Cela faisait déjà plusieurs jours que Minerva avait rejoint la côte et s'était mélangée aux humains. Ses ailes étaient maintenues plaquées contre son dos à l'aide de ceintures. Elle portait un chapeau trop grand et espérait constamment que personne ne la remarque. Elle avait eu l'accord des siens pour se lancer dans une enquête pour trouver qui pouvait être derrière la disparition de la voix des Sirènes. Les choses avançaient, elle avait entendu parler d'une magicienne hors-la-loi et d'un certain monsieur Vally avec qui elle aurait passé un accord.

   L'enquête mena la Sirène dans un lieu très animé. La nuit commençait tout juste à tomber et des centaines de personnes étaient déjà présentes. Minerva traversait cette foule en prêtant attention aux moindres détails. L'air était rempli des odeurs émises par la nourriture préparée sur place. Des musiciens jouaient un aire entraînant à l'aide de fûtes et de Luthes accompagnés par des percussions et ne semblaient pour l'instant n'attirer que des enfants courant et sautant dans tous les sens. Mais ce qui intéressait surtout Minerva, c'était les conversations qu'elle avait encore du mal à séparer les unes des autres :

"Cette réception est des plus sympathiques, monsieur Vally à dû dépenser sans compter ..."

"Vous avez entendu que l'armée pourrait être mobilisée pour lutter contre les Sirènes ?

- Si ça peut les faire déguerpir pour de bon, je dis pourquoi pas ! "

"HAHAHA et pourquoi pas une queue de poisson tant qu'on y est ! Des ailes d'oiseaux tu trouves pas ça déjà assez étranger ?"

"Oh ! Je ne m'attendais pas vous voir ce soir, comment allez-vous ?"

"Calme toi sur la bière, tu tiens déjà plus droit l'ami ! HAHAHAHA."

"De véritables monstres, je vous dis ! Des démons assoiffés de sang !"

   Celui qui venait de prononcer cette dernière phrase était un jeune homme qui peinait à convaincre ses interlocuteurs de la véracité de l'histoire folle qu'il prétendait avoir vécu. Quand Minerva arriva près de lui, il était en train de quitter son groupe de conversation et leurs regards se croisèrent. Le visage du jeune homme, déjà sous le charme, vira au rouge. La préoccupation de Minerva à cet instant était de passer pour une humaine et tenta de s'intégrer un peu plus à la soirée.

"Bonsoir, je suis Min... Euh... Marie, enchantée. Dit la Sirène en essayant de sourire.

- Moi c'est Jimmy. Répondit-il simplement.

   Minerva essaya de récolter des informations utiles en discutant avec le jeune matelot. Elle lui posa des questions sur la situation actuelle en mer, sur les évènements sanglants dont il avait été témoin et sur la ville dans laquelle ils se trouvaient.

   La Sirène regretta d'avoir passé trop de temps immobile. Après avoir salué Jimmy et s'être éloignée de quelques pas, elle l'entendu dire :

"Attends! Tu as fait tomber quelque ch..."

   Minerva sentit les battements de son cœur accélérer quand elle vit ce que Jimmy venait de ramasser. Il avait entre ses doigts une grande plume qui ne pouvant être confondue avec celle d'un banal oiseau et qui venait de tomber des vêtements de celle qu'il avait prise pour une jeune femme. Son regard oscilla entre le plume et Minerva.

"C'est ... Tu es ..."

Il prit soudain une grande inspiration.

"UNE SIRENE ! LÀ ! ET ELLE PEUT PARLER !" Hurla-t-il en la pointant du doigt.

   Tous les regards se tournèrent vers elle. Certains semblaient avoir peur et commençaient à reculer, mais d'autres prenaient un air menaçant en avançaient vers Minerva. En l'espace de quelques secondes, la musique s'arrêta, les discussions s'interrompirent et elle se retrouva encerclée.

"Non ... C'est faux ! Il ment" Essaya-t-elle d'une voix tremblante.

"Il n'y a qu'un moyen de le savoir !" Dit une voix haut et fort. "Retire ton manteau !"

   Au moment où elle entendit les bruits des lames que l'on sortait et le cliquetis caractéristique d'un pistolet dont le chien est ramené en arrière, elle ouvrit la bouche et reproduisit les dernières note jouées par la flûte avant qu'elle ne s'interrompe. Même si sa voix sonnait naturellement juste, elle dû faire un effort pour qu'elle porte assez loin. Tous étaient figés, complètement envoûtés, elle pouvait prendre la fuite sans risque. Enfin, c'est ce qu'elle pensait. Elle eut à peine le temps de voir la silhouette qui se déplaçait entre les gens immobiles. Un flash lumineux apparut et la percuta violemment, lui coupant le souffle. Elle était toujours consciente lors du vol plané qu'elle effectua ensuite, mais le contact du sol et de sa tête lui fit perdre connaissance.