerge. Elle critique Solène sur mon absence de laisse ou de chaîne. J'entends Solène dire que je suis bien docile et qu'elle n'en a pas besoin. Sa mère jette un œil méchant sur les assiettes vides.

— Tu le nourris trop, dit-elle en tapant Numéro Un avec son pied.

Elle m'attrape le bras et m'enlève ma chemise.

— Ma parole. Mais tu ne le corriges pas. Il doit être éduqué.

Solène intervient, elle lui dit que je suis obéissant et bien éduqué. Je suis gentil et non agressif. Solène tente de calmer sa mère. La Vice Suprême attrape le fouet et frappe Solène.

Je bondis pour encaisser le coup à sa place, provoquant la fureur d'Alpha Sophie qui me fouette et m'envoie des décharges, pouvant prendre le contrôle de mes entraves en tant qu'Alpha. Elle me frappe avec ses pieds. Solène hurle, la supplie d'arrêter.

— MÈRE ! PITIÉ ! MÈRE ! ARRÊTEZ ! JE VOUS EN SUPPLIE ! ARRÊTEZ !

Solène est en pleurs. Malgré les coups, je suis en rage et en nage. Sophie finit par se fatiguer. J'ai le cœur qui bat à toute vitesse à cause des décharges et de la douleur. Mon corps entier est meurtri et chaque articulation m'est douloureuse. Cependant, Sophie n'a pas pu toucher Solène. Je ne l'ai pas laissé s'approcher de ma jolie blonde. J'ai des envies de meurtres. La Vice Suprême s'en va. Je reprends mon souffle et me dirige vers Solène pour sécher ses larmes. Pour la première fois, elle me repousse avec violence et me crie dessus.

— C'EST TA FAUTE ! TU L'AS PROVOQUE ! TU N'AURAIS PAS DÛ T'INTERPOSER ! LA LAISSER ME FRAPPER ! TU L'AS MISE EN COLÈRE ! TOUT CA NE SERAIT PAS ARRIVER SI TU ÉTAIS RESTE IMMOBILE ! VA-T'EN ! JE NE VEUX PLUS TE VOIR !

Solène part en courant vers la chambre et claque la porte. J'essaye de la suivre. Elle a verrouillé le loquet. Je lui parle. Elle me hurle dessus, m'ordonne de me taire. Solène m'envoie une décharge pour me faire taire. Je suis sous le choc, abasourdi et incrédule. La situation m'échappe. Je vais me soigner dans la salle de bains. Solène pleure toujours. Je retente d'ouvrir le dialogue. Elle refuse de me parler. Je me reprends une décharge. Je vais dormir sur le canapé du salon par dépit.

Solène n'est plus gentille. Elle n'adresse plus la parole ou alors mal et me gronde. Ma jolie fleur m'envoie des décharges parfois et me fait dormir par terre. Pour la première fois, elle limite ma nourriture. Je ne sors plus de la maison. Solène n'arrête pas de pleurer. J'ai essayé les premiers jours de reprendre contact avec elle. Elle m'a repoussé, puni et électrocuté. Dès que j'ouvrais la bouche, dès que je m'approchais. Je ne comprends pas. Je n'ai rien fait de mal. J'ai protégé Solène. Pourquoi est-elle en colère contre moi ?

Je ne reconnais plus la douce créature que j'ai connue. Elle ne m'emmène plus dehors, ne me laisse plus venir près d'elle. Je dors dans le canapé. Solène ne me regarde plus, m'évite. Je la dérange. Elle pleure. Beaucoup. Quand je lui ai demandé ce que j'avais fait de mal, elle m'a juste répondu méchamment.

— Tu n'as pas laissé mère m'éduquer. Tu ne dois jamais contrarier mère.

Puis elle est partie dans la chambre et j'ai entendu des sanglots. Je continue d'être bien nourri. Je reçois quelques faibles décharges quand j'essaye de parler à Solène. Elle n'utilise pas le fouet ou de fortes décharges contre moi.

Sa mère est revenue plusieurs fois, tous les deux mois. À chaque fois, elle critique Solène et me tabasse sans raison. Que je la regarde effrontément ou que je baisse les yeux, que je sois debout ou à terre. Elle a même ramené une cravache une fois, par pur plaisir. Mon dos a été lacéré. Solène n'a pas bougé. Elle laisse faire. Je l'ai regardée toute la durée des coups. Solène sursautait et avait les larmes aux yeux, cependant, elle ne bougeait pas et ne demandait pas à sa mère d'arrêter.

Pourtant, je vois dans ses yeux qu'elle n'est pas d'accord quand sa mère me rosse. Cela est illogique. À chaque fois, je dois me soigner seul. À chaque fois, Solène pleure pendant deux jours. Les tensions s'apaisent à peine que sa mère revient. Solène n'ose plus me regarder.

Quand elle sort, je lis pour m'occuper. Je sais lire. C'est un de mes rares privilèges de reproducteur Delta. On nous a appris à lire, écrire et compter pour ne pas faire honte à notre future propriétaire. Solène a une bonne bibliothèque. Je lis aussi son ordinateur. Elle ne pense pas à le verrouiller quand elle sort ou quand elle dort.

Je comprends son métier, du moins les grandes lignes. Elle corrige et remet en forme les discours de sa mère ou les décrets qui sortent, écrit le journal officiel de l'État. Elle fait des résumés des différents rapports des conseillères. Je lis ses mails. Beaucoup sont professionnels, beaucoup de reproches de sa mère.

Je fais le lien entre les mails de la Vice Suprême, les nouvelles punitions que je subis et l'humeur désastreuse de Solène. Ma propriétaire est loin d'appliquer toutes les corrections conseillées par sa mère. Bien que je sois malheureux, je n'ai pas le dixième de ce que je devrais subir. Sophie n'est pas la seule à donner des conseils "éducatifs". Des amies de Sophie dont Alpha Cassandra communiquent directement avec Solène et n'hésitent à s'exprimer sur le sujet.

Parfois, je lis des échanges entre Sophie et d'autres Alphas. Solène est dans la boucle et relis les messages pour enlever les fautes, répétitions et tournures de phrases maladroites. Selon les personnes, Sophie est plus ou moins diplomate. A vrai dire, il n'y a que quatres femmes avec qui Sophie fait attention à son langage. La Suprême Déborah, et les Alphas Cassandra, Célia et Clara. Les autres, elle impose sa volonté sans mettre les formes.

Je lis aussi les mails que Solène envoie ou écrit à ses amies. Un vrai journal intime. La jeune blonde ne veut pas me faire de mal. Elle y est obligée par sa mère. Elle pleure de ne pas arriver à lui plaire. Solène souffre de me voir ainsi maltraité, de devoir me punir. Elle est malheureuse. Elle pense que c'est elle qui est en tort.

Certaines de ses amies partagent sa douleur. D'autres la traitent de faible. Je ne devrais pas savoir ça. Je fais bien attention de ne pas me faire surprendre. Je n'arrive pas à détester Solène, cependant, je suis de plus en plus en colère, contre la Vice Suprême, contre les femmes, contre Solène qui manque de courage face à sa mère. Je commence à haïr la Vice Suprême.

Je ne supporte plus cette situation. Solène est sortie. J'ai bien regardé à chaque fois qu'elle sort. Le code pour ouvrir la porte est 3692. Je regarde par la fenêtre. Elle est loin. Il n'y a personne dans la rue. Je déverrouille la porte d'entrée. J'ouvre et passe le visage. Je suis dans le jardin. Je fais mine de sortir les poubelles. La rue est vide à cette heure dans ce quartier résidentiel. Je passe l'angle de la rue. Je reçois une première décharge, assez violente. J'entends mon collier bipper. Je me mets à courir pour m'éloigner. Je me fais électrocuter de plus en plus fort au fur à mesure que je m'écarte de la maison. La douleur est trop forte.

Je suis à bout de souffle. Mon cœur bat à toute vitesse et je n'ai fait que cinq cent mètres depuis la première décharge. Je suis tétanisé au sol à ramper. Je fais demi-tour et rentre, le cœur au bord de la crise. Dès que j'atteins le lieu de la première décharge, mon collier redevient silencieux. Les chocs électriques cessent. Je tente dans l'autre direction. Je décris un cercle de sept cent cinquante mètres autour de la maison. Mon périmètre de liberté.

Les sonneries font sortir le peu de femmes restées chez elle. Je rentre à la maison pour me cacher. Ma peau est rouge au niveau des électrodes des bracelets et du collier. Tant bien que mal, je me soigne en passant les doigts sous les bracelets et le collier. Je me mets à crier de rage. Je suis un animal en cage. Solène rentre peu après. Elle est contrariée et fonce à son bureau sans m'adresser la parole. Du soir, elle m'appelle, ses yeux sont rouges, encore une fois.

— J'ai vu ce que tu as fait ce midi. J'en ai été informée sur mon bracelet de gestion. Je viens de réduire le périmètre. Tu ne pourras plus franchir l'extrémité du jardin. J'ai augmenté la puissance des décharges. Déshabille toi. Ne garde que ton caleçon. Bien. Maintenant, dehors. On se verra demain matin si je suis calmée. Je ne veux plus te voir dans la maison.

Je suis dehors, à l'entrée en sous-vêtements alors qu'il gèle. Je tambourine à la porte et hurle son prénom. Je présente mes excuses. Je sais qu'elle entend. Je la vois juste derrière la porte d'entrée. Je l'entends sangloter. Je m'agite pendant plus d'une heure. Dès que je m'approche du bout du jardin, je reçois une violente décharge, bien plus forte que tout à l'heure.

Je suis frigorifié. Mes pieds deviennent bleus et mes doigts aussi. Il y a du vent. Je me réfugie dans la cabane à outils pour me protéger du froid. Je grelotte et mon souffle forme un nuage devant ma bouche gelée. Je m'empare des bâches de protection de la tondeuse pour me couvrir. Je me suis roulé en boule comme un chien. Je ne dors pas de la nuit. J'ai trop froid. J'ai peur de mourir si je m'endors.

Quand vient le matin, le vent est tombé. Il y a un peu de soleil. Je tente de me réchauffer sous sa lumière. Solène sort, me jette un regard et s'enfuit en courant à sa voiture. Elle a laissé la porte d'entrée ouverte. Je peux rentrer. Je fonce prendre une douche chaude et m'habiller de plusieurs couches. Je grelotte encore. Je me fais un chocolat chaud et mange.

Il me faut plus d'une heure pour me réchauffer. Les extrémités de mes pieds et de mes doigts sont des lames de couteau qui martyrisent ma chair à chaque mouvement. Solène est rentrée sans un regard et sans un mot. Elle s'est enfermée dans son bureau. Elle n'est sortie que quelques minutes pour se faire un sandwich et est retournée se cacher.

Je suis furieux contre elle. Je reste assis dans mon coin, près du radiateur et détourne la tête à son passage. J'ai envie de lui hurler dessus. J'ai trop mal et ne supporterais pas une autre décharge ou une autre nuit dehors, surtout que de la neige est prévue cette nuit. Quand Solène part dormir, je rentre dans son bureau et scrute son ordinateur. Solène n'aurait pas trouvé une telle punition seule. Je vois alors que c'était un « conseil » de sa mère, pour me dresser et me punir. Je hais cette femme. Je voudrais qu'elle meure.

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