Chapitre 22 -Duel
Jaelith était furieuse. Elle avait besoin de passer ses nerfs sur quelques chose et se rendit à la caserne ou se trouvaient les soldats. Cette dernière était très proche du donjon dont il était séparé par quelques arbres à peine. Un des hommes qui se trouvaient là l'arrêta.
— La caserne est interdite aux civils. Je vous prierai donc de repartir ma dame.
— Je ne suis pas une civile ! Je suis paladin !
— Paladin ? Ne vous moquez pas de moi.
— Vous voulez une preuve ?
La jeune femme, déjà furieuse, sentit la colère monter d'un cran. Elle tendit sa main vers les caisses en bois qui se trouvaient là et se concentra pour faire appel à la lumière qui lui répondit rapidement. Dans un flash lumineux, les caisses explosèrent, faisant sursauter les soldats présents qui la regardèrent d'un autre œil. Cette dernière demanda à son interlocuteur d'une voix froide :
— Et maintenant, vous me croyez ?
L'homme bégaya de peur un oui et la laissa entrer dans la caserne. Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait ici : des mannequins d'entrainement. Des épées étaient posées dans une caisse. Visiblement, et au vu de leur état, elles étaient là depuis très longtemps et personne n'avait pris la peine de les aiguiser et de les nettoyer. Jaelith haussa les épaule et en ramassa une. Elle se fichait bien de la qualité de l'arme, elle voulait juste passer sa rage sur l'un des mannequins qui se trouvait là.
***
Freyki venait à peine de revenir au donjon principal quand un soldat l'interpella.
— Mon roi, il y a une femme paladin très bizarre qui vient de pénétrer la caserne.
Il savait très bien de qui il s'agissait et se contenta de répondre sur un ton las :
— Et alors ? Elle a fait quelque chose de mal ?
— Non, mais elle a détruit tous les mannequins d'entrainement. Ensuite, elle a hurlé qu'elle cherchait un adversaire à sa taille. Plusieurs hommes se sont proposés, pour... s'amuser. Il n'y en a pas un seul qui ait réussit à la battre !
— C'est qu'ils ne sont pas à la hauteur, c'est tout.
— Quand je suis venu vous voir, c'est le quatrième que mes camarades emmenaient à l'infirmerie."
Le roi loup soupira.
— Bon, je suppose qu'aucun des hommes de la caserne n'est assez doué pour la vaincre et qu'il va falloir que j'y aille moi-même...
Accompagnant l'homme qui était venu le voir, le souverain se rendit à la caserne. A peine avait-il pénétré la cours principale qu'il la vit. Elle affrontait un grand gaillard qui semblait plus compter sur ses muscles que le reste. Ce dernier avait choisi comme arme une masse de taille imposante.
En face, Jaelith haletait, fatiguée, tenant fermement son épée entre ses mains. Elle fixait son adversaire sans bouger, attendant qu'il fasse le premier pas.
Tout du moins, le premier faux pas.
Ce qui arriva rapidement.
L'homme fonça droit sur elle, et elle n'eut aucun mal à éviter l'attaque frontale qu'il lui portait en sautant sur le côté gauche de son adversaire. Elle lui donna un grand coup du plat de son épée en bas du dos, et ce dernier hurla de douleur avant de se retourner. Mais il était beaucoup trop lent pour elle, et la jeune femme lui donna un coup de pied dans la jambe droit, au niveau du genou, ce qui le fit plier. Elle posa sa lame sur le cou de sa victime qui murmura, honteux.
— J'abandonne...
Boitant, ce dernier quitta la zone de combat pour rejoindre ses camarades. Jaelith hurla :
— Qui veut m'affronter ? Ne me dites pas que vous avez peur d'une faible femme ! Il y a bien quelqu'un qui va vouloir se battre avec moi non ?
— J'accepte votre défi ma dame.
Jaelith se tourna vers l'endroit d'où provenait la voix qu'elle avait immédiatement reconnue. Freyki s'avança dans la cours, prenant une simple épée de fer au passage, et se positionna face à elle.
— On est venu me prévenir que vous vous amusiez à envoyer mes hommes à l'infirmerie.
— Je ne les ai pas forcés à se battre.
— Ils pensaient surement qu'ils n'auraient aucun mal à vous faire mordre la poussière.
— Ils avaient tort.
— Je n'en doute pas. C'est pour cela que je ne m'amuserai pas à prendre des gants avec vous Jaelith.
Les deux adversaires se trouvaient face à face, chacun attendant que l'autre décide d'attaquer. Ils restèrent ainsi quelques minutes, puis, à bout de patience, la jeune femme fonça vers le roi loup, levant son épée. Le choc des lames fut rude, et face à la force de Freyki, elle recula, cherchant un autre moyen de l'atteindre. Rapidement, elle se mit sur la gauche de l'homme à la cicatrice et le frappa dans le dos. Ce dernier, qui n'avait pas l'air de ressentir la douleur, se tourna vers son adversaire et la désarma. L'épée tomba sur le sol, et Freyki, un large sourire aux lèvres, s'adressa à la femme paladin.
— Vous êtes désarmée, il ne vous reste plus qu'à abandonner.
— Vous pensez que sans arme, je ne puisse pas vous vaincre ?
— Vous avez une idée derrière la tête ma dame ?
— Peut être...
Elle appela la lumière qui frappa le souverain en pleine poitrine, le forçant à reculer aussi. Elle profita de cet instant pour ramasser son épée et foncer à nouveau sur le roi loup. Les lames s'entrechoquèrent bruyamment ainsi pendant plusieurs minutes, sous le regard médusé des hommes présent. C'était un combat impressionnant.
La jeune femme sentait doucement ses forces la quitter. Elle avait été trop sûre d'elle, et après tous les combats qu'elle avait menés pendant cette dernière heure, elle savait qu'elle arrivait au bout de ses forces. Jaelith reculait, parant les coups de son adversaire comme elle pouvait. Elle avait juste un mot à dire pour que le combat cesse. Mais son amour propre lui interdisait d'abandonner.
Freyki la désarma une seconde fois alors qu'elle était acculée contre le large mur de pierre. Il posa alors sa lame contre le cou de sa victime, haletante.
— Il n'y a pas d'échappatoire cette fois. Abandonnez.
La vue de la jeune femme se brouilla alors qu'elle allait lui répondre. Jaelith tomba à genoux, cherchant à reprendre son souffle. Sans lui demander son avis, Freyki la prit dans ses bras.
— Qu'est-ce que vous faites ?
— Vous êtes épuisée et vous n'arrivez même pas à tenir debout. On ne va pas continuer à nous battre alors que vous n'êtes pas en état.
— Posez-moi à terre !
— Non.
Elle se débattait, mais le souverain la tenait fermement. Il la ramena ainsi, alors que tous les regards se tournaient vers eux, jusqu'à sa chambre, à l'auberge de la Mésange Bleue. Feiyl sursauta en voyant la porte s'ouvrir et se réfugia sous le lit. Le roi loup posa délicatement la jeune femme sur le lit, et celle-ci était encore furieuse.
— Je suis assez grande pour revenir seule ici !
— Alors que vous arrivez à peine à tenir debout ? Vous n'auriez pas fait trois pas que vous vous seriez retrouvée allongée sur le sol !
Il avait raison et Jaelith le savait. Elle respira un grand coup pour se calmer un peu.
— Pourquoi est-ce que vous éprouvez toujours le besoin de prouver aux autres que vous êtes la plus forte ?
— Ca ne se voit pas ?
— En tout cas, moi je ne vois pas.
— Sous prétexte que je suis une femme, je passe toujours pour quelqu'un de faible et qu'il faut protéger. J'en ai assez ! Je n'ai pas besoin de protection !
— Ce ne sont pas les hommes que vous avez battus tout à l'heure qui iront dire le contraire...
La jeune femme, tout d'abord décontenancée par ces paroles, lui fit alors un large sourire.
— En même temps, ce n'est pas de ma faute s'ils sont si mauvais.
— Vous pensez vraiment qu'ils sont mauvais ? Chacun d'entre eux s'est entrainé durement pour devenir ce qu'ils sont aujourd'hui.
— Pas assez à mon goût.
— Et vous n'avez pas pensé que c'était vous qui était plus forte, tout simplement ?
C'était flatteur d'entendre tout cela de la part de son souverain. Jaelith se mit alors sur le dos, posant son regard sur les poutres de bois qui traversaient le plafond et qui soutenaient le toit. Sans poser son regard sur son interlocuteur, elle répondit :
— Je ne suis pas aussi forte qu'elle....
— Votre mère ?
Jaelith acquiesça. L'homme à la cicatrice secoua la tête.
— Vous devriez arrêter de vous comparer à elle. Vous n'êtes pas comme elle, et vous ne le serez sans doute jamais.
La jeune femme se redressa sur son lit. Son regard s'était durcit, mais avant qu'elle n'est eu le temps d'ouvrir la bouche pour répliquer, Freyki termina de dire ce qu'il pensait.
— Vous êtes Jaelith Librevent, la femme paladin qui a été capable de mettre une raclée aux soldats de Goldrynn et de tenir tête au roi loup en personne, ce n'est pas rien. Cessez de vous comparer avec votre mère. Personnellement, je trouve que vous êtes forte.
Le souverain s'assit alors aux côté d'elle, sur le lit. Leurs regards se croisèrent, et le paladin avait l'impression de se noyer dans les yeux de son roi. Ce dernier osa approcher sa main du visage de Jaelith et caressa doucement ses cheveux dorés, arrangeant une mèche qui tombait sur les yeux de la jeune femme pour la coincer derrière son oreille. D'abord surprit par sa forme étrange qui finissait en petite pointe, Freyki demanda d'où voix douce :
— Vous êtes une elfe ?
Jaelith remis ses cheveux comme ils étaient, cachant ses oreilles aux yeux des autres. Inquiète, elle détourna la tête.
— Vous avez quelque chose contre eux ?
— Je croyais que les elfes ne voulaient plus avoir de contact avec les humains. C'est assez... Etonnant.
— Mon père était un elfe. Il venait de Castlefay. C'était quelqu'un qui adorait voyager. Un elfe qui a aimé une humaine...
La jeune femme haussa les épaules.
— Quant à moi, je ne suis ni l'un ni l'autre. Je ne suis qu'une moitié. Pourtant, je me suis toujours senti plus proche des humains. Peut-être parce que je n'ai jamais eu l'occasion de côtoyer d'autres elfes.
— Une moitié ? Pourquoi ne seriez-vous qu'une moitié ma dame ? Le sang de deux peuples coule dans vos veines, et pour moi, cela signifie que vous êtes les deux à la fois.
Jaelith baissa la tête. Oui, peut-être avait-il raison. Elle repensa à son père. A ce père qui aimait voyager, qui aimait faire la connaissance de gens d'horizons différents, qui lui avait raconté que les dragons n'étaient pas des ennemis, mais des créatures qu'il fallait apprendre à connaitre. Elle avait aimé ce père qui avait décidé de suivre sa propre voie plutôt que de s'enfermer entre les murs d'une cité comme la plupart de ses congénères. Il lui avait montré ce qu'était la liberté, et c'est de lui qu'elle tenait son nom.
Jaelen avait vécu libre comme le vent.
Le roi loup se releva et salua la jeune femme.
— Reposez-vous bien Jaelith, et peut être que nous pourrions reprendre ce combat lorsque vous irez mieux.
— Pourquoi pas...
A cet instant, Feiyl osa sortir sa tête de sous le lit et Freyki manqua de trébucher dessus. Le petit dragon alla se réfugier dans les bras de sa maitresse qui était ravie de le voir aussi bien portant. Elle le couvrit de caresses tandis que le souverain les observait. D'une voix douce, elle s'excusa auprès du dragonnet.
— Pardonne-moi Feiyl. Je ne me suis pas beaucoup occupée de toi ces derniers jours."
Feiyl posa son regard sur le souverain qui lui fit un léger sourire.
— Il vous a déjà adressé la parole ?
L'homme à la cicatrice avait posé la question soudainement. Jaelith secoua la tête.
— Non, jamais. Pourtant je suis sûre et certaine qu'il aurait des tas de choses à dire...
— Vous n'imaginez pas à quel point.
— Pardon ?
— Je pensais à autre chose, ma dame.
Sur ce, il la salua avant de sortir de la petite chambre et d'en refermer la porte. Il resta là, immobile, pendant quelques instants et soupira longuement. Cette femme était totalement différente de toutes celles qu'il avait pu côtoyer jusqu'ici. Il sentait son cœur battre à tout rompre et pensait qu'il allait exploser. Freyki attendit un peu que son cœur se calme, puis prit le chemin du donjon, tout en pensant à la jeune femme qui lui avait rappelé des sentiments qu'il avait tenté d'oublier.
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