8- Ariel

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Léontine me fait encore les orteils pour ne pas changer. Larson roupille sur l’oreiller. Moi, je suis encore le regard dans le vague après une session d’écriture.

—Pourquoi ce soupir, Léandre ?

Tiens, le retour de l’ange gardien qui ne sert à rien.

—Pour te faire parler inutilement…

—Ne sois pas mal poli. Je viens te réconforter.

—Me réconforter ? Rentre chez-toi, et arrête de dire des conneries. T’en es incapable. Tu ne m’aide pas. En rien. T’écouter m’apporte de l’espoir, puis du désespoir. À quoi bon. Je préférerai ne pas t’avoir créé, malheureusement, t’es là.

—J’ai toujours été là. Tu peux bien me voir comme le fruit de ton imagination, croire que c’est toi qui te parles à travers moi, mais je sais ce que je suis. Viens avec moi, j’ai à te montrer quelque chose.

—Pas envie. Tu vas encore m’illusionner avec tes stupides visions.

Ariel apparait. Ses cheveux répandus sur le sol font des rouleaux, comme la mer lorsqu’elle est agitée. Un tourbillon se forme sous ma chaise. Le sol s’écroule et m’aspire.

Les bras de mon ange gardien s’enroule autour de ma taille. Iel brille d’une telle intensité que j’ai l’impression de devenir un soleil en ébullition.

—Arrête ça. Ramène-moi dans ma chambre.

—Pourquoi faire ? Ruminer, le regard dans le vague et à rêver une vie que tu renieras à la seconde où tu reviendras à la réalité. Je veux te protéger de ta déprime, du voile opaque qui détruit ton imagination et tes possibilités.

Les mains sur son torse, ni féminin ni masculin, je tente de m’extirper d’Iel, mais sa lumière me force à relâcher et à accepter de suivre le mouvement.

—Conneries !

—Tu fais des caprices.

—J’fais ce que j’veux. J’en ai le droit.

Un claquement de doigt raisonne dans ma tête ou bien dans ce tunnel de cheveux que nous traversons. Le décor change. Ariel n’est plus qu’une présence, quant à moi, je suis assis devant une pile de roman, une femme se penche vers moi et me murmure à l’oreille :

—J’ai rajouté une date pour le mois prochain.

—Où se sera ?

J’ai l’impression de savoir ce qu’elle me raconte sans pour autant comprendre ce qu’elle veut dire.

—La japon expo qui se tiendra à Marseille.

—Est-ce un bon choix ? On va au Mang’azur. Nous croiserons les mêmes personnes.

—Pas sûr. Puis, on a été invité à la japon expo.

—Invité ? Sérieusement ? Pourquoi ne pas l’avoir dit ?

—Léandre, tu es à deux-cent à l’heure en ce moment. Les dédicaces, le travail éditorial pour ton texte en maison d’édition, puis la rédaction de ta future parution en indépendant.

—Ok, mais tu aurais pu le dire. Tu le sais depuis quand ?

—La semaine dernière. Ils m’ont directement contacté.

—En même temps, tu es mon agent, t’es un peu là pour ça.

—Je sais. Donc voilà, c’est dit.

La femme se recule avec le sourire. Je lève la tête. Un jeune homme me tend un roman, le même que ceux de la pile. Je suis en dédicace avec des textes tiroirs. Des récits que je n’ai plus touchés depuis pas mal de temps.

—Comment t’appelle-tu ?

—Achille, je suis un fan incontesté de votre univers.

—Mon univers ? C’est que j’en ai plusieurs.

—Je les aime tous, plus encore le terrier des roses pourpre. Un monde régit par un lapin métamorphe ça ne court pas les rues. C’est encore plus sombre que les sorcières d’Erablia, votre dernière duologie.

—C’est vrai.

—J’aimerais savoir comment vous passez d’un récit léger et drôle, à un roman macabre où l’esprit est le prie ennemi.

—Je ne suis pas sûr de savoir répondre à cette question. Peut-être suis-je comme ça, né avec un côté sombre et un coté ensoleillé.

—En tout cas, merci d’écrire. Merci d’avoir résister à vos déprimes, à votre envie de tout arrêté et merci d’avoir cru en vous. Aujourd’hui, vous avez permis à un garçon un peu timide de faire pareil. Vous êtes un model pour moi. Vous m’avez si souvent ouvert les yeux. Et vous m’avez dit qu’on peut transformer la dualité en positive.

—Tu écris ?

Pourquoi ce gamin m’interpelle ? Est-ce dû à son discourt. Mon cœur chauffe d’un sentiment étrange. Je n’arrive pas à lui donner un nom. Je me sens bien, ému et confiant sur l’avenir. J’ai l’impression d’avoir été utile, d’avoir peut-être guérie une âme en peine.

Le garçon sourit. Ses immenses yeux bleus roulent au ciel.

—Non, je ne sais pas écrire. J’aime seulement lire et imaginer. Mon rêve est de devenir cinéaste. Créer des animés, des films.

—Joli rêve, qui je l’espère deviendra réalité. Qui sait, tu adapteras peut-être un de mes romans un de ces jours.

—L’espoir fait vivre.

Il rit, faisait remonter ses joues et plisser ses yeux.

—Mais qui sait… Je serais honoré de participer à l’adaptation de vos romans.

Je signe le bouquin, lui promit que nous nous reverrons dans des studios un de ces jours, puis je me souviens qu’Ariel est tout autour de moi. Quand le gamin laisse place à un couple, je retombe dans le tunnel de cheveux. Ariel apparaît sous forme d’humain. Sous la forme que je lui ai inventée. Iel flotte dans les airs et tente de glisser ses bras autour de mon cou. Je le repousse.

—Pourquoi tu souris ? Ça t’amuse de me faire rêver à l’impossible ? N’en as-tu pas assez de m’ouvrir le cœur. Tu t’es pris pour un boucher ? Un chirurgien ? Arrête ça ! Arrête ! Me faire croire à ses rêves, me tue.

Mes forces me quittent. Je suis incapable du moindre mouvement de rage. En fait, je me laisse choir sur le sol moelleux et me cache le visage dans les mains.

—Je ne fais pas ça pour que tu pleures. Je te montre seulement ce que tu pourrais accomplir si tu te donner plus de chance.

—Je veux des certitudes, Ariel. Pas de vulgaires images rêvées. Ça n’existe pas et ça fait mal. Terriblement mal. Parce que c’est toi qui me les montres. C’est toi qui murmures vers mon cœur que je peux atteindre cette vie-là. Ce n’est pas anodin, ce n’est pas moi qui me berce d’illusion pour me déconnecter du monde, ça vient de toi.

Iel glisse sont corp tiède sur mon dos. La lumière s’enroule à moi, à la douleur qui martèle ma poitrine.

—Tu es capable de ça, Léandre. Tu le verras un de ces jours.

—Je n’y crois pas.

—Parce que tu as pris les opportunités comme des échecs, comme des obstacles et du négatif. Toute chose arrive pour une chose. Tu es encore trop aveugle pour voir ce qui arrive. Mais déjà, tu recommence à tâter, tu remarches.

—Tu te fais des idées.

—Tu sais que j’ai raison. Tu ne veux tout simplement pas te l’avouer pour éviter d’avoir mal si ça ne se passerait pas comme tu le désirer. Apprends à accueillir toute chose. Le ciel orageux, comme les fleurs du printemps.

Ariel me ramène sur ma chaise devant mon ordinateur. En me tournant vers mon miroir, mon reflet me révèle des yeux rougis. J’ai pleuré inconsciemment. Ça m’arrive parfois. Je pleure et m’en rends compte lorsque je sens les larmes sécher sur mes joues.

Un soupir en entrainant un autre, j’abandonne l’écriture. J’ai un peu avancé, ça ira.

Je fais mon sac pour demain, y met mon premier roman. Je prends mon portable, fais une photo de ma clé USB. Au finale, cette prestation est une bonne chose. Ça me permet de parler un peu de moi, sans m’étaler pour autant. Une réunion de chômeur anonyme.

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