Les Pissenlits | OUI
Le matou cache sa bouille entre ses pattes. Il n’ose affronter la décision. Bientôt, sa silhouette touffue s’évapore dans un nuage de pixels voraces. Dire que tu commençais à t’attacher à cette boule de poil coquine. Elle n’est plus ; rien ne sera jamais plus. Autour de toi, les rivières de 0 et de 1 s’affaissent et tombent en pluie dans un fracas de vide.
Le silence.
Le silence mortifère gangrène les lieux. Le martèlement des presses, la course des tapis, le grondement des fours, le pivot des bras mécaniques ; tout s’est arrêté, figé en plein cycle, ne laissant planer qu’un bruit blanc strident dans tes oreilles esseulées.
En rebroussant chemin, tu retrouves tes amis robots, rigolos, pas trop méchants. Ils ne font plus qu’un avec la Structure. Ils ont toujours fait partie d’elle et la mort les a fauchés céans. Au moins, sont-ils libres, te dis-tu. Et toi ? Qui te délivrera ?
Alors, tu marches et tu marches. En attendant le salut, tu marches et tu marches encore. Tes pas soulèvent la poussière qui s’accumule en strates. D’abord des volutes, puis des nuages dans ton sillage. Ils retombent jusqu’à recouvrir le bitume d’une nouvelle terre.
Puis tu le vois, un jour, après des millénaires ou des mois d’errance. Tu le vois percer le béton, ancrer ses racines et déployer sa corolle.
Un pissenlit.
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