Chapitre 8 : L'installation officielle

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JAMIE

 Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette journée a foutrement bien commencé.

En sortant du lit à contre cœur ce matin, avec une moitié de gueule de bois, il ne me serait jamais venu à l'idée que je puisse me retrouver nez à nez avec une Hannah à demi vêtue.

Bon sang ce qu'elle est belle.

La vision de sa jolie paire de jambes nues et de ses joues roses de honte m'ont mises d'une excellente humeur. Ce qui ne semblait pas être réciproque toutefois. Après s'être planquée dans la salle de bain plus d'une demi-heure, elle est réapparue les cheveux séchés, convenablement habillée, et s'est contentée de m'ignorer toute la matinée. Allant et venant dans la maison, s'affairant à je ne sais quelle occupation et feignant l'indifférence totale à mon égard. Chose que j'aurais pu gober, si je n'avais pu vu sa mignonne petite tête virer au cramoisie à chaque fois que je me trouvais dans les environs. Est-ce sa nudité ou la mienne qui l'a mise si mal à l'aise ? Je me surprends à apprécier l'idée que ce soit la vue de mon corps qui ai pu la mettre dans cet état, avant de me reprendre.

Je n'en passe pas moins la moitié de la journée à me pavaner torse nu, histoire d'accentuer son malaise et ne manque pas de lui adresser de grands sourires à chacune de nos rencontres, rien que pour l'énerver. A la fin de la matinée, ses sourcils sont froncés au possible et elle ne jette plus un seul regard dans ma direction, se contentant de trimbaler sa moue boudeuse d'une pièce à l'autre. Son petit manège puéril me fait sourire. Elle semble si mature à certains égards ; elle passe pourtant le reste de la journée à agir comme une adolescente pucelle, dont la nudité aurait été dévoilée à la vue de tous. C'est franchement n'importe quoi. Des corps nus, j'ai en vu des dizaines. Et bien qu’insupportable, ravissante comme elle est, je suis pratiquement sûr qu'il doit en être de même pour elle.

Comme tous les samedis, je suis dans le garage, occupé à bricoler. Vers quinze heures, en plein dans la rénovation d'une armoire, j'interromps mon ponçage en apercevant un camion de déménagement s'engouffrer dans l'allée. Je me redresse et attrape un torchon posé sur l'établi. En m'essuyant négligemment les mains, je sors du garage et avance vers le duo de gringalets qui descend de la cabine. A la vue de leurs carrures, je me demande comment ces deux-là ont réussi à venir à bout d'un déménagement à eux seuls. Le volet à l'arrière du camion s'ouvre dans un crissement de ferraille qui me fait grincer des dents.

— Un coup de main ? Je leur lance en les saluant de la tête et en avançant vers eux.

— ça ira m'sieur, y'a pas grand-chose à descendre. Me répond le plus freluquet, d'une voix nasillarde.

— Une livraison pour ... Mademoiselle Mendes, ajoute le second en lisant son papier d'un air constipé.

— Vous êtes à la bonne adresse. Je lui réponds avec un sourire poli. Je vais la chercher.

Je fais demi-tour et commence à grimper les marches du porche, quand Miss grognon fait son apparition sur le seuil de la porte.

— Tes déménageurs sont là. Je lui dis simplement en pointant du pouce le camion dans mon dos.

— J´avais remarqué, me répond-elle sans même me regarder, les yeux rivés devant elle, tandis qu'elle s'avance dans l'allée.

— Salut les gars, vous pouvez porter tout ça jusqu’à ma chambre à l'étage s'il vous plait ? Leur demande-t-elle avec un sourire radieux.

Son ton, soudain jovial, me laisse perplexe.

Tiens donc... les demi-portions ont le droit aux formules de politesse et aux regards de braise ?

— Pas de problème 'moiselle Mendes. Récitent-ils en cœur comme deux idiots. Je secoue la tête, dubitatif, et observe ses deux crétins en pleine parade. Ils semblent complètement fascinés par la beauté qui vient de débouler devant eux.

— Super ! Leur répond-elle avec un sourire éblouissant, à la limite entre le flirt et l'innocence. Un vrai petit démon. Suivez-moi, c'est la porte juste à droite, en haut des escaliers.

Sur ce, elle reprend le chemin de la maison et me frôle en m'ignorant royalement, faisant signe à ses deux nouveaux meilleurs amis de la suivre. Les pauvres feraient bien de se méfier. Cette petite sournoise n’aurait aucun mal à les amadouer pour faire d'eux ses esclaves personnels.

Il leur faut à peine cinq minutes pour effectuer les deux allers-retours jusqu'à la chambre d'Hannah. Rien de surprenant, trois minutes m'auraient largement suffit pour déplacer cinq cartons et une télévision. Non mais quelle femme de nos jours, déménage en apportant avec elle un nombre de carton se comptant sur les doigts d'une seule main ? Lorsque ma famille a emménagée en ville, à elles seules, rien qu'avec leurs garde-robes, maquillages, produits capillaires et autres conneries de nanas, mes deux sœurs détenaient la moitié des cartons du déménagement.

Après avoir signé le bon de livraison et salué de la main Tic et Tac, Hannah rentre en sautillant dans la maison et grimpe les marches d’escalier deux par deux.

Je la suis, intrigué par cette soudaine humeur joyeuse et vient me planter à l'entrée de sa chambre.

— Tu es bien plus mignonne lorsque tu souris. Tu devrais le faire plus souvent. Je lui lance d’un ton moqueur en m’appuyant sur le battant de la porte. Sa réponse ironique ne se fait pas attendre, ce qui ne me surprend pas.

— Vous êtes bien plus mignon lorsque votre bouche est fermée. Vous devriez la boucler plus souvent.

— Charmant. Je réponds en ricanant.

Elle me toise avec un sourire satisfait puis reprend sa tâche.

Je l'observe tandis qu'elle s'attaque au déballage de sa télévision d’un autre âge. Elle est occupée à déchirer le papier bulle qui enveloppe son écran, la pointe rose de sa langue dépassant d'entre ses deux lèvres pulpeuses.

— Tu comptes vraiment t'installer ici alors? Je lui demande.

— Bien sûr. C'est ma maison à ce que je sache. Nous entamons officiellement nos six mois de collocation! Félicitations.

— Génial... Je lâche dépité.

Honnêtement, j'espérais secrètement qu'elle changerait d'avis. J'espérais qu'une fois son caprice terminé, elle finirait par mettre les voiles. En voyant les cartons étalés dans sa chambre, je dois bien me rendre à l'évidence. Je vais devoir me coltiner cette chieuse jusqu'à la fin de mon bail. Son air de pimbêche en dit long, elle va me rendre la vie impossible.

— Où est votre voiture ? Me questionne-t-elle, interrompant mes pensées.

— Quoi ?

— Votre voiture ? Je vous ai vu partir avec hier. Elle n'est pas dans le jardin, ni dans le garage. Je pensais que vous aviez passé la nuit dehors.

— J'ai passé la soirée chez un ami et j'ai bu quelques bières. Je ne prends jamais le volant quand j'ai bu. On m'a déposé hier soir, mais tu devais dormir. Je lui réponds, d'un ton indifférent et haussant les épaules.

Non mais qu'est-ce que ça peut lui faire que je découche?

Elle ne répond rien, mais quand son regard croise le mien, son expression s'est adoucie. Elle se fige quelques secondes, comme si elle cherchait une réponse à me donner, mais reste finalement muette. Pensive, elle se remet à éclater les bulles du papier toujours dans ses mains. Je reprends la parole pour mettre fin au silence gênant qui s'est installé. Son sourire s'est définitivement évanoui. Je vais finir par croire que je suis seul responsable de son état d'esprit maussade.

— Je ne serai pas là ce soir non plus, d'ailleurs. Si tu veux... je ne sais pas... prévoir quelque chose.

— Parfait, répond-t-elle simplement.

— Bien... Je te laisse déballer tes cartons.

— C'est ça.

Embarrassé par ces fluctuations d'humeurs constantes, je ferme la porte et m'éclipse.

Mon cerveau est épuisé par les événements de ses deux derniers jours. Affronter une Hannah triste, furieuse, provocatrice, joyeuse et déprimée. Tout ça en moins de vingt-quatre heures ? Trop pour moi. Lorsque Chase passe me prendre deux heures plus tard, je quitte la maison, pensif. Étrangement, je me sens coupable de laisser Hannah seule, deux soirs d'affilé. Elle n'est pas ressortie de sa chambre depuis notre conversation. Peut-être est-ce ces derniers mois passés aux côtés d'Annie, ou bien suis-je seulement complètement idiot, mais je m'inquiète pour elle. Je me demande quelles blessures se cachent derrière ces airs de gamine effarouchée et caractérielle.

 Par dessous tout, je commence sérieusement à m'interroger sur les intentions d'Annie quant à ce bail et la raison de ma présence dans cette maison...

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