Chapitre 22 : Baignade interdite
HANNAH
James retire ses vêtements un à un, son visage placardé d’un immense sourire satisfait tandis que je le fixe comme une ahurie, bouché bée. J’ai beau l’avoir vu torse nu plus d’une fois, le spectacle me laisse chaque fois pantoise. Un coinement de surprise m’échappe lorsqu’il se retrouve finalement en caleçon. Je tourne la tête en grimaçant à la vue de ses atouts masculins explicitement exposés. Ce garçon n’a aucune tenue. Je suis complètement chamboulée par cette journée entière passée à ses côtés. A tel point que j’en avais oublié la raison même de notre présence ici.
Je prends une profonde inspiration et reporte mon regard sur James en faisant un effort surhumain pour garder mes yeux rivés sur son visage. Son corps d’Adonis agit comme un aimant sur mes pupilles et malgré mes dernières résolutions, il me faut toute la volonté du monde pour résister à la tentation de lorgner ses abdominaux fuselés à la perfection.
Les lèvres frémissantes, il soutient mon regard et son sourire finit par s’étirer largement.
- Allez, ramènes-toi, hors de question de se dégonfler maintenant.
- On avait dit, pas de fricottage James ! Je lui cri outrée.
- Qui te parle de fricotter Hannah, c'est juste un bain, allez, détends-toi et rejoints-moi.
Sans attendre ma réponse, il s’avance vers la cascade et commence à s’enfoncer dans l’eau. Est-ce qu’il compte vraiment se baigner ici ? Je ne sais pas ce que j’avais imaginé en acceptant cet accord stupide mais l’idée me semble beaucoup moins réjouissante à cet instant. Pour commencer, je pensais que la baignade serait autorisée. J’imaginais surtout un lieu public, rempli d’autres êtres humains. Au lieu de ça, nous sommes seuls, au milieu d’une clairière sombre, sur le point de faire trempette dans un point d’eau illicitement, sans rien ni personne pour m’empêcher de déraper…
La fraîcheur de la tombé de la nuit s’installe peu à peu et je frisonne en sentant l’air frais caresser mes bras nus. Le chant des insectes résonne plus fort qu’à notre arrivée et les sous-bois, remplis d’ombres étranges, me paraissent soudain bien moins accueillants. L’eau qui m’avait paru tellement belle il y a moins d’une heure, s’est assombrie, et je grimace en imaginant toutes les bestioles potentiellement tapies sous sa surface.
James, qui me tourne toujours le dos, semble en revanche complètement serein, immobile au milieu de l’étendue d’eau. Envoutée par ce spectacle, je l’observe passer une main mouillée sur sa nuque, puis glisser ses doigts dans ses cheveux, les laissant humides et magnifiquement désordonnés. Son dos, ferme et bronzé, forme un V parfait. De la naissance de ses reins qui effleurent la surface du lac, se reflètent deux fossettes irrésistiblement sexy. Son aisance dans l’eau, la robustesse de son corps et le silence qui nous entoure lui confère une beauté à la fois sauvage et hypnotique. Il se retourne enfin, et ma respiration s’emballe. A demi-nu, tel un homme des bois, avec sa barbe de quelques jours, ses cheveux indomptables et sa peau luisante, il semble parfaitement à sa place dans ce paysage primitif.
Contrairement à moi, qui suis plantée comme une pauvre cruche au bord de l’eau, encore toute habillée et la bave aux lèvres, pendant qu’une créature sublime m’attend patiemment dans l’eau.
Je me déteste.
Je viens de lui faire tout un speech sur mon désir de stopper toute cette mascarade entre nous. Pourtant, à cet instant, je n’ai qu’une seule idée en tête : le rejoindre sous l’eau. Mon cœur cogne contre ma poitrine et les papillons dans mon ventre me retournent l’estomac.
Non, je ne peux pas. Je dois mettre de l'ordre dans ma vie.
Si l'appel de Justin aujourd'hui, au plein milieu de notre becotage, n'était pas un signe du destin, alors je ne sais pas ce qu'il me faut.
Mon histoire chaotique avec Justin, ces dernières semaines avec James, les réprimandes de Clark, tout se bouscule dans ma tête et je ferme les yeux en tentant tant bien que mal de remettre de l'ordre dans mes idées.
— Je n’ai pas de maillot ! Je hoquette soudain en reprenant mes esprits et en réalisant que je n’ai aucun vêtement adéquat pour la baignade dans mon sac à dos.
— Mince… Je ne t’avais pas précisé qu’il t’en faudrait un ? me répond ce petit sournois d’un air faussement innocent.
— Non gros malin, tu ne m’avais rien dit, je lui grogne de nouveau exaspérée tout en lançant des regards paumés autour de moi. Non mais qu’est-ce que j’imagine ? Que je vais pouvoir dégoter un bikini sous un de ses rochers ?
— Désolé, ça a dû m’échapper, répond-il en haussant les épaules.
Je ronchonne en levant les yeux au ciel.
Après quelques secondes d’hésitation, je fini par abdiquer et me penche pour défaire mes lacets. Je commence à connaitre l’énergumène. Si je ne respecte pas ma part du marché, je risque d’en entendre parler pendant des semaines. Et puis hors de question de lui donner cette satisfaction. S’il croit que je vais me dégonfler, il se fourre le doigt dans l’œil. Une fois mes chaussette retirées et enfoncées dans mes chaussures, je me relève, prends une grande inspiration et m’avance vers le lac, d'un pas déterminé.
— Qu’est-ce que tu fais ? M’interroge James, les sourcils froncés.
— Ça me parait évident non ? Je tiens parole en me baignant sous cette foutue cascade.
— Toute habillée ? me demande-t-il perplexe.
— Oui, toute habillée, je réplique, agacée – Ce qui n’aurait pas été le cas si un gros malin n’avait pas «omis » de me préciser que j’aurais besoin d’un maillot de bain ! Si tu espérais me voir nue sous cette cascade avec toi, tu risques d’être déçu !
Je lève les yeux au ciel pour la centième fois aujourd’hui lorsqu’il se met à rire, et continue d’avancer en prenant soin de regarder là où je mets les pieds. Les galets sur la rive sont couverts de vase et j’aimerai mieux éviter de me vautrer devant lui. Je suis déjà bien assez ridicule, inutile d’en rajouter une couche. Ma respiration se coupe à l’instant où mes orteils entre en contact avec l’eau. La vache, elle est carrément glaciale. Ça m’apprendra à jouer les intrépides…
— Ne sois pas ridicule Hannah, enlèves tes vêtements, tu auras encore plus froid si tu restes toute habillée. Et puis je t’ai déjà vu bien moins vêtue que ça je te rappelle.
Je m’arrête et pousse un soupir d’exaspération en croisant son regard espiègle.
— Okay, désolé, s’excuse-il, je me retourne le temps que tu te déshabilles si ça te dérange tant que ça ? Ajoute-t-il d’un ton soudain sérieux et coopératif.
Coopératif mes fesses.
Il est capable de se retourner en plein milieu de mon effeuillage rien que pour me faire enrager. Je réfléchi trente secondes aux différentes possibilités qui s’offrent à moi avant de grogner.
— Bien, je réponds, résignée. Tourne-toi et attends que je te donne la permission de bouger.
— A vous ordres, me lance-t-il joyeusement en me tournant le dos.
— Et ferme les yeux !
— Quelle autorité… réplique-t-il avant de poser ses mains sur ses yeux en riant. Tu peux y aller, je ne vois plus rien, promis.
Sans perdre une seconde, je passe mon débardeur par-dessus ma tête avant de le jeter à la hâte sur le rivage près de mon sac. Je déboutonne mon short et le fait glisser sur mes jambes en quatrième vitesse en essayant tant bien que mal de le garder sec. Je lève la tête pour vérifier qu’aucun œil baladeur n’est de sortie et balance mon short qui rejoint le reste de mes affaires sur la rive. Uniquement vêtue de mon soutif et mon shorty, je m’avance lentement. Je retiens ma respiration en sentant la morsure de l’eau glacée remonter le long de mes cuisses mais lorsque mon entrejambe effleure enfin la surface, je ne peux retenir un halètement. Un frisson me parcourt de la tête au pied et je ferme les yeux en jurant entre mes dents, déclenchant l’hilarité de mon compagnon de baignade.
— Je te jure que je te noie si tu oses te retourner ! Je lui crie, en sautillant sur place.
— Relax, j’attends sagement tes instructions.
J’ouvre un œil en dansant d’un pied à l’autre et constate qu’il ne ment pas. Il n’a pas bougé d’un poil, ses mains toujours sagement posées sur ses yeux.
— Si tu pouvais juste te grouiller, l’eau est légèrement fraîche et je commence à ne plus sentir mes parties génitales.
— Ah oui ? Je lui rétorque, soudain réjouie.
— Hannah, magnes-toi… insiste-t-il.
Satisfaite de ma mini vengeance et sans me presser le moins du monde, je prends une profonde inspiration et après trois grandes enjambées, je plonge enfin mon corps sous l’eau jusqu’au cou, en poussant un cri étranglé.
Ma respiration se coupe lorsque le froid me saisit les os. J’ai l’impression d’être gelée jusqu’à la moelle. Il faut bien dix secondes à mes muscles tétanisés par la température glaciale, pour retrouver leurs mobilités. J’entreprends de m’éloigner de quelques brasses, histoire de me réchauffer, puis revient vers James en prenant soin de garder au moins deux mètres de distance entre nous.
— Tu peux te retourner.
Les genoux au sol, toujours entièrement ensevelie sous la surface jusqu’au épaule, je l’observe tandis qu’il pivote, retire ses mains, et rouvre les paupières. Pendant ce qui me semble être une éternité, il me fixe, sa bouche s’ouvrant et se refermant à plusieurs reprises, comme s’il cherchait ses mots. Reprennant ses esprits, il se racle la gorge et d’un signe de tête, me montre une des deux cascades sur notre gauche.
— Il y a moins de fonds sous celle-ci, je pense que tu auras pieds ici.
— A toi l’honneur.
— Non , honneur aux dames. Rétorque-t-il avec un petit sourire satisfait.
— Comme tu voudras, je marmonne. Je ferme les yeux, prend une grande respiration et m'élance la tête la première tout en poussant un cri étouffé.
Le froid est saisissant. L'eau m'envelloppe entièrement et lorsque j'émerge sous la cascade, un rire incontrolé s'échappe de mes lèvres. Je suis frigorifiée mais je me sens tellement libre. Les flots s'abattent avec force sur mes épaules et je savoure cette sensation étranges quelques minute avant de m'avancer devant la chute d'eau.
Un sourire joyeux étire les lèvres de James.
— Défi numéro un terminé, me lance-t-il en riant et en me tendant la main comme pour conclure cette première étape de notre pacte. Je l'empoigne et la secoue avec énergie, ravie d'avoir relevé ce premier challenge et ri de bon coeur à mon tour.
Il secoue la tête avant de s'élancer à son tour dans un plongeon parfait. Il reste quelques instant sous l'eau, avant de réapparaitre de nouveau, en secouant sa chevelure trempée.
Je m'apprête à replonger à mon tour, euphorisé par le froid et l'adrenaline lorsque j'entends une voix crier sur la rive.
— Eh vous ! Que faites-vous là !
Sursautant de peur, James et moi nous retournons à l'unisson.
L'un des gardiens du parc se trouve sur le pont, à un dixaine de mètre de nous, et nous pointe de sa lampe torche en s'avancant à grand pas.
***
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