Chapitre 40 - La Cité d'Argent
Il fallut la fin de la journée et toute une nuit de marche à Jaelith pour atteindre la cité d'argent. Elle était épuisée et avait très mal aux jambes. Siara et ses hommes ne paraissaient même pas avoir fait d'efforts. La demie elfe s'extasiait devant le spectacle de toute beauté que lui offrait le lever du jour sur la cité de marbre. Car même si cet endroit était appelé la cité d'argent, tous les bâtiments étaient en fait de marbre blanc. Plusieurs tours montaient haut dans le ciel, et la jeune femme se demandait combien de marche il fallait monter pour en atteindre le sommet.
Dehors, plusieurs elfes s'étaient déjà mis au travail. La dame paladin les observait discrètement. Souvent, elle s'était demandé si les elfes vivaient comme les humains. Son père, quand elle lui avait posé la question, avait ri aux éclats. Il lui avait assuré que les elfes et les humains vivaient de manière similaire. Ils dormaient dans des lits, à l'intérieur de maison. Ils forgeaient, rarement, mais savaient faire prendre de jolies formes à un minerai simple. Il y avait aussi des tavernes, des magasins de tissus, des pêcheurs, des chasseurs et beaucoup d'autres choses. Jaelith s'attendait à quelque chose de différent, et fut un peu déçue.
Elle écoutait les gens parler. Cette langue que son père lui avait apprise il y a très longtemps lui revint en mémoire. Elle l'utilisait de moins en moins depuis sa mort.
Siara arriva au pied d'un immense bâtiment et salua ses hommes qui s'y engouffrèrent. Elle se tourna vers Jaelith et lui fit signe de la suivre à l'intérieur.
Elles se trouvaient dans un immense hall, face à un grand escalier qui montait en colimaçon. Siara y monta, suivie de près par Jaelith. Lorsqu'elles arrivèrent au premier étage, un elfe aux cheveux noirs les accueillit. Ce dernier était habillé d'une longue robe vert pâle. Il dévisagea Jaelith du regard, puis s'adressa à Siara dans leur langue maternelle.
— Depuis quand est-ce que vous amenez des humains à l'impératrice ? Cette dernière risque de vous blâmer pour cela, voire pire encore !
— Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous, Enki. Retournez donc vous entrainer avec vos guerriers au lieu de vous occuper de ce qui me regarde.
— Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas en tenue pour entrainer mes guerriers, Siaraliane. Cette humaine n'a rien à faire ici. Faite la disparaitre avant que votre sœur ne l'apprenne.
Jaelith comprenait tout. Si elle ne parlait pas couramment la langue de son père, elle la comprenait parfaitement. Elle répondit à l'attention du dénommé Enki :
— Je ne suis pas qu'humaine. Je suis aussi elfe par mon père.
— Qui vous a autorisé à prendre la parole ? Fichez le camp d'ici !
— Je ne partirais que lorsque j'aurais vu l'impératrice !
Les yeux de la jeune femme étaient remplis de colère envers cet imbécile. Il haussa les épaules avant de descendre les escaliers sans lui adresser le moindre regard. Une fois qu'il fut éloigné, Siara se tourna vers la jeune femme.
— Je n'aime pas Enki. Il a toujours tendance à en faire trop, pour tout et n'importe quoi. C'est le chien fidèle de ma sœur. Je ne lui fais pas confiance...
Un léger sourire apparut sur le visage pâle de l'elfe.
— En tout cas, cela fait plaisir de savoir que votre père à prit le temps de vous apprendre notre langue.
— Et vous, depuis quand connaissez-vous le langage des humains ?
— Cela fait très longtemps... C'est mon frère qui me l'a appris. Il adorait apprendre les langues des autres races. Il connaissait parfaitement celle des humains. Par contre il avait beaucoup de lacunes avec celle des nains...
Les deux femmes marchèrent le long du couloir richement décoré. Des lucioles étaient enfermées dans des balles de verres accrochées aux murs, illuminant l'endroit. Le soleil paraissait enfin dans le ciel, réchauffant l'endroit de sa chaleur par la dizaine de fenêtres étroites. Au sol, elles marchaient sur un très long tapis de soie aux couleurs émeraude. Et sur le mur du couloir se trouvaient quelques objets finement sculptés dans le bois. Des animaux pour la plupart, que Jaelith n'avaient jamais vus. Un félin ailé, un énorme oiseau à quatre pattes et aux griffes acérées, un ours avec des cornes... Elle n'avait jamais rien vu de pareil. Son regard se figea sur le seul tableau de l'endroit. Il représentait un homme très jeune, un adolescent sûrement. Ce dernier avait une tenue d'apparat aux couleurs douces, mais ses yeux bleus reflétaient une tristesse profonde. De longs cheveux blonds retombaient sur ses frêles épaules. La jeune femme demanda doucement.
— Qui est-ce ?
Siara regarda aussi le tableau. En temps normal, elle évitait, car il lui rappelait beaucoup de souvenirs qu'elle ne pouvait pas oublier.
— C'est mon frère jumeau. Il est mort pendant la destruction de Castelfay, il y a très longtemps, bien avant votre naissance.
Jaelith pensait alors que c'était pour cela que cet homme lui disait quelque chose. Il lui rappelait Siara, tout simplement. L'elfe l'entraina jusqu'au bout du couloir, qui débouchait sur la salle du trône. La dame paladin fut éblouit par la beauté du lieu. Cet endroit n'avait rien à vois avec la salle du trône de Goldrynn. La lumière entrait directement par la baie vitrée qui servait de toit. L'endroit était décoré de manière subtile : les rebords de fenêtres étaient sculptés et avaient la formes de fleurs, les bancs avaient l'apparence de demis troncs fleuris, les vases étaient peint de couleurs vives et représentaient des scènes de la vie quotidienne. La jeune fille fixa l'endroit pendant quelques instants, puis son regard se posa sur l'impératrice qui se trouvait là, assisse sur son trône. C'était une grande femme aux longs cheveux noirs de jais, et au regard vert. Son visage pâle était aussi fin que celui de Siara. Elle était habillée d'une robe simple couleur lavande. Son regard vert se posa immédiatement sur l'intruse et dans sa langue natale, elle hurla :
— Siara ! Qu'est-ce que cette humaine fiche ici ? Je croyais avoir interdit à ces gens de pénétrer notre territoire sous peine de mort !
— Elle n'est pas totalement humaine et possède notre sang, Sidan, ma sœur.
Ces paroles semblèrent calmer vaguement l'impératrice dont le regard noir ne quittait pas la demie elfe. D'une voix froide, elle demanda :
— Qu'est-ce qu'elle veut aux elfes ? Pourquoi est-elle venue jusqu'ici si ce n'est pour troubler notre tranquillité ?
— Je pense qu'elle peut te l'expliquer elle-même ma sœur.
La dame paladin s'avança, impressionnée. Elle se racla la gorge, puis commença son récit d'une voix mal assurée.
— Les humains sont actuellement attaqués par des dragons. Et j'ai bien peur qu'après la destruction totale des humains, ce soit à votre territoire que Varen Draze s'en prendra.
— Varen Draze ? Qui est-ce ?
— Un dragon noir. Il a reformé son clan et attaque actuellement les villes des humains. Ces derniers ne sont pas assez forts pour les vaincre, et ce, malgré l'aide de la lumière des paladins.
Sidan Lokliar haussa les épaules.
— La lumière... Ce pouvoir ridicule ne vaut vraiment pas grand-chose au final, s'il ne peut combattre un dragon. Et je suppose que tu veux que je t'accorde mon aide ?
— C'est dans cet espoir que je suis venu vous voir, impératrice.
— Alors tu as fait tout ce chemin pour rien. Repart d'où tu viens, et ne reparais jamais devant moi.
Sidan fit un geste et deux gardes se placèrent aux côté de Jaelith, lui attrapant avec force les bras, et la sortirent de la salle du trône. La jeune femme ne s'était pas fait d'illusions. L'impératrice elfe avait clairement refusé de lui venir en aide. Varen Draze continuerait son carnage... Et elle ne voulait absolument pas que cela arrive. En même temps, elle ne pouvait pas forcer cette terrible femme à lui accorder son aide.
— Je pense qu'elle a raison ma sœur. Je pense qu'il faut les aider.
— Je t'interdis de ne lever ne serais le petit doigt pour aider ces misérables humains. S'ils finissent dans le ventre d'un dragon, tant pis pour eux, et tant mieux pour nous !
— Sidan... Et s'il attaque la cité par la suite ?
— Si cela se passe comme elle l'a dit, alors nous les combattrons et les vaincront comme par le passé.
— Le dragon dont elle parlait n'avait pas l'air... d'être habituel...
Siara frissonna. Jaelith avait parlé d'un dragon à la puissance ténébreuse. Tout cela rappelait de très mauvais souvenirs à l'elfe.
— Je t'en prie Sidan... Prends en considération ce qu'elle vient de dire
Elle l'a suppliait du regard, mais Sidan se contenta purement et simplement de l'ignorer. Déçue par l'attitude de sa sœur, Siara allait faire bouger les choses...
***
Jaelith pleurait de rage tendit qu'elle sortait du grand bâtiment de marbre. Tout ce chemin qu'elle avait fait... Pour rien ! Elle se jura à partir de cet instant qu'elle détestait cette horrible impératrice. Elle allait repartir par ces propres moyens, quand Siara l'attrapa par l'épaule.
— Ce n'est pas parce que ma sœur s'est bornée dans sa mauvaise décision que je vais vous laisser repartir toute seule.
— Mais vous allez avoir des ennuis si vous...
— Ne vous inquiétez pas. Moi, Siaraliane Lokliar, chef de la garde ailée de la cité d'argent, jure de vous venir en aide Jaelith Librevent.
Le regard de l'elfe était déterminé. Elle continua d'une voix douce.
— J'emmènerais ceux qui voudront bien me suivre. Il me faudra un peu de temps pour les convaincre. En attendant, j'aimerai vous offrir quelques petites choses sans importances...
Siara entraina la jeune fille dans ce qui devait être une caserne. Des dizaines d'oiseaux étranges étaient rassemblés là, et la dame paladin reconnut alors ce qu'elle avait vu sur les figurines de bois du couloir. Devant les yeux agrandit de Jaelith, l'elfe expliqua :
— Ce sont des hippogriffes. Ce sont les montures de la garde ailé. Mais ce n'est pas avec une de ces créatures que vous sortirez de la forêt. Vous seriez repérable très facilement...
Les deux femmes entrèrent dans une sorte d'écurie. A l'intérieur, au lieu des chevaux qu'elle avait l'habitude de voir, la jeune femme y trouva des ours bien étranges. Deux longues cornes noires leur sortaient du front, et de longues rayures zébraient leur pelage aux poils très longs.
— Ce sont des nanooks. Ne vous fier pas à leur apparence, ils sont très rapides lorsqu'ils courent à travers les forêts. Et ils sont aussi très obéissants envers leurs maitres.
Siara s'approcha du plus petit, au pelage clair et aux rayures blanches, et le sortit de son enclos en lui faisant juste signe. Elle invita Jaelith à prendre place sur l'étrange créature puis lui donna ses recommandations.
— Il vous amènera jusqu'à la frontière en quelques heures. Attendez nous là-bas. Je reviendrais avec les renforts que vous avez demandés.
Jaelith tenta de la remercier, mais Siara l'arrêta net :
— Vous me remercierez lorsque cette bataille contre les dragons noirs sera terminée, d'accord ?
Elle acquiesça, et sur un signe de Siara, le nanook prit le chemin de la forêt à une vitesse que la jeune femme n'imaginait pas.
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