4.5
René attrape Agathe par le bras, et sans la ménager, la force à se cacher entre deux gros rochers. Raymond a sauté tête la première derrière un gros tas de pierres sans s'inquiéter des possibles conséquences. Mais si le vieux a bien réagi au premier instant, il n'en reste pas moins que le tas de pierres ne suffit pas à dissimuler son gros cul.
Erreur fatale parce que la colonne de poussière vient d'arriver à ce que René prend toujours pour un arrêt de bus.
Agathe tremble comme une feuille, les mains jointes en une prière qu'elle chante en play-back parce qu'elle ne connaît vraiment aucune prière digne de ce nom. Les yeux clos, elle n'ose pas affronter la réalité. René, jette un oeil prudent et n'en revient pas. Le nuage de sable retombe lentement au sol, et maintenant que la pesanteur reprend ses droits sur les grains en suspension, c'est un groupe entier d'hommes qui apparaît.
Pas plus de camion sur la route que de beurre dans les branches !
Ils sont bien une trentaine, couvert d'une épaisse couche blanchâtre de saletés collées à leur vêtements, soudées à leur peau, profondément incrustées dans leur chevelure. Les cils empoudrés, leurs yeux noirs ressortent fortement et leur donnent un air infernal.
Mais là n'est pas le plus extraordinaire. Rencontrer des hommes couverts de poussière en plein désert n'a finalement rien d'exceptionnel, quand on y pense.
Par contre, se trouver nez à nez avec une bande de lascars habillés en uniforme de soldats romains de l'époque de Jules César impose un moment de réflexion.
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- Raymond ? chuchotte René. T'as le cul qui dépasse... fais quelque chose !
- Tu sais ce qu'il te dit, mon cul ?
- Je m'en doute, mais tu devrais quand même te débrouiller pour lui demander d'être moins visib' !
- Au contraire, je sens qu'il a bien envie de se lancer dans un p'tit concert, vite fait, bien fait ! rigole doucement Raymond.
- A ta place, j'y foutrais un bouchon, à ton cor de chasse !
- Pourquoi ça ?
- Je vois une trentaine de regards vissés sur tes miches, et à mon avis c'est pas des mélomanes.
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Pour l'instant, c'est un peu la stupeur pour tout le monde. Agathe tente toujours de s'inscruster dans les pierres, regrettant de ne rien savoir de l'art des caméléons pour se fondre dans le décor. René, dont on ne distingue que le sommet de la tête et l'arrondi parfait de ses sourcils, retient son souffle, pendant que Raymond essaie de suivre les conseils de son pote.
En face, à une cinquantaine de mètres, le groupe d'hommes s'est immobilisé, un chef avec un uniforme différent au premier rang. C'est un rude bonhomme, large d'épaules avec un cou de taureau. Il porte un casque sommé d'une crinière rouge, et malgré la température insupportable, il garde sur les épaules une tunique, signe que c'est un officier.
Il observe les trois personnes qui tentent de se dissimuler. Un petit sourire en coin, il hésite entre la manière forte ou le dialogue. Bras croisés sur son torse puissant, il cogite. Puis...
- Toi, et toi ! Allez voir qui sont ces énergumènes. Arme au poing, on sait jamais... Leurs tenues me paraissent pas païennes.
Deux hommes sortent du rang, des gros costauds, et foncent vers les trois vieux.
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- Raymond... ils approchent ! couine René.
- Alors, j'ai plus aucune raison de me retenir ! répond l'autre, fataliste. Et il soulage ses sphincters sans plus attendre.
- Seigneur tout puissant, mais ce goret ne saura donc jamais quand la fermer ! s'alarme Agathe. Ils vont nous massacrer, j'en suis sûre !
- Vois le bon côté des choses, philosophe Raymond, tu seras peut-être violée avant de passer l'arme à gauche !
Les lourdes chaussures des soldats retentissent dans le silence écrasé de chaleur. Ils ne sont plus qu'à quelques mètres. Encore une seconde et ils seront sur eux...
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- Toi, là, le gros balaise à tête d'ahuri ! aboie soudain l'officier qui regarde la scène à distance. Va les aider. Je vois un gros bonhomme armé d'un gourdin en bois qu'il planque sous sa tunique. Et méfiance, hein ? Si ça se trouve, on a affaire à des dissidents.
- A tes ordres, chef ! grommelle une montagne de viande avec une tête rubiconde au sommet.
Et l'énorme brute épaisse se lance au pas de course à la suite des deux premiers soldats. Il ne lui faut qu'un instant pour être opérationnelle, à la machine de guerre. Et ce n'est pas qu'une expression ! En effet, ils se jette d'abord sur Raymond, l'attrape brutalement par ce qu'il peut, en l'occurence le bassin, et le balance sans ménagement sur la route de pierres. Mais il ne s'arrête pas là : il se saisit d'Agathe, tout de suite après, et l'attaque de front en se saisissant du gourdin évoqué par son supérieur. Il arrache sans effort la pauvre vieille de sa cachette. Agathe se retrouve les quatre fers en l'air, un peu assommée, tout à côté de Raymond.
Quand le géant s'approche de René pour lui faire subir le même sort, le vieil homme se dresse d'un bond, main en avant, en signe de réddition. D'abord surpris, le soldat hésite un instant puis, se rappellant les consignes, attrape quand même René et le projette au sol, près des deux autres soldats qui le menacent immédiatement de leur lance.
- Conardus... grommelle Raymond qui a le nez en sang. Quand je vais te mettre la main sur le paletot, tu vas te rappeler du vase de Soissons...
A suivre...
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