2.3
Et faut le voir se déhancher, le pépère ! Le voilà qui se tortille dans tous les sens. Il mate la vieille comme jamais, les yeux soudain vifs et brillants de désir.
- Ah...Agathe, fait-il d'un ton radouci. Après tout, tu dis peut-être vrai. Et puisque ma tasse est encore de ce monde, il serait idiot de ma part de m'entêter, hein ?
Tout le monde est surpris, cela va sans dire (oui, mais ça va tellement mieux en le disant quand même, je sais...) Conardus est prêt à s'interposer, sentant bien que son pote va sauter sur la vieille bique, chose qu'il n'accepterait pour rien au monde, puisqu'il veut lui passer dessus en priorité. René, lui, ne voudrait pas finir la nuit au poste, d'autant que les femelles hurlent au moindre prétexte, selon les journaux télévisés. La tension est palpable, vous voyez ?
On se croirait dans la scène finale d'un western spaghetti, là qu'on voit plus que les yeux des antagonistes. Ceux-là sont prêts à faire parler la poudre. Suffirait qu'une mouche passe pour déclencher la fin du monde.
Ben, le trio ici présent en est là. Seule Agathe semble sûre de son fait.
René, qui n'est pas tombé de la dernière pluie, se dit que Raymond ne fait pas la danse de Saint-Guy pour rien. Pas con, le René !
Alors, il s'approche de son pote, le sonde du regard avec insistance, pose sa main sur son bras, comme pour lui prendre la tension...
- Raconte à ton pote...fait-il en souriant bêtement.
Mais Raymond n'est plus sur la même planète que ses acolytes. Dans ses yeux brillent des étoiles inconnues. Conardus lui-même n'est jamais allé dans ces coins-là de l'Infini.
- Allons, mon bon... Faut pas laisser tes poteaux dans l'obscurité, tu sais bien. Raconte à Pépé René, tu veux bien ? Tu sais, je vois bien qu'y a un truc spécial, là...
Rien à faire. Raymond s'approche à pas lents de la table. Il avance bras en avant, les mains grandes ouvertes en direction de la vioque qui ne frémit pas d'un cil. Conardus s'inquiète un peu, René recule, toujours face à son ami. Puis il comprend que ce dernier vise la vieille. Il se retourne brusquement, et se jette sur Agathe qui se recroqueville pour résister à l'assaut.
- Me touche pas, bougre de sagouin ! glapit-elle.
- Qu'est-ce que tu planques sous tes jupes, mémère ? aboit l'intéressé en faisant mine de vouloir la fouiller au corps.
- Rien ! Je planque rien !
- Me prends pas pour un niais ! Je connais mon pote, et c'est pas une girouette ! S'il est maintenant prêt à t'accueillir chez lui, faut bien que tu possèdes un truc qu'il veut, riposte René. Et c'est forcément sur toi...
Quand je vous disais que le père René, c'est le petit futé du groupe, hein ? Il a raison, ce vieux tromblon. Et il ne tarde pas à découvrir ce que la grand-mère dissimule sous les ruines de son manteau. Impatient, il tente de l'arracher des mains d'Agathe, mais Raymond crie soudain :
- Pas touche, René !
- Mais ?
- Fais comme j'te dis, frérot. Laisse donc madame se reposer un instant chez nous. Je crois qu'on va tous y trouver un certain confort.
- Faut voir, fait alors Agathe, l'oeil en coin.
- Non : faut boire ! dit Raymond avec assurance. Alors, ma gosse, on fait quoi ? Tu sors ton trésor ou on te l'extirpe à la cosaque ?
Conardus ne comprend pas encore ce qui se noue sous ses yeux. Alors, plein de bon sens, il demande à la cantonnade :
- Vous allez m'expliquer, bien sûr ?
Pas si sûr, au contraire...
Voilà que René se place à la droite d'Agathe, pendant que Raymond la cerne par l'autre côté. Tous deux s'approchent de la vioque. Quand elle estime que son espace vital commence à trop sentir le vieux, mamy se lève et recule. L'alien regarde la scène sans rien comprendre, jusqu'au moment où un étrange et furtif reflet lui percute les rétines. D'instinct, il identifie l'origine de la chose.
C'est fort logiquement, donc, qu'il prête main forte à ses deux amis !
A suivre...
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