Chapitre 6 - Sur la route de Rainstram

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— Cela fait un mois, et toujours pas de nouvelles ! Qu'est-ce que nous allons faire ? Envoyer un autre groupe de paladins, seigneur Libram ?
La tension était à son comble dans le bureau du vieil homme. Elrynd était rongé par l'inquiétude : il n'avait pas reçu de message de ses hommes depuis un mois maintenant. La dernière communication qu'il avait reçue faisait part du départ imminent pour les bois de Rainstram afin de combattre le dragon. Et depuis, plus rien. A cet instant, il faisait les cents pas devant Gareth qui gardait son sang-froid.
— Capitaine... Vous allez prendre avec vous ceux que vous estimez les plus aptes pour cette mission et partirez dès demain matin à l'aube pour Rainstram. On ne peut pas laisser ce dragon continuer de saccager les terres et de tuer des innocents.
— A vos ordres, seigneur Libram. J'ai déjà mon idée sur ceux que je vais emmener avec moi...
Le vieux paladin se racla la gorge.
— Est-ce que vous pensez qu'elle sera à la hauteur de cette mission Elrynd ? Sera-t-elle capable de contrôler la lumière ?
— J'ai une totale confiance en elle. Même si elle n'est pas tout à fait capable de la contrôler correctement, elle a fait beaucoup de progrès depuis son arrivée. De plus, elle a déjà pu observer des dragons. Ses connaissances, infimes soient-elles, pourraient être utiles.
— Très bien.
Gareth soupira. Pas qu'il n'avait pas confiance en les capacités de la jeune fille, mais parce qu'il ne voulait pas qu'elle prenne de risques.
— Capitaine Elrynd Kervalen... Je vous demanderai de faire attention à vous et à vos camarades. Essayez, dans la mesure du possible, de ne pas mourir.
— A vos ordres.

***

Tandis qu'il se dirigeait vers la bibliothèque de l'Académie, le jeune homme se demandait si Jaelith accepterait de partir avec eux. Il pourrait employer la manière forte, lui dire que c'était les ordres et qu'elle n'avait pas le choix, mais effaça très rapidement cette idée de son esprit. Si elle ne se sentait pas prête à l'accompagner, alors tant pis. Elle resterait ici, en sécurité.
Il poussa la lourde porte de bois et entra dans la salle. Cette dernière était toujours aussi impressionnante. Immense, de nombreux rayons remplis de centaines de livres se trouvaient ici, certains dans des langues dont il n'avait jamais entendu parler. Un silence pesant envahissait cet endroit qu'il n'avait pas l'habitude de fouler. Elrynd referma la porte qui grinça. Lentement, n'entendant que le bruit de ses pas sur le sol, il arpenta les couloirs de livres, la cherchant. Il la retrouva rapidement.
Jaelith était assise à même le sol, et dévorait des yeux un livre sur la création du monde. Elle était tellement passionnée par sa lecture qu'elle n'entendit pas le capitaine s'approcher d'elle. Il la regarda pendant quelques minutes ainsi, puis brisa le silence.
— Jaelith...
Elle sursauta et laissa tomber son livre sur le sol. Elle le ramassa rapidement et se releva, saluant le capitaine.
— Mon capitaine, je suis désolée, je ne vous avais pas vu.
— Ce n'est pas grave.
— Que me vaut cette visite surprise ?
— Eh bien... Tu n'es pas sans savoir que la ville de Rainstram a été attaquée par un dragon et que nous y avons envoyé une dizaine d'hommes le mois dernier...
La jeune femme hocha la tête et demanda :
— Il s'est passé quelque chose de grave ?
— En fait, nous n'avons plus aucune nouvelle depuis le message qui disait qu'ils allaient attaquer le dragon. C'est pour cela que je vais aller sur place.
Il se racla la gorge avant d'ajouter :
— Et je voudrais que tu m'accompagne.
Jaelith baissa la tête.
— Mais mon capitaine, je ne sais pas encore maitriser la lumière, je ne serais qu'une gêne pour vous...
— Tu as déjà vu des dragons n'est-ce pas ?
— Oui bien sûr, mais...
— Aucun de mes hommes n'a affronté de dragon. Certains ne savent même pas à quoi ressemble un dragon. Ils en ont entendus parler dans les livres et dans les histoires, mais ça s'arrête là. Pour cette mission, nous avons besoin de toi Jaelith !
Il se mordit les lèvres. Il voulait lui dire qu'il avait besoin d'elle, mais comment l'aurait-elle prit ?
— Capitaine, je veux bien vous accompagner, mais... Si jamais nous devons nous battre, je...
— Nous nous battrons contre ce maudit dragon. Je serais là pour te protéger, alors ne crains rien.
Elrynd posa ses mains sur les épaules frêles de la jeune femme. Cette dernière frissonna. Elle ne savait pas comment réagir avec son capitaine. Jaelith se doutait qu'il avait bien plus que des sentiments d'amitié envers elle, mais elle se refusait d'y répondre.
— Très bien... Je me battrais donc à vos côtés capitaine. Pour quand est prévu le départ ?
— Demain matin, à l'aube.
— Alors je serais là.
La jeune femme sortit alors de la bibliothèque, laissant Elrynd seul.

***

Jaelith ouvrit les yeux, se leva rapidement et regarda par la fenêtre. Le soleil pointait au loin, commençant à illuminer la terre. La demie elfe se rendit dans la salle d'eau et se lava rapidement. Elle s'habilla, prit son épée, et se rendit dans la cour où se trouvaient déjà Elrynd et plusieurs autres paladins. La voix du capitaine se faisait entendre.
— Ce n'est pas un très long voyage, mais nous auront quand même besoin de vivres. Nous en avons pour toute la journée, en comptant une pause pour ce midi. Nous arriverons à Rainstram ce soir, avant le coucher du soleil si tout se passe bien...
Son regard changea lorsqu'il vit arriver Jaelith.
— Tu as eu du mal à te réveiller, comme d'habitude...
— Désolée mon capitaine.
Comme à son habitude, elle baissa la tête, honteuse. Elrynd posa sa main sur son épaule.
— Ne t'inquiète pas. Ce voyage n'est qu'une simple formalité. Ce soir, nous serons à Rainstram sans aucune égratignure.
Il essayait de la rassurer, mais Jaelith avait un mauvais pressentiment.

***

La matinée se passa ennuyeusement bien. Le groupe de paladin, à cheval, avançait rapidement sur les chemins. Lorsque le soleil se trouva au-dessus d'eux, Elrynd ordonna à tout le monde de s'arrêter.
— Nous allons faire une pause ici, dans cette clairière. Profitez-en pour vous reposer. Ce n'est pas parce que c'est un voyage court et simple qu'il n'y aura pas de problèmes. Nous ne sommes pas à l'abri d'une attaque.
Il demanda à deux des paladins présents de tenir la garde, puis chacun sortit de son sac vivres et gourdes.
Jaelith s'était assise un peu à l'écart, sous un grand chêne. Elle n'avait pas faim mais se força à manger un bout de pain et un peu de fromage qu'elle avait emmené.
— Encore perdue dans tes pensées ?
— Non capitaine. Je réfléchissais...
Elrynd venait de s'assoir à ses côtés. Il croqua dans une pomme et en proposa une à la jeune femme qui refusa poliment. Il demanda :
— Tu as peur des dragons ?
— Non... Ce sont de magnifiques créatures qui possèdent des connaissances que nul homme n'a sur cette terre. Je pense que nous devrions apprendre d'eux au lieu de les pourchasser et de les tuer.
— Tu as peut être raison, mais ils ne pensent pas comme toi.
Le regard d'Elrynd s'était assombrit. Tous deux restèrent ainsi sans rien dire, puis Jaelith se releva.
— J'ai besoin de me dégourdir les jambes.
— Ne t'éloigne pas trop alors. On ne sait pas ce qui peut se cacher dans les bois.
— Pensez-vous que je puisse me retrouver nez à nez avec un dragon mon capitaine ?
Elle n'attendit pas de réponse et s'éloigna.

***

Tandis qu'elle laissait ses pas la guider, Jaelith se demandait pourquoi le capitaine Elrynd détestait autant les dragons. Elle savait juste qu'il en avait vu un, une fois, il y a longtemps. La jeune femme ne comprenait pas comment les humains pouvaient haïr des créatures aussi merveilleuses.
Lorsqu'elle voyageait avec son père, elle avait eu l'occasion de parler avec un dragon. Ce dernier vivait tranquillement parmi les hommes, et ceux-ci ne lui voulait aucun mal. Il vivait parmi eux, et de la même manière qu'eux. Elle avait appris de sa bouche que les dragons ne s'attaquaient jamais aux humains sans une véritable raison. Et Jaelith se demandait si attaquer ce dragon à Rainstram était une bonne idée.
Quelque chose brilla dans les hautes herbes, et la jeune femme voulut s'approcher pour voir ce que c'était... Quand quelqu'un lui attrapa violement le bras. Elle se retourna, surprise, et découvrit que c'était Leart, l'un de ses camarades paladin. Ce dernier la regardait d'un air mauvais.
— Qu'est-ce que tu veux Leart ? Il y a un problème ?
— Oui, et ce problème c'est toi !
La surprise apparut nettement sur le visage de la jeune femme. Elle allait ouvrir la bouche pour répondre, mais le paladin ne lui en laissa pas l'occasion.
— Je me demande pourquoi est-ce que le capitaine Kervalen et le seigneur Libram ont tant d'estime pour une moins que rien comme toi ! Ce n'est pas parce que ta mère était soi-disant l'un des meilleurs paladins que ça te laisse le droit d'être ici ! Tu n'as aucun talent ! Tu es incapable de te battre correctement avec une épée, et quand à la lumière... Je préfère ne même pas en parler !
Il repoussa Jaelith contre un arbre et cette dernière sentit une douleur vive en bas de son dos. Leart continua, ses yeux semblant cracher des flammes incandescentes :
— Tu es inutile dans cette expédition ! Tu es inutile à l'académie ! Je serais toi, je prendrais mes affaires et je partirai le plus loin possible ! Tu n'aurais qu'à repartir dans le sud, chez ces lâches d'elfes !
Les mains de Leart s'étaient resserrées comme des serres autours des bras de la jeune fille.
— Tout le monde se demande comment t'as fait pour rentrer à l'académie aussi facilement, mais moi j'ai ma petite idée là-dessus...
Le visage du paladin s'approcha de celui de la jeune fille.
— C'est pour ça qu'il est aussi gentil avec toi le capitaine, parce que tu partages son lit ? Et pourquoi tu ne partagerais pas le mien, hein ?
Jaelith, jusque-là inactive, sentit la colère monter en elle. Elle hurla :
— Et même si ce que tu racontes était vrai, c'est la jalousie qui te pousse à faire ça ?
— Jaloux de quoi ?
— Tu penses que c'est facile pour moi ? Tu crois que c'est simple de vivre dans l'ombre d'une héroïne comme l'était ma mère ? Tu crois que j'ai demandé quelque chose à la lumière ?
Elle le repoussa et Leart tomba en arrière sur le sol. Jaelith continua :
— Tu penses que c'est facile pour moi d'être une femme ? Tu te trompes sur toute la ligne !
Elle sortit son épée de son fourreau, au grand dam du paladin qui reculait, toujours au sol.
— Sache Leart, que je donnerais n'importe quoi pour être à ta place ! Etre un homme m'a toujours paru plus simple. Pour beaucoup de choses...
Sur ces mots, elle se retourna et reprit le chemin du camp, laissant à terre Leart.

***

Le groupe allait repartir, et le capitaine Elrynd demanda à parler à Jaelith à l'écart du reste des hommes.
— Leart est venu me voir. Il m'a dit que tu l'avais menacé.
— Mais c'est faux ! Vous devez me croire !
— Je sais bien que c'est faux. Je...
Le capitaine n'allait tout de même pas dire qu'il avait tout entendu dans la forêt, caché derrière un large chêne, et que plusieurs fois il avait failli sauter à la gorge de Leart. S'il lui disait, elle ne lui ferait plus confiance et le prendrait pour un maniaque.
— Je te fais confiance Jae'. Mais pour le reste du voyage, il est préférable que tu restes à mes côtés. Je connais bien Leart, et il est assez rancunier...
— Très bien Capitaine...

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