60. Intrusion innatendue
Miléna
J’observe Maxime en train de s’affairer dans la chambre pour s’habiller. Y a pas à dire, les enfants en vacances avec Mamie, c’est vraiment le bon plan. Traîner au lit, zapper le petit déjeuner pour s’adonner à des jeux d’adultes… S’amuser un peu partout dans le château… Est-ce que j’ai pris mon pied, hier soir, appuyée contre l’une des fenêtres du couloir au premier étage pendant que mon châtelain me besognait à la lueur du soleil couchant ? Clairement. Autant que ce matin d’ailleurs, alors que nous faisions l’amour presque paresseusement, enlacés l’un contre l’autre, imbriqués l’un dans l’autre… Je n’ai jamais eu une activité sexuelle aussi importante, et j’ai littéralement l’impression d’être à la fois comblée et de ne jamais me sentir rassasiée.
Maxime est en train de boutonner sa chemise lorsque je m’agenouille sur le rebord du lit dans le plus simple appareil, et m’amuse à rouvrir chaque bouton qu’il ferme. Le regard qu’il me lance, mi-amusé, mi-dépité, me fait sourire, et j’attaque celui de son pantalon alors qu’il soupire lourdement. Ok, j’abuse et il va vraiment être à la bourre. Pourtant, si j’en crois la bosse qui déforme sa braguette, nul doute qu’il y a bien un endroit où il a plus envie d’être que dans son bureau au port.
— Excuse-moi, Kyan jan, j’arrête, ris-je en faisant machine arrière pour l’aider à fermer tout ça avant de me stopper en constatant sa mine interloquée. Heu… C’est un surnom amoureux assez fréquent, en Arménie. C’est rien, fais comme si tu n’avais rien entendu.
— Je vois, répond-il en empaumant mes seins nus. Je pensais que c’était le mot de passe pour me faire comprendre que tu as envie de me sentir à nouveau en toi. Dommage que je me sois trompé car j’étais prêt à exaucer ton vœu.
— Tu vas être super en retard, ce ne serait pas très sérieux, quand même. Et puis, tu finirais tout froissé, souris-je.
— Tous les chefs sont en congés, personne ne remarquera mon retard, exprime-t-il doucement en me repoussant pour s’allonger sur moi.
Ce n’est pas moi qui vais dire non à une nouvelle étreinte, et je suis déjà en train de tirer sur sa chemise pour la sortir de son pantalon quand sa bouche s’abat sur la mienne. Je sens l’expression même de son excitation délicieusement nichée contre mon pubis et ne peux que répondre à ses légères ondulations alors que notre baiser se fait plus intense. Il a cette capacité à m’embraser d’un regard, d’une caresse, à rendre ce besoin de le sentir au creux de mon corps viscéral.
Je pousse un grognement de frustration lorsqu’il se relève, et le sourire satisfait qu’il arbore en déboutonnant son pantalon et en l’enlevant me fait pouffer bêtement. Je me redresse pour l’aider à ôter sa chemise mais il me repousse sur le matelas en me gratifiant d’un regard entendu avant de terminer son effeuillage. Un petit cri surpris sort de ma bouche quand il attrape mes cuisses et attire mes fesses au bord du matelas, qui se transforme en un long gémissement alors qu’il s’enfonce en moi d’une poussée franche en maintenant mes jambes relevées. Ses coups de reins sont assurés, son regard sans doute aussi fiévreux que le mien, et il semblerait qu’il ait autant besoin de contact que moi, parce qu’il finit par relâcher mes jambes pour presser son corps contre le mien.
Le petit coup vite fait est plutôt rare ici, lui comme moi aimons prendre notre temps et savourer la montée du plaisir avant la délivrance. C’est pourquoi il est vraiment, mais alors vraiment en retard, ce matin. Il devrait déjà être au bureau lorsque j’enfile ma nuisette tandis qu’il se reboutonne. Nous avons tous les deux le souffle encore un peu court, la tête dans les étoiles et un sourire niais sur le visage. J’ai l’impression que chaque orgasme ou presque est plus intense que le précédent, c’est juste dingue. Peut-être que je devrais en faire un post sur mon blog, d’ailleurs : Vivre d’amour et d’eau fraîche et avoir la sensation de mourir de plaisir à chaque fois.
— Arrête de me regarder comme ça, il n’y aura pas de troisième fois ce matin, me moqué-je en lui lançant sa paire de chaussettes. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
— Tu es belle, Miléna, mais tu as raison, je suis déjà assez à la bourre comme ça. Vivement ce soir ! Parce que demain, les enfants reviennent, finies les vacances !
— Essaie de ne pas rentrer trop tard, qu’on en profite, hein ?
J’ouvre la porte de la chambre et tombe nez à nez avec Casanova, assis juste devant, son petit regard malheureux qui me fait fondre.
— Désolée, l’ami, c’étaient des jeux d’adultes, ce matin. Je te promets que tu auras ta dose de câlins, toi aussi, lui dis-je en le prenant dans mes bras, récoltant une léchouille sur le visage. Il a vraiment pris une mauvaise habitude, ce chien.
Je jette un œil à mon châtelain et constate qu’il est bien moins tranquille sur le fait d’être en retard maintenant qu’il a eu ce qu’il voulait. Ou ce que nous voulions tous les deux. Il s’engouffre dans la salle de bain à vive allure après avoir tourné en rond dans sa chambre, et en ressort brosse à dents en bouche pour aller mettre sa montre, laissée sur la table de nuit. Je le laisse finir de se préparer et descends pour sortir la boule de poils, que je surveille assise sur les marches extérieures. Maxime ne tarde pas à me rejoindre et m’embrasse rapidement.
— A ce soir, beau mec. Ne travaille pas trop bien surtout !
— Un petit peu quand même pour justifier mon salaire ! rit-il avant de me faire un petit signe de la main. Je t’aime ! A ce soir, ma Chérie !
— Je t’aime ! crié-je alors que le chien se précipite à mes pieds en entendant la voiture démarrer.
Je l’observe partir et reste assise un moment, la tête dans les nuages et les pensées encombrées de mille et une choses. Est-ce que je m’emballe ? J’ai la sensation qu’on le fait à deux, en tous cas. Je suis contente qu’il ne m’ait pas demandé ce que signifiait exactement ce petit surnom, parce que s’il est plutôt courant dans un couple en Arménie, je vois mal les Français appeler leur moitié “Ma vie”. Leur moitié… Est-ce que Max est ma moitié ?
Je finis par me lever pour aller petit-déjeuner et occuper mon cerveau. Il faut bien faire passer la journée, et je désherbe un moment le jardin, puis m’occupe de Casanova à qui j’essaie d’apprendre les basiques “assis” et “couché” grâce à des tutoriels sur Internet que m’a montrés Tom avant de partir en vacances. Je suis plutôt fière de moi, même si ce chiot est une sacrée tête de mule.
Après avoir déjeuné, je me pose devant l’ordinateur du salon, la boule de poils à mes pieds, pour écrire un peu. J’aime bien me retrouver sur mon blog, basique et concis, qui ne parle pas de choses fabuleuses mais retrace mon parcours ici, en France, et surtout au château. Je laisse tomber l’idée d’un article sur mes ébats sexuels mais reprends un peu mon brouillon commencé sur la recherche et la découverte du trésor. J’essaie de tourner ça en grande aventure, de romancer un peu la chose, et ce n’est pas facile dans une langue qui n’est pas la mienne.
Je relève le nez de mon travail quand j’entends le bruit d’une voiture sur le pont. Est-ce que Marie rentre plus tôt que prévu ? C’est bizarre qu’elle n’ait pas averti Maxime si tel est le cas. Un souffle de panique me gagne quand j’arrive devant la fenêtre et constate qu’il s’agit d’une voiture inconnue. Une grosse berline blanche qui se gare juste devant les marches. Je me demande si j’ai fermé à clé, même si j’ai tendance à le faire systématiquement pour m’enfermer quand je suis à l’intérieur, et je sais que Maxime ferme bien le portail en partant, toujours pour me rassurer. Casanova, en bon chien de garde, dort paisiblement sous le bureau et j’ai envie de l’incendier quand je constate qu’une jolie brune aux cheveux courts sort du véhicule qu’elle contourne. Il n’y a pas de voiture, elle doit bien savoir qu’il n’y a personne quand même, pourquoi s’acharner ?
J’écoute attentivement et n’entends pas sonner. Au lieu de ça, c’est le son de la porte qui grince en s’ouvrant qui parvient à mes oreilles. Est-ce que c’est une personne du service de sécurité qui gère les caméras ? Si elle entre comme ça, ce n’est pas très professionnel, en tous cas. Ceci a au moins le mérite d’avoir réveillé le pacha de la maison. Ses oreilles se dressent sans qu’il bouge d’un poil.
Je ne sais pas trop quoi faire. Le téléphone est dans le hall d’entrée, je ne peux pas appeler la gendarmerie, ni Maxime d’ailleurs. Et qu’est-ce qu’il ferait ? J’ai le temps de me faire tuer vingt fois avant qu’il débarque. Je souffle un bon coup et me décide à aller voir qui est cette femme, dont les talons résonnent lentement sur le parquet. Autant que ce soit moi qui la surprenne plutôt que l’inverse. Je tapote sur ma cuisse, faisant se lever Casanova qui me rejoint dans l’entrée du salon, et sors dans la couloir pour me retrouver nez à nez avec l’intruse. Les connexions se font rapidement dans mon cerveau en voyant son visage, et j’ai l’impression que ma mâchoire se décroche de surprise pour aller s’écraser sur le sol comme dans les dessins animés.
— Mais… Qu’est-ce que vous faites là ? demandé-je bêtement.
— Eh bien, je rentre chez moi, voyons. Et vous, qui êtes-vous ? La nouvelle nounou, je suppose ? Où sont les enfants ?
Je ne sais pas quoi répondre à ça. Techniquement, je m’occupe des enfants, mais on ne peut pas dire que je sois la nounou, non.
— En vacances avec leur grand-mère. Je suis contente que ça vous intéresse, finalement, ne puis-je m’empêcher de lui dire avant de me dire que ça ne va pas aider au premier contact.
— Eh bien, quel accueil. Je sens que vous n’allez pas faire long feu, ici. Et c’est quoi, cet accent ? Mon mari n’a pas trouvé mieux qu’une étrangère pour s’occuper de nos enfants ?
Je grince des dents en l’entendant parler. Elle est vraiment sérieuse ? C’est comme si elle était partie une semaine en voyage et revenait en se réappropriant les lieux. Sauf que ça fait plus de trois ans qu’elle n’est pas venue voir son mari et ses enfants. Ça me donne envie de l’incendier.
— Ce n’est pas parce que je suis étrangère que je m’occupe mal de vos enfants. Être française n’est pas un gage de qualité, la preuve, marmonné-je en lui lançant un regard entendu.
Elle me jette alors un regard plein de mépris puis détourne son attention de moi afin de la porter vers Casanova qui renifle ses chaussures à talons.
— Et c’est quoi, cette chose ? Mon mari sait très bien que je suis allergique aux chiens. Il faudra s’en débarrasser au plus vite. Je vais aller chercher mes bagages, on rediscutera quand Maxime sera là, mais je vous préviens, Mademoiselle, votre attitude ne me plaît pas du tout.
Mon premier réflexe est de rire, mais ça ne dure pas bien longtemps. Ses bagages ? Sérieusement ? Elle revient ici comme si de rien n’était ?
— Vos bagages ? Vous devriez peut-être attendre le retour de Maxime pour prendre vos aises, non ?
— Non, mais je suis chez moi, quand même ! s’emporte-t-elle en haussant la voix. Vous vous prenez pour qui ? Vous êtes d’une impertinence, je n’en reviens pas. Restez à votre place et je fais ce que je veux. Vous n’avez qu’à le prévenir, votre patron. Je suis sûre qu’il sera ravi de savoir que vous avez empêché sa femme de revenir à la maison. Vous allez en prendre pour votre matricule, Mademoiselle !
En prendre pour mon matricule ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte, cette folle ? Toujours est-il que je vais effectivement récupérer le téléphone dans l’entrée et monte dans ma chambre, suivie de Casanova qui s’installe sur mes genoux dès que je le monte sur le lit. Merci du réconfort, l’ami. Je compose le numéro de Maxime et attends patiemment qu’il décroche.
— Max ? Je te dérange ?
— Oh bonjour ma Belle, je te manque déjà, c’est ça ?
Ce n’est pas vraiment la raison de mon appel, mais je peux affirmer que j’aurais préféré qu’il soit là, c’est sûr. Le retour de Florence, ça pourrait tout changer entre nous, et ça me fout une peur bleue. Je ne suis pas prête à devoir jouer des coudes pour sortir victorieuse d’un combat que je n’ai aucune chance de gagner. Il a mis trois ans à se remettre de son départ, elle est la mère de ses enfants, je ne peux pas lutter.
— Max, j’espère que tu es bien assis, parce que j’ai une sacrée nouvelle pour toi… Il paraît qu’il va falloir se débarrasser du chien, parce que ta femme est de retour.
J’emploie mon ton le plus léger, bien loin des pensées qui me traversent, toutes plus désagréables les unes que les autres. Florence est de retour, et si cela va ravir les enfants, j’ai bien peur que mon couple, lui, n’y survive pas.
— Quoi ? C’est quoi ce bordel ? J’ai peur de comprendre ce que tu es en train de me dire, là…
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