Douleurs au masculin
Tu m'as tellement fait douter de moi ! C'était il y a quatre ans... Mais en te revoyant aujourd'hui, tout m'est revenu, aussi nettement qu'à l'époque.
Tu avais dix-neuf ans, trois de plus que moi. Tu animais les baladins depuis quelques années, c'était mon premier camp Scout. Je t'admirais parce que tu semblais si à l'aise avec les enfants. J'attendais toujours les soirées avec impatience parce que tu y étais différente. Je t'observais de loin, sans vraiment oser te parler. On n'avait jamais été dans la même école, on n'avait pas les mêmes amis. La seule chose qu'on avait en commun c'était ce camp.
Mais ce soir là, le dernier soir, tu m'as dit que j'étais mignon. Tu m'as demandé si j'avais déjà été avec une fille. Tu te doutais bien que non, que je devais encore être puceau. Tu as rigolé avec les autres animateurs. Tu as commencé à raconter des anecdotes sur ta vie d'étudiante branchée. Tu faisais la fermeture des bars du Carré tous les jeudis. Tu avais râté ta première année d'unif parce que tu avais trop fait la fête.
Tu m'as dit en avoir marre de discuter avec tout le monde, que tu voulais juste être avec moi. J'étais flatté. Tu étais resplendissante dans ta robe d'été. On a été plus loin, pour s'embrasser. Je commencais à être bien excité, tes mains frôlaient ma peau sous mon t-shirt. Et puis, tu as glissé ta main entre mes jambes. Ça m'a refroidi ! Je ne m'y attendais pas... pas si vite. Tu a été surprise que je ne bandes pas. Tu m'as dit que ce n'était pas grave, que tu allais t'en occuper. Tu n'as pas cherché à savoir si j'en avais vraiment envie, là comme ça, avec les autres pas très loin ! Tu t'es acharnée sur moi, même si je te repoussais.
Tu t'es enervée et m'as dit que j'avais intérêt à être plus doué avec mes doigts que ma queue. Tu as plaqué ma main sur ta culotte et m'as dit "vas-y maintenant". J'ai essayé, mais je voyais bien que ça ne te faisais rien. Je n'avais fait qu'une fois, avec une copine. Je t'ai dit que je ne voulais pas. Tu m'as traité de petit puceau, que pour une fois qu'une fille s'ouvrait à moi... que j'étais même pas foutu de la faire jouir avec un pauvre doigt. Tu es partie, me laissant seul près des arbres. Le lendemain, j'ai entendu les moqueries des autres quand tu leur as raconté. Le rangement du camp a été lent et pénible. Je n'avais qu'une envie : rentrer chez moi au plus vite.
Quatre ans plus tard, je te vois dans la salle d'attente de mon médecin. Tu ne semble même pas te souvenir de moi. Je n'ai jamais raconté cette histoire à personne et je ne la raconterai jamais. Un homme, un vrai... Ça refuse pas ce qu'on lui donne. C'est pas coincé par une fille à l'écart des autres sans son consentement. Ça chiale pas derrière un arbre pendant une heure avant de rentrer. Non, un homme, ça fait pas tout ça. Est-ce que j'ai jamais été un homme ?
Je fais demi-tour. J'attendrai mon tour dans la voiture.
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