Visite aux Papillons blancs
— Agnès ! C’est demain l’invitation aux Papillons blancs ! Vous n’avez pas oublié ?
— Non, mais vous ne m’avez pas dit à quelle heure on part…
— Aux alentours de dix-sept heures trente. Je n’ai rien de particulier l’après-midi. Vous avez reporté le rendez-vous avec l’entreprise Verdier ?
— Oui, j’attends une confirmation, mais ce sera sans doute le mois prochain.
— D’accord ! Et vous avez vu la petite Amélie ?
— Son frère est sorti du coma. Elle est venue me l’annoncer avec un immense sourire. Il est à l’hôpital pour un moment, traumatisme crânien, plusieurs fractures , mais il est vivant…
— Bon, c’est bien pour elle… Merci. Et à demain, alors !
— Euh… Comme vêtement, ce n’est pas « habillé » ?
— Vous voulez dire « pas en robe de soirée », je suppose… Non, vous êtes toujours très élégante, ne changez rien !
Le lendemain, Agnès et Arnaud se retrouvent à l’heure dite et gagnent sans encombres les Papillons blancs. Un portail imposant en fer forgé blanc est ouvert sur un parc bien entretenu. Une demeure ancienne se dessine au bout d’une allée de gravillons. On aperçoit plus loin plusieurs pavillons contemporains, sans doute conçus pour loger les jeunes résidents et organiser différentes activités.
— Bonjour, je suis Virginie Desforges, chargée de communication. Bienvenue dans notre établissement ! Vous êtes… ?
— Bonjour et merci de votre accueil. Voici Agnès Dupuis, mon assistante. Je suis Arnaud Brun-Lévêque, entreprise ABL architecture …
— Bien sûr ! Nous sommes ravis de votre visite ! Suivez-moi !
Le parking déborde de voitures, ils ne sont donc pas surpris de découvrir une grande salle, aménagée pour une conférence, avec vestiaire, estrade, et alignements de chaises. Ils prennent place discrètement, les discours ayant commencé devant une assemblée attentive.
— Je vous remercie infiniment de tout l’intérêt que vous portez à notre cause. Après cette conclusion, le Directeur est chaudement applaudi. Il poursuit :
— Je suis confiant dans la société, les regards changent, le handicap n’est plus ni tabou ni honteux, même si des progrès restent à accomplir. Je ne suis pas naïf, non plus, vous savez. Nous avons besoin de fonds pour nous agrandir, pour entretenir nos locaux, pour embaucher du personnel. De façon encore plus urgente et plus durable, nous avons besoin de vos idées pour nos jeunes, pour qu’ils connaissent la vie au-delà de nos murs, qu’ils entretiennent une part de liberté et d’autonomie, qu’ils soient utiles et rémunérés. Je vous remercie et je me tiens à votre disposition ce soir et à l’avenir pour étudier avec vous les pistes de partenariat possibles et répondre à toutes vos questions.
Les applaudissements redoublent. Le Directeur a trouvé les mots justes. On imagine aussi que les présents sont pour la plupart concernés, famille ou proches des résidents.
Agnès et Arnaud échangent un regard. Pour eux, c’est tout un univers à découvrir, bien loin de leurs préoccupations quotidiennes ! Réussiront-ils à s’y intéresser ?
Virginie Desforges invite le public à se répartir dans différentes salles afin d’admirer les œuvres exposées par les artistes en herbe. Ils suivent le cheminement naturel qui s’est créé et apprécient des moulages de plâtre, de terre, naturels ou colorés, élaborés ou rudimentaires…
Arnaud aperçoit son ami Pol-Henri, lui fait signe et se dirige vers lui, tout content de partager quelques frivolités dans un climat un peu guindé.
— Salut Arnaud, alors tu apprécies les sculptures de serpents, avec toutes ces petites empreintes en guise d’écailles ?
— Tu me feras toujours rire ! Mais ça fait du bien ! C’est un peu austère, ici ! On ne va quand même pas s’extasier devant chaque ébauche de soucoupe !
Il surprend alors le regard réprobateur d’Agnès.
— Vous savez, Arnaud, il n’y a pas que les œuvres d’art qui méritent le respect !
— Agnès, ne vous méprenez pas ! Je mesure le travail et la difficulté. Il n’y a pas du tout de mépris dans mes propos. L’humour permet de mieux apprécier, sans verser dans la sensiblerie. On va voir les peintures ?
Ils se dirigent alors tous les trois vers la salle voisine, chacun méditant sur le malentendu qui laisse une ombre sur leurs intentions.
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