45. Approfondir les recherches

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Maxime

— Maxime, m’interpelle Nicolas alors que je m’apprête à quitter mon bureau, tu peux venir, s’il te plaît ?

J’ai envie de lui répondre que je n’ai pas le temps, qu’il faut absolument que j’aille retrouver la femme qui a passé la nuit dernière dans mes bras, mais je me retiens. Quand le patron demande un truc, il vaut mieux obtempérer si on veut être bien vu. Je repose donc mon ordinateur portable sur le bureau et le rejoins dans le sien.

— Tu as quelque chose à me demander ?

— Oui, c’est quoi, ce truc ? En quoi ça répond à ma commande ? Tu te moques de moi ?

Le ton est accusateur, martial et clairement, il est en colère. Je jette un œil vers ce qu’il désigne du doigt et constate qu’il s’agit de ma proposition pour le prochain système anti-migrants qu’il souhaite installer aux abords du camp.

— Je ne vois pas pourquoi tu t’énerves comme ça, Nicolas, dis-je sans me laisser émouvoir par la manifestation flagrante de sa colère. C’est un dispositif qui permet de décourager les migrants de manière humaine. Ce n’est pas parce qu’ils essaient d’aller en Angleterre qu’il faut les considérer comme des dangers vivants, si ?

— Ce que je te demande, c’est un dispositif efficace. Et le plus efficace possible. Je ne crois absolument pas que ton projet fonctionnera. Je veux autre chose.

— Et si efficace rime avec mise en danger, tu t’en moques ? Là, le système avec les poulies et l’eau permet de les repousser sans les tuer. Cela devrait suffire, non ?

— Depuis quand est-ce que tu te permets de discuter mes consignes ? Je te demande quelque chose, tu exécutes, c’est comme ça. Je te donne quarante-huit heures pour me faire une autre proposition, plus efficace.

— Ah non, c’est trop facile, ça. Si tu veux un truc qui soit dangereux, je veux que tu me l’écrives noir sur blanc et que tu prennes la responsabilité en cas de malheur. Moi, j’ai fait preuve de créativité et j’ai répondu à ta demande, cela devrait suffire. Et puis, honnêtement, qui sommes-nous pour empêcher tous ces pauvres gens de réaliser leurs rêves ? La frontière, si je ne m’abuse, c’est de l’autre côté de la Mer du Nord, non ?

— Ecoute-moi, Maxime, gronde-t-il en se levant. Je commence vraiment à en avoir assez de tous ces échanges stériles. Si ton travail ici te déplaît, si ça ne colle pas avec tes idéaux rêveurs, c’est ton problème. Moi, j’ai des consignes, j’ai des comptes à rendre, et je te dis que ce que tu me proposes ne me convient pas. Si tout ça, ça t’emmerde, la porte est grande ouverte, tu sais ?

— Ouais, je vois ça. Je vais la prendre tout de suite, parce que sinon je risque de m’énerver, Monsieur le représentant de l’Etat. Je te rappelle que je suis ingénieur, pas douanier. A demain, Nicolas.

— Prends-la pour aujourd’hui, et réfléchis peut-être à ton projet professionnel, puisqu’apparemment tes missions ici ne te plaisent pas. A demain.

Je ne peux pas laisser passer ça et me stoppe avant de passer la porte.

— J’aime mon travail, Nicolas. Et tu sais pourquoi j’ai été embauché sur le port ? Pour rendre l’accès aux bateaux plus facile et plus sécurisé. Pour éviter que des gens ne tombent à l’eau quand ils montent sur les bateaux, pas pour les empêcher de le faire. Alors, je pense que c’est toi qui devrais réfléchir à la stratégie de l’entreprise. Et je t’ai dit, tu m’écris que tu souhaites que je fasse le dispositif le plus dangereux possible, j’essaierai d’y réfléchir de manière sérieuse. En attendant, je garde ma liberté d’action et si tu n’aimes pas mes propositions, tu n’as qu’à en inventer d’autres toi-même.

— Les choses évoluent, Maxime, il faut prendre le bateau en marche, sinon tu vas finir par te retrouver sur la touche, tu en as conscience, j’espère.

— Il vaut mieux être sur la touche avec sa conscience pour soi que sur le bateau et sombrer dans l’inhumanité. Fais-moi la demande écrite et on verra ce que je peux faire.

Je le laisse cette fois pour de bon et prends la route vers le Château. J’essaie de réfléchir à ce qu’il dit et de voir si vraiment, je n’ai pas assez évolué. J’ai certes l’impression que je réfléchis un peu différemment envers les migrants maintenant que j’en héberge une à la maison, mais, en même temps, je fais toujours mon travail avec autant de sérieux et je n’ai pas l’impression d’avoir démérité dans mes tâches au quotidien. Je fais juste preuve de plus d’inventivité pour imaginer des dispositifs qui répondent à la fois à la commande passée, mais qui le font sans mettre en danger ces personnes qui n’ont rien demandé. Je n’y peux rien, moi, si à chaque fois, je m’imagine Miléna essayer de les contourner !

Quand j’arrive, je constate que ma jolie Arménienne prend son nouveau rôle à cœur. Les enfants ont l’air ravis d’être aidés par elle pour faire leurs devoirs et une odeur de fromage fondu embaume la pièce. Je me fais la réflexion que c’est dommage qu’une journaliste de son niveau en soit réduite à faire la nounou et la cuisinière, mais je me dis que ce n’est que temporaire, le temps que sa situation se stabilise. Je lui adresse un grand sourire et vais aider mes enfants avant de profiter du bon dîner qu’elle a préparé à partir de recettes arméniennes trouvées sur Internet.

— Eh bien, tu t’es surpassée aujourd’hui ! Tu peux nous dire ce que c’est ? demandé-je alors que tout le monde s’assoit à table.

— C’est un sou-beureg. C’est un peu comme vos lasagnes, sauf qu’il n’y a pas de viande, juste beaucoup de fromages. Disons que c’est un plat qui tient chaud l’hiver, mais que j’ai fait avec ce qu’il y avait dans les placards, sourit-elle. Je vous sers de petites parts pour ne pas vous gaver, mais c’est très bon, vous allez voir.

— Attends, je vais t’aider à ramener le plat, dis-je en me relevant.

Je la suis en cuisine et à peine la porte refermée, je l’attrape par les hanches et me colle dans son dos alors qu’elle a enfilé deux maniques et que ses mains sont prêtes à se saisir du plat qui a l’air très chaud.

— Ça m'a l’air presque aussi délicieux que la cuisinière, tout ça ! Miam, miam ! Cela me met en appétit !

Je me colle tout contre elle et immédiatement, nos bouches se trouvent et nous échangeons notre premier baiser du soir, celui que je voulais faire depuis déjà de trop longues minutes. Cela ne fait que quelques heures que nous avons partagé d’intenses moments ensemble, mais ça me manque déjà.

— Eh bien, je ne savais pas que te faire la cuisine te mettait dans cet état, me taquine-t-elle en déposant de petits bisous dans mon cou.

— Si tu savais dans quel état ta beauté me met, Miléna… Dommage que les enfants nous attendent à côté, parce que l’envie est présente et pressante.

Elle fronce un instant les sourcils dans cette moue si mignonne qu’elle arbore quand je fais un jeu de mots un peu trop rapide ou qu’elle peine à comprendre ce que j’exprime avant de sourire.

— Présente et pressante, hein ? Tu ne vas quand même pas envoyer les enfants au lit avant le dîner, rassure-moi ? rit-elle.

— Ah non, ce serait un crime de ne pas déguster une spécialité arménienne ! Allez, on y retourne, je t’ouvre la porte.

Je maintiens la porte ouverte afin qu’elle puisse passer avec le plat chaud dans les mains et je suis ravi de voir qu’elle multiplie les contacts en me frôlant pour aller servir tout le monde. Le repas se passe dans une ambiance bon enfant et chaleureuse. Le plat est vraiment délicieux et tout le monde en redemande. Nous échangeons sur nos journées respectives, mais je ne parle pas de mon embrouille avec Nicolas. Je préfère garder ça pour moi pour l’instant.

Une fois les enfants couchés, je retrouve Miléna qui s’est installée dans la grande bibliothèque, mais elle n’a sorti aucun livre. Elle se contente de scanner les titres des volumes entreposés dans ces immenses armoires remplies d’ouvrages tous plus importants les uns que les autres.

— Tu cherches un truc à lire ou bien quelque chose de plus philosophique ? Il y a de tout ici.

— Je cherchais le registre dont tu me parlais pour les statues, et je me disais que ce serait pratique de classer et ranger tout ça. C’est un peu… Brouillon, comme organisation, non ? Comment tu sais où trouver un livre particulier, toi ?

— En fait, mon grand-père a tout classé selon le titre traduit en latin. Il disait que c’était le seul moyen de mettre tout le monde d’accord et que c’était tant pis pour les incultes ne maîtrisant pas la langue de Sénèque.

Je ris en voyant son air perplexe et continue en l’attirant vers un meuble qui se trouve un peu à l’écart des étagères.

— Et puis, là, tu vois, tu as la liste avec leur emplacement, ris-je, parce que, franchement, qui parle encore latin de nos jours ?

— Et tu ne me dis ça que maintenant ? Alors que j’ai commencé à faire la même chose ? s’esclaffe-t-elle. Bon sang, quelle perte de temps ! Et moi, je parle latin. D’ailleurs… J’ai envie de te dire : in vino veritas. Je crois qu’il me faut un verre. Ou un baiser, c’est meilleur pour la santé.

— Si tu veux réorganiser les choses de manière plus logique, n’hésite pas ! Et pour le verre et le baiser, c’est comme si c’était fait !

Je file à la cuisine chercher une bouteille et prends deux verres que je ramène rapidement. Je constate cependant que je n’ai pas été assez vite et qu’il n’a pas fallu longtemps à la journaliste pour avancer dans son enquête car déjà, elle déplace la petite échelle en bois à roulettes vers un coin de la bibliothèque.

— Tu fais quoi ? Ne me dis pas que tu as déjà trouvé où se cache le registre ? Je fais quoi de ma bouteille, à présent ? Et pour le bisou qui était promis, il va falloir aussi patienter ?

— Donne-moi une minute, je récupère ce qui nous intéresse, et ça vaudra un deuxième bisou, je te préviens, continue-t-elle en montant pour récupérer un livre sur l’étagère la plus haute.

Je l’observe me surplomber et viens derrière elle pour stabiliser l’échelle. Il est possible que ce soit aussi pour aller lui peloter un peu les fesses, mais elle ne dit rien et redescend en faisant attention au livre qu’elle a sorti.

— C’est pour maintenant le baiser ? demandé-je alors qu’elle pose le livre sur la table et se tourne vers moi.

— Ça ne dépend que de toi. Et on parle de baisers au pluriel, je te rappelle. J’ai trouvé la liste des statues. Alors, maintenant, on boit ou on travaille d’abord ?

— Le livre a attendu des années déjà, il peut encore patienter un peu. Par contre, la soif que j’ai de toi ne peut plus attendre !

Je profite enfin que nous soyons seuls pour la serrer à nouveau dans mes bras, pour me repaître de ce contact entre nos peaux qui me fait tant de bien. J’ai l’impression qu’elle ressent la même envie que moi car ses mains se font aussi aventureuses et exploratrices que les miennes. Dans le mouvement, je la plaque contre la bibliothèque et presse mon érection contre sa jolie silhouette qui se dessine tout contre moi. Le désir est fort et nous devons le soulager. Nos vêtements ne tardent pas à se retrouver sur le sol, et quand je retrouve cet endroit humide qui m’a apporté tant de plaisir la nuit dernière, nous gémissons tous les deux en parfaite harmonie. L’instant est court, charnel et sensuel. La frustration de la journée nous a laissés tous les deux particulièrement excités et j’ai le bonheur de pouvoir m’unir à nouveau à elle jusqu’à ce que la jouissance lui fasse pousser un cri qui me fait exploser en elle.

— Tu sais que tes arguments pour attirer les étudiants vers la recherche sont imbattables ? Je suis désormais convaincu que passer du temps au milieu des livres, il n’y a rien de plus excitant !

— La recherche, vraiment ? Pas sûre que la recherche du plaisir charnel soit au programme d’un cursus scolaire, Maxime, rit Miléna en passant ses mains dans mes cheveux.

— Je te promets d’approfondir mes recherches ce soir au lit, mais là tout de suite, je suis curieux de voir ce qu’il y a dans le registre.

Et sans me rhabiller, je viens m’asseoir devant l’imposant livre afin de trouver la trace de la Vierge aux deux enfants. Miléna, toujours nue elle aussi, vient s’asseoir sur mes genoux, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, et ensemble, nous feuilletons le registre. Mes mains ne peuvent rester sages et bien entendu, elle profite de mon manque de concentration pour repérer avant moi la mention de la statue qui nous intéresse.

— Un peu de sérieux, Maxime, tu es infernal. Regarde, il est dit que la Vierge surveillait l’entrée du château depuis son piédestal. Ça ne nous aide pas à savoir si c’était de l’extérieur ou de l’intérieur, tout ça.

— Eh bien, il nous faudra poursuivre nos recherches, alors. Mais là, je crois qu’il va falloir explorer ma chambre et voir si on y trouve une trace d’une vierge effarouchée. J’ai bien peur que la recherche soit infructueuse, ris-je en la soulevant dans mes bras.

— Sérieusement ? On arrête déjà ? A ce rythme-là, tu seras retraité quand on découvrira le trésor, tu sais ? pouffe-t-elle avant de m’embrasser.

Elle a sûrement raison, mais je suis dans l’incapacité totale de résister à la tentation qu’elle représente, au désir qu’elle m’inspire, à la jouissance qu’elle provoque chez moi. Quand je la vois, nue et désirable, c’est comme si tous mes neurones disparaissaient et que je ne pouvais plus penser qu’à une seule chose : elle, elle et encore elle. Et elle n’a pas l’air de s’en plaindre !

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