« Ils doivent se faire chier autant que nous. »

Tu penses ?

« J’en suis sûre. »

Heureusement qu’il nous reste de quoi écrire.

« Je ne sais pas. »

Tu ne sais pas ?

«À quoi ça sert d’écrire si tu n’as rien à raconter ? »

À passer le temps.

« C’est vrai, mais il nous reste trente-cinq minutes avant la fin. Pas sûre de pouvoir attendre aussi longtemps... »

Des mouettes ! Tu as entendus ?

« Des mouettes à Paris, nous sommes sauvées. »

Pourquoi tu n’y mets pas un peu du tiens ? Tu n’as qu’à écrire une histoire de pirates.

« La fille part en voyage, se fait kidnapper par le beau et ténébreux corsaire ; ils tombent amoureux, se marient et ont beaucoup d’enfants. Fin de l’histoire. »

Vraiment aucune bonne volonté... Tu préfères penser à toute la merde que tu as écrite sur ta copie ?

« Bah en y pensant, j’ai pu rajouter quelques trucs... »

Génial, fantastique pour toi. On sait très bien toutes les deux que tu ne seras pas reçue.

« J’espère avoir au moins neuf. »

Si avec ça on est prise faudra remercier le dieu de la chance parce qu’on aura épuisé tout son stock !

« C’est qui la mégère maintenant ? »

Mais c’est toi aussi ! Tu m’énerves ! Tu ne pourrais pas bosser un peu plus !

« Désolée d’avoir déboursé plus de mille euros en cours de maths et d’hydro seulement pour ce concours… »

T’aurais pas du te reposer sur tes lauriers ! Mais non ! Comme d’habitude madame n’en a fait qu’à sa tête !

« Qu’est-ce qu’ils sont inconfortables ses bancs. »

N’essaye pas de changer de sujet ! Tu as même oublié ta trousse !

« C’est bon, ça peut arriver à tous le monde. »

Non, pas un jour d’examen ou de concours ! Depuis le début tu n’y crois pas ! Preuve est de cet acte manqué !

« C’est pas vrai ! J’ai même commencé à regarder les appartements à Strasbourg ! »

Oui et quand tu as vu le sujet tu t’es dis que tu allais te dépêcher de terminer le dossier d’inscription pour l’école à Toulouse.

« Eux au moins ils ne font pas d’examen écrit... Et puis d’un autre côté je comprends mieux pourquoi elle demande de signer et affirmer qu’on rend copie blanche... Qu’est-ce que c’est que ces questions qui n’ont rien à voir avec l’hydraulique ? »

D’un autre côté c’est tellement simple que même les prépas maths doivent avoir tu mal. Ce sont des questions dignes de la terminale S.

« C’est loin la TS. »

Ce n’est pas une excuse.

« Plus que quinze minutes ! »

Et voilà bravo ! Comment tu vas récupérer la feuille de brouillon tombée et hors d’atteinte pour toi ?

« Je vais pas le faire, je vais en demander une autre. De toute façon, j’ai plus de place. »

Félicitation, autant de copies roses pour écrire un truc n’ayant absolument rien à voir avec ce concours.

« Sois heureuse que je te parle d’abord. »

Je n’ai absolument pas besoin de toi ! C’est tout l’inverse ! C’est toi qui es nécessiteuse de moi.

« Y a pas de quoi être fière vu comment tu remplis ton job. »

Quoi ! Je ne te permets pas !

« Rho tais-toi ! Râler pour ça franchement, à dix minutes de la fin. »

Tu m’insultes et tu voudrais que je me taise ?

« Léa va bien rigoler quand elle va lire ça. »

Ouais et après tu iras pleurer dans ses bras parce que tu n’auras pas été accepté.

« Nous verrons bien. »

Advienne que pourra, je sais, je sais.

« Les bancs sont vraiment inconfortables. »

Arrête de râler, il reste cinq minutes.

« Tu râlais il y a encore cinq minutes et maintenant tu me dis d’endurer cette douleur fessière en silence ? C’est moi qui devrais être outrée. »

Ce mot n’existe pas.

« Je viens de l’inventer donc maintenant il existe. »

Ce mot n’est pas dans le dictionnaire : il n’existe donc pas. Cqfd.

« Tu es vraiment pénible ! De toute manière j’arrête de te parler dans moins de trois minutes. Ce sera l’heure de poser les stylos et de rendre les copies. »

Je sais déjà très bien tout ça. C’est normal que tu ne m’apprécies pas et c’est réciproque, j’en suis même très fière. Car après tout je suis ta conscience.