Juste un dernier dîner

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 Nous étions assis l'un en face de l'autre, seul le chandelier qu'elle avait placé sur la table éclairai son doux visage. J'avais le regard froid, comme souvent dans ce genre de situation. Je la regardais, elle semblait détruite, au bord des larmes. Peut-être car elle savait que j'étais ici un repas d'adieu. Finalement, pris de pitié pour elle, je pris son verre et le remplis de vin avant de lui tendre :

— Tiens, lui dit-je sur un ton mellant froideur avec une pointe de douceur, c'est une bonne bouteille, ce serait bête de ne pas en profiter.

 Elle ne répondit pas et regardait son assiette, contenant un fin steak accompagné de riz et d'une sauce que je devinai faite maison. Tout ceci sentait extrêmement bon, mais, visiblement, ni elle ni moi ne semblais avoir faim. Nous étions noués, elle, car elle savait que tout était fini, et moi, car je me rendais compte que je répétais inlassablement le même scénario, Encore et toujours, jamais avec la même personne, mais le scénario restait le même. Je me dégoûtais par moment, mais...

— Pourquoi ? me demanda-t-elle soudainement, la voix tremblotante
— C'est comme ça, que veut tu...

 Elle se leva alors et se dirigea vers la fenêtre. La vue depuis son appartement était tout bonnement spectaculaire. Je doit avouer que rarement je vis Manhattan de cette façon. Les grattes ciels se dressaient dans la nuit, perçant l'obscurité de leurs milles lumières alors que, au sol, les voitures, tels de petites bulles lumineuses, traversaient les rues de la ville qui semblaient d'ici à des fissures dans l'immensité compact des immeubles. Je m'approchais d'elle, un verre de vin dans chaque main. Je l'entendais sangloter. Je lui tendis alors l'un de ses verres, j'essayai de laisser apparaître sur mon visage les traits de la compassion, je ne sais pas bien si j'y suis arrivé. Elle regarda alors les verres, son maquillage avait coulé sur ses joues et ses yeux étaient chargés de larmes. Finalement, elle attrapa l'un des verres, j'en profitai pour essuyer délicatement son visage larmoyant :

— Je ne veux pas, pitié... me dit elle entre deux sanglots
— La vie est faite comme ça, répondis-je, il faut l'accepter. Si ça peut t'aider, sache que je suis désolé.
— Tout ça à cause de lui...
— Ne pense plus à ça, veux-tu. C'est déjà assez difficile comme ça pour nous deux.

 Je pointai alors la table et ajouta:

— Viens, profitons de ce dernier repas.

 Mais elle ne bougea pas, elle restait là, à regarder tantôt la table, tantôt son verre. Puis elle se remis à pleurer. Mais alors que je la pris dans mes bras pour la consoler, elle me repoussa et se dirigea vers le canapé sur lequel elle se laissa tomber. Au bout de plusieurs minutes, les sanglots se turent et elle me demanda :

— Est-ce tu lui fera la même chose qu'à moi ?

 Je ne préférai pas répondre, je ne voulais pas encore plus la faire souffrir, regrettant déjà d'être venu. Même si je crois que mon silence lui fit comprendre ma réponse. Je m'approchai doucement et m'assis à côté d'elle, je lui dis quelques paroles rassurantes, essayant, au possible, de lui faire accepter son sort. Elle avait arrêté de pleurer. Je pris alors mon verre et dit :

— Trinquons, veux-tu ?
— Trinquer à quoi ? Me répondit-elle alors. Ma vie est finie.

Je ne savais pas bien quoi répondre à cela, alors je me contentai de faire tinter mon verre contre le sien. Je plongeai ensuite mes lèvres dans mon verre et en bu quelques gorgées :

— Tu l'a très bien choisi, il est excellent.

 Elle ne me regardait pas et se contenta de déformer son visage par un rictus. Puis elle prit son verre et le bu d'une traite avant de retourner à la table s'en servir un autre. Je la regardais se mouvoir dans cette quasi-obscurité, elle était magnifique, son corps flottait tel un drap de soie alors qu'elle s'approchait de la table à manger sur laquelle la nourriture attendait toujours d'être mangée. Je regardai ma montre :

— Je suis désolé, dis-je alors, mais il est l'heure.

Elle posa la bouteille de vin sur la table. Elle se tourna vers moi, verre à la main, et me dit :

— Encore un dernier verre...
— Je suis désolé, mais je n'ai pas le temps. Il m'attend.

 Elle commença à sangloter alors que je sortais mon pistolet de son étui, sous ma veste, auquel j'avais déjà fixé son silencieux :

— Faites ça vite. Me dit-elle.
— Je vais essayer.

 Aussitôt, je lui tirai dans la tête. Elle tomba lourdement à côté de la table, son sang, mêlé au vin, maculait le sol autour de son corps et gorgeai déjà la moquette. Je rangeai alors mon arme et me mis à essuyer toutes trace de mon passage, plaçant çà et là de faux indices. Puis, après avoir éteint les bougie du chandelier, je me dirigeai vers la porte d'entrée en prenant soin de ne pas marcher dans le sang. Alors que je m'apprêtais à l'ouvrir, je sorti mon téléphone et appela mon client :

— Bonsoir monsieur. Je viens de finir le travail avec votre femme.
— Et son amant ?
— Il m'attend dans mon coffre, monsieur, je m'en débarrasse dans la baie et je vous rappelle.
— Bien, vous l'avez aidé à accepter son sort ?
— Comme à mon habitude monsieur.
— Et les preuves ?
— Disséminées dans la pièce.
— Bien, bien. Vous avez mérité vos 20 000 dollars, sans aucun doute.
— Merci de vos compliments, monsieur. A tout à l'heure.

Fin

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