27. La nounou tentatrice
Maxime
Installé dans le salon, je suis en train de terminer le rapport que Nicolas m’a demandé. Il faudra le joindre à la nouvelle demande de subvention qu’on doit transmettre à nos partenaires anglais et il faut que je me dépêche de le finir. J’ai déjà dit bonne nuit à mes enfants et Nina est encore avec eux pour les mettre au lit tandis que Miléna est sûrement en train d’avancer sur la traduction du grimoire qu’on a trouvé. Après la rénovation de la suite, elle a trouvé là un moyen d’occuper ses journées. Son dossier a été envoyé à l’office de protection des réfugiés et elle n’a rien d’autre à faire que d’attendre une convocation. Quelle vie pour ces migrants…
J’essaie de mettre en forme un graphique quand j’entends quelqu’un ouvrir la porte du salon. Je me retourne et constate que c’est Nina qui revient. Ce soir encore, elle a fait un effort vestimentaire certain, bien loin des tenues qu’elle portait au début de son emploi auprès des enfants. Elles sont assurément moins confortables mais beaucoup plus sexys ! Là, c’est un petit tailleur rouge sur des collants noirs et un chemisier blanc avec des dentelles qui le maintiennent fermé. Enfin, fermé, c’est un bien grand mot quand je vois comment les dentelles sont délacées.
— Les enfants sont couchés ? Tu vas pouvoir rentrer chez toi, au moins. Merci d’être restée plus longtemps ce soir.
— Ils sont couchés, oui. Ça me fait plaisir, j’aime bien passer du temps ici.
— Oui, mais tu sais bien que je ne te paie pas assez pour toutes les heures que tu fais. J’en suis désolé.
— Oh, ce n’est rien, tu sais que j’adore Tom et Lili, et puis, ces petits moments tous les quatre sont sympas à vivre, sourit-elle en s’asseyant près de moi sur le canapé.
Elle aurait pu prendre n’importe quel espace, mais elle a choisi l’endroit qui lui permet d’être le plus près de moi. Je sens l’odeur de son parfum, fruité et un peu trop fort à mon goût. Elle croise ses jambes et se penche vers moi pour regarder ce que je suis en train de taper sur mon ordinateur par-dessus mon épaule.
— Tu ne rentres pas chez toi ? Ta mère va s’inquiéter, non ?
— Non, elle sait que je suis ici, qu’il n’y a pas de risque, c’est bon, sourit-elle en se penchant davantage, posant sa main sur ma cuisse. Ça m’a l’air bien compliqué tout ça.
Je suis un peu mal à l’aise et essaie de me décaler, mais elle en profite pour remonter ses jambes sur le canapé et se lover contre mon bras.
— Non, ça va. Il faut juste que je trouve le moyen de faire un graphique qui a du sens. Il ne faut donc pas me déconcentrer, tu vois.
— Te déconcentrer ? Vraiment ? rit-elle. Crois-moi, si je voulais te déconcentrer, je ne serais pas tranquillement installée à côté de toi.
En terminant sa phrase, Nina pose sa main sur mon ventre et la descend lentement tout en venant m’embrasser dans le cou. Je me dégage un peu de son étreinte et la repousse gentiment en appuyant sur son épaule.
— Nina, tu fais quoi, là ? Je t’ai dit que je devais me concentrer sur mon rapport. Et tu es mignonne, c’est sûr, mais je ne suis pas intéressé par une relation autre que professionnelle avec toi.
— Même pas pour une nuit ? Maxime, ça fait combien de temps que je m’occupe des enfants ? Tu n’as pas eu un rencard, il faut… Profiter un peu de la vie aussi, non ? Moi, j’ai très envie de toi, en tout cas, tu sais, continue-t-elle en se levant pour prendre mon ordinateur et le poser sur la table basse avant d’entamer une danse sensuelle devant moi.
J’admire les arabesques qu’elle fait de ses bras et son corps qui se meut avec fluidité et un charme certain devant moi. Mon corps ne s’y trompe pas et réagit, j’ai une belle érection qui se déclenche à la vue de cette jolie femme qui est en train de s’offrir à moi.
— Je ne suis pas à la recherche d’une nuit, Nina. Et puis, tu as vu mon âge ? Comment tu peux t’intéresser à moi ? Sois raisonnable, voyons.
— C’est très tendance de coucher avec un homme mûr, tu sais. Et puis, regarde-toi, tu es très attirant. Je peux t’assurer que tu me fais beaucoup d’effet, me dit-elle en ouvrant davantage son chemisier avant de dézipper sa jupe.
Je ne sais pas pourquoi je ne réagis pas. Je n’ai pas envie de craquer avec elle, je ne suis pas attiré par elle, mais je reste figé devant cette femme qui se dénude et m’offre de plus en plus accès à sa peau qu’elle dévoile petit à petit. Sa jupe se retrouve rapidement à ses pieds et, toujours en dansant, elle défait son chemisier qu’elle jette à terre. La voilà simplement vêtue de son tanga et d’un soutien-gorge qui met en valeur son décolleté. Elle s’approche de moi, un grand sourire aux lèvres, sûre d’obtenir ce qu’elle désire, et s’agenouille entre mes jambes. Je pose mes mains sur ses épaules pour l’empêcher davantage.
— Je t’ai dit que je n’ai pas envie, Nina. Rhabille-toi, voyons.
— Tu plaisantes ? Tu vas vraiment me dire non alors que tout ce que je veux c’est te satisfaire ? me demande-t-elle en s’attelant à déboutonner mon pantalon. Prends-moi, Maxime, tu n’attends que ça !
Que c’est difficile de résister à la tentation, mais alors que ses doigts viennent caresser mon sexe bien bandé à travers le tissu de mon sous-vêtement, une vision s’impose à mes yeux : Celle que je vois, c’est Miléna. C’est elle qui devrait être là à me toucher, à me tenter, pas Nina. Avec ma nounou l’attraction n’est que physique et naturelle au vu des stimulations qu’elle provoque chez moi, mais il n’y a aucun sentiment, aucune envie réelle de mon côté. Si je dois céder à une quelconque tentation, il faut que ce soit avec quelqu’un pour qui j’éprouve autre chose, un sentiment plus profond et plus grand. Et si je craque et la laisse continuer, je fais comment pour continuer à travailler avec elle après ?
— Oui, je vais vraiment te dire non ! tonné-je en me relevant après l’avoir repoussée un peu plus brusquement. Rhabille-toi et rentre chez toi. On oublie ce qu’il vient de se passer et si tu promets de ne pas recommencer, je ne dirai rien à ta mère. Je t’ai dit que je n’avais pas envie et tu dois respecter ça. Bonne soirée, Nina, je te laisse sortir toute seule, tu connais le chemin.
Je reboutonne mon pantalon et sors sous son regard incrédule. Je devine aussi une certaine colère contre moi, mais je n’en ai rien à faire. Je sais que je fais ce que je suis censé faire. Que céder à cette tentation ne m’aurait apporté qu’un bonheur bien éphémère source d’un million de complications dont je ne veux absolument pas. Et comme un problème n’arrive jamais seul, quand je me retrouve dans le couloir, je vois Miléna en train de remonter les escaliers en courant. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr qu’elle a surpris une partie de la scène qui vient de se dérouler dans le salon. Que va-t-elle encore interpréter ? N’écoutant que mon instinct, je file à sa suite et gravis les escaliers quatre à quatre. J’arrive juste à temps à sa chambre pour bloquer de mon pied la fermeture de la porte qu’elle essaie de me claquer au nez.
— Miléna, attends, dis-moi ce qu’il se passe. Tu m’as vu avec Nina, c’est ça ? Laisse-moi t’expliquer, s’il te plaît…
— Que tu m’expliques ? De quoi tu parles ? De Nina à tes pieds ou de moi me trouvant bête de vous observer ? De toi tout excité ou d’elle quasiment nue ?
— Elle m’a sauté dessus, Miléna, je n’ai rien demandé, moi. Et je n’y peux rien si mon corps en manque réagit à la vue d’une femme qui s’offre à moi. Je n’ai pas arrêté de la repousser… Et… Je n’ai pas craqué parce que j’ai pensé à toi, tu comprends ce que ça veut dire ? Laisse-moi entrer et tout t’expliquer.
Je balance tout aussi rapidement que possible parce que si elle me rejette, là, jamais je ne pourrai expérimenter ce que j’ai entrevu alors que mon esprit luttait contre la vision de Nina qui se dénudait.
— Je venais voir si tu étais prêt pour continuer à traduire le grimoire, je ne m’attendais pas à tomber sur… Cette scène, j’avoue.
— Je suis désolé que tu aies vu ça, Miléna, mais de mon côté, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me saute dessus comme ça. C’est la première fois depuis que je la connais qu’elle est aussi entreprenante et j’avoue qu’il m’a fallu un peu de temps pour réagir correctement et la repousser. Mais ce n’est pas elle qui m’attire, tu dois le savoir, non ?
Je profite du fait qu’elle se calme un peu pour pénétrer dans la pièce à sa suite et elle ne s’y oppose pas. Je reste debout à ses côtés et espère qu’elle va me laisser une chance de m’expliquer.
— Elle te drague depuis qu’elle est revenue. Et elle m’a bien fait comprendre que ma présence l’ennuyait. D’ailleurs, elle m’a aussi bien montré que je ne servais à rien ici, maintenant qu’elle était revenue, marmonne-t-elle en se laissant tomber sur son lit.
— Tu sais que ce n’est pas elle qui décide ? Peut-être qu’après ce qu’il s’est passé ce soir, je devrais lui demander de ne plus venir… À deux, je suis sûr que l’on pourrait s’en sortir…
— Ne dis pas de bêtises… Les enfants l’apprécient, Tom va encore être tout chamboulé si elle ne vient plus.
— Je veux juste que tu trouves ta place, toi. Peut-être que je vais lui demander de ne plus s’occuper que des enfants, comme elle est censée le faire depuis le début. Ce serait plus simple… Ce qui est sûr, en tous cas, c’est que si elle recommence ses bêtises, je la vire.
— Comme tu le sens, c’est toi le patron, me dit-elle avec un petit sourire. Enfin, le sien au moins. Elle est partie ? Ou je risque de la croiser en petite tenue en bas si je descends ?
— Je lui ai demandé de rentrer chez elle, j’espère qu’elle l’a fait. Moi, je ne redescends pas tout de suite, c’est sûr. Je ne sais vraiment pas ce qu’il lui a pris. Et je suis désolé que tu aies pu voir ça… Je ne voudrais pas que tu te fasses de fausses idées sur moi. Je ne saute pas sur tout ce qui bouge.
— D’accord… On verra demain soir pour le grimoire alors. Tu devrais en profiter pour te coucher tôt et te reposer.
Je n’ai pas envie de me coucher tôt, de me reposer, mais c’est vrai que si on ne redescend pas, on ne pourra pas s’occuper de la traduction du livre qui raconte l’histoire du Château.
— Peut-être que si on descend à deux, on ne craint rien ? demandé-je en lui tendant la main.
— Très bien, mais je te préviens, si elle est encore aussi peu habillée qu’une strip-teaseuse, je risque d’être désagréable, m’avertit-elle en glissant sa main dans la mienne.
Je prends ce geste comme un armistice et une déclaration de retour à la normale entre elle et moi. C’est fou comme cela me soulage de la voir à nouveau sourire et me suivre alors que, dans les escaliers, je fais mine d’être un soldat essayant de s’infiltrer dans un territoire ennemi, en me collant au mur et en passant ma tête par chaque ouverture pour la faire sourire.
Heureusement pour nous, Nina n’a pas demandé son reste et elle est partie. Alors que nous arrivons dans la seconde salle à manger, nous nous installons à nos places habituelles, l’un à côté de l’autre, et chacun d’entre nous s’attelle à la traduction d’un chapitre. Tout est fluide et nous nous aidons. Tout au long de la soirée, doucement, une idée germe dans mon esprit et avant de perdre le courage de le faire, je me lance.
— Miléna, je me demandais… Est-ce qu’un petit rendez-vous avec moi te tenterait ? Demain soir, je peux demander à ma mère de venir s’occuper des enfants… Et… Si ça te dit, on se fait un petit restau… Rien d’exceptionnel, hein ? Juste pour passer un peu de temps à deux sans faire de traduction…
Je m’en veux d’être aussi hésitant, mais je ne sais pas du tout comment elle va réagir à mon invitation. Je me demande si je ne suis pas en train d’abuser et je ne veux surtout pas qu’elle se sente obligée d’accepter par peur de se retrouver à la rue si elle refuse. Mais j’aimerais vraiment partager ce petit moment avec elle.
— Je… D’accord, pourquoi pas, oui. Mais… Enfin, bafouille-t-elle avant de souffler. Pardon, j’ai l’impression d’être une adolescente invitée à son premier bal, c’est ridicule, mais je n’ai pas fait ça depuis tellement longtemps… Bref, oui, ça me plairait beaucoup, Maxime.
Je souris en grand et reprends ma traduction, soulagé qu’elle ait accepté ce petit rencard au restaurant. S’il y a une chose que m’a appris l’événement avec Nina au moins, c’est que Miléna me fait un effet fou et que j’ai envie de voir où cela peut nous mener. On a beau vivre ensemble depuis déjà quelques semaines, il est temps de vraiment se rencontrer en tant qu’homme et femme. Et comme elle, j’ai l’impression d’être retourné à ma première boum d’adolescent boutonneux. Stressé et excité. Mais c’est loin d’être désagréable.
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