Chapitre Neuf : Périple instructif écrit par lelivredejeremie

Je ne suis tjs pas certain que ça s'inscrive dans ton projet, mais pour ce qu'elle vaut, voici ma participation. Je comprendrais très bien que tu préfères t'abstenir, je n'en serai pas vexé, je me suis amusé ¯\_(ツ)_/¯

Pendant les deux heures en train jusqu’à Ancona, et ensuite les six passées sur le ferry qui les avait amenés sur l’île de Korčula, Léonore avait fait de courtes siestes, rassurant Laurent qui s’était étonné – sinon inquiété – de l’énergie qu’elle mettait pourtant à vouloir rester consciente du maximum de choses, comme pour repousser l’échéance imposée par la maladie.

Il l’avait également interrogée sur la destination choisie.
- Dubrovnik n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres, pourquoi cette île relativement sauvage ?’’ avait-il risqué.
- Dis-moi si je me trompe, mais il m’a semblé qu’à Venise, la foule a fini par t’incommoder, et autant j’aime l’humain en général, autant en particulier, les touristes russes sans-gêne, les Allemands trop goinfres, les Français trop bruyants…

Et enfin, son attention revenait sans arrêt aux deux morceaux de papier glissés dans sa poche et sur lesquels ses doigts se perdaient trop souvent…

Le premier rédigé par Léonore, avec l’acrostiche dont la teneur secouait son esprit, surtout la dernière ligne ‘’Ton amour, que tu me taisais’’… Qu’avait-elle imaginé ? Ou qu’avait-elle compris ? Lui-même ne pouvait pas déterminer précisément la nature de ses sentiments pour la jeune femme. De l’amitié, certainement, celle qui l’avait poussé à accepter sans réfléchir de partager avec elle ce voyage du souvenir. Probablement une affinité… cérébrale avec Léonore, curieuse de tout, cultivée, l’une des personnes les plus intelligentes qu’il ait rencontrées. Car oui, il lui accordait l’intelligence du cœur, mais était-ce de l’amour ? S’ils partageaient tant, elle restait – du moins physiquement – inaccessible, et si ce n’était bien sûr qu’une des facettes d’une relation, pouvait-on parler d’amour ?

Le second était également perturbant, mais d’une manière bien différente, une serviette en papier avec ces mots : ‘’Toby – Room 17’’. Le jeune Anglais – il lui donnait une vingtaine d’années – avait, par manque de place disponible, partagé leur table au dîner, dans le petit hôtel familial où ils logeaient. Il avait paru sincèrement passionné par leur projet, mais avec un intérêt particulier, lui avait-il semblé, pour la nature de leur couple, dont Léonore avait balayé la réalité physique d’un rire léger et cristallin. Après cette mise au point, le regard du garçon avait souvent – trop souvent – capté celui de Laurent qui détaillait son visage aux traits fins coiffé de boucles blondes, quitte à, par deux fois, se perdre dans ses yeux bleus.

Une fois le dessert avalé, ils s’étaient levés pour rejoindre leur chambre. Toby les avait précédés avant de se retourner brusquement à mi-chemin de la sortie. Laurent, rêveur, l’avait bousculé, et senti des doigts joueurs pousser la feuille dans la poche de poitrine de sa chemise, suivis d’un ‘’Woops, sorry’’ amusé.

Deux heures plus tard, il s’interrogeait toujours sur ce que signifiait l’amour, pour conclure qu’il avait apparemment plusieurs formes et couleurs… Perdu dans le corps de Toby, avant de s'y abandonner, il avait furtivement pensé à Léonore, avec laquelle il ne partagerait probablement jamais ce genre d’échange, se retenant de justesse de gémir le prénom de la jeune femme. Mais là, en rejoignant leur chambre au second étage, son esprit ne pouvait se détacher de l’image du garçon, et au plaisir qu’entre tendresse et force, il lui avait visiblement donné autant qu’il en avait pris.

La porte refermée, il constata avec soulagement que Léonore dormait d’un sommeil paisible. Elle n’avait évidemment aucune raison de soupçonner quoi que ce soit derrière son excuse d’une cigarette, 'ne pouvant s’endormir', avait-il justifié.

Avant de tomber dans les bras de Morphée, dont il sourit à l’idée qu’il aurait les traits du jeune Anglais, il étouffa vite l’espoir légèrement honteux que l’une des absences, malheureusement de plus en plus fréquentes, de la jeune femme, couvre son escapade de cette nuit…